A quand une protection européenne pour les Russes persécutés pour avoir protesté contre la guerre?

Kremlin Russie
Drapeau russe sur le Kremlin. © Getty Immages
Eddy Caekelberghs
Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Il fut un temps où l’objection de conscience était connue dans nos régions. Avant l’abrogation du service militaire obligatoire. Il fut un temps où l’objection de conscience – admise par Lénine en 1919 et révoquée par Staline en 1929 –fut réintroduite dans les Constitutions russe, biélorusse et ukrainienne après la chute de l’URSS.

Il fut un temps où le non-alignement était une politique où l’Inde, l’Egypte, la Chine, la Yougoslavie et quelques autres s’interposaient littéralement “entre” les blocs en tension. Le non-alignement a perdu ses leaders, même s’il reste aujourd’hui un Mouvement des non-alignés qui prône un nouvel ordre mondial depuis son secrétariat général en Azerbaïdjan!

Mais, plus encore! Alors que nos opinions publiques et nos médias se plaignent du peu de pugnacité supposée d’opposants internes en Russie – des opposants presque suicidaires au vu des peines qu’on leur inflige pour toute protestation –, nous refusons de prendre en compte ces centaines de milliers de jeunes Russes qui ont quitté le territoire depuis la guerre, et d’autres parfois depuis des années, refusant de cautionner le régime ou de participer à cette boucherie!

Certes, une bonne part de ces refuzniks, depuis le 24 février 2022, a pris la direction de l’Arménie, de la Géorgie, du Kazakhstan ou de la Turquie. Cela justifierait donc que l’on ne s’en préoccupe pas. Mais pourquoi sont-ils là-bas? Parce que nous les avions enfermés en Russie, à la merci de l’autocrate qu’ils contestent, sans espoir de nous rejoindre. Vols supprimés, frontières fermées.

Et que dire même de ces jeunes Russes, étudiants dans l’espace de l’Union européenne (souvent dans les pays baltes), à qui l’on refuse le renouvellement du permis de séjour? A charge pour eux de retourner valider leurs papiers en terre russe, sachant qu’à leur âge, c’est le retrait de passeport et l’envoi au centre de recrutement militaire qui les attendent!

Pourquoi réserver aux seuls Ukrainiens, victimes certes, sur simple démonstration de nationalité, un droit provisoire de séjour ici, dans l’Union européenne, avec aides immédiates, mais s’opposer à toute aide et statut similaires pour les Russes refusant la guerre? Où est notre logique? Se venger sur eux qui refusent Poutine et ses délires? Ne voit-on pas que les aider serait justement affaiblir ce même Poutine et ses sbires? Que c’est sur eux que l’on comptera demain pour faire basculer la Russie vers un autre destin? Pourquoi leur opposer des “restez en Russie et opposez-vous!” alors que ces propos balaient tout simplement la base même de l’asile et du statut de réfugié politique? C’est essentialiser le Russe pour ce qu’il est et non le considérer pour ce qu’il fait et pense!

Alors, on se réveille? Ouvrons des droits aux Russes qui ont fui le régime de Poutine. C’est notre sécurité commune!

Avec plusieurs organisations pacifistes en Europe, 50.000 citoyens européens ont signé une pétition à l’intention des autorités de l’Union. Le 16 février 2023, le Parlement européen a voté une résolution qui contient le paragraphe suivant: «déclare sa solidarité et son soutien aux personnes courageuses de Russie et de Biélorussie qui s’expriment contre la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ; demande que les Etats membres offrent protection et asile aux Russes et aux Biélorusses persécutés pour s’être exprimés ou avoir protesté contre la guerre, ainsi qu’aux déserteurs et aux objecteurs de conscience russes et biélorusses». Alors on se réveille? Ouvrons-leur des droits, c’est notre sécurité commune!

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