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200 milliards d’euros de profit pour les pétroliers: scandale ou faux étonnement ?

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

200 milliards d’euros : c’est le montant cumulé des profits réalisés par les 6 plus grandes compagnies pétrolières occidentales. C’est l’équivalent du PIB d’un pays comme la Finlande.

C’est historique et très étonnant, et quand je dis étonnant, je devrais plutôt dire que c’est contradictoire avec le discours ambiant de ces dernières années. Ne parle-t-on pas de transition énergétique à longueur de journée ? Oui, sauf que ce montant de 200 milliards d’euros de profits montre que l’énergie fossile a encore de belles heures devant elle. Ce qui pose aussi un problème aux fonds boursiers qui ont décidé d’investir, uniquement, sur des actions d’entreprises qui ne sont pas actives dans les énergies fossiles.

Certains s’en mordent les doigts, car si je prends l’action TotalEnergie, elle a pris 30% en plus de 3 ans et tout en versant chaque année un dividende de plus de 5% ; ce qui est bien entendu nettement mieux qu’un compte d’épargne. Les lecteurs les plus attachés à la cause écologique se demanderont comment une telle monstruosité (je parle des profits records de 200 milliards d’euros) est-elle possible ? Comment est-ce possible d’afficher des profits aussi indécents alors que les politiques n’ont que les mots transition énergétique et sortie des énergies fossiles à la bouche ? Réponse : si les profits sont aussi élevés alors que le prix du pétrole n’est pas plus élevé qu’il y a dix ans, c’est parce qu’il y a eu l’invasion de l’Ukraine et les embargos, décidés par l’Union européenne sur l’importation de produits pétroliers. Tout cela a poussé les prix vers le haut bien sûr.

Et puis, il ne faut pas oublier que suite aux pressions des ONG et des mouvements écologistes, les investissements dans l’exploration de production de pétrole et de gaz ont été divisés par deux entre 2014 et 2019, nous disent les spécialistes. Le résultat, c’est que si vous avez d’un côté des investissements réduits et une demande accrue de l’autre côté, vous ne pouvez qu’avoir une pression à la hausse sur les prix et donc une hausse stratosphérique des profits pour Total, Chevron, BP, Shell et autres ExxonMobil.

Après le scénario, il est connu : face à ce chiffre (200 milliards d’euros cumulés de profits), il y a des cris et des pétitions pour crier au scandale, au fait que ces entreprises profitent de la guerre pour s’enrichir. Et du côté des entreprises en question, la réponse sera aussi claire. Je vous la résume en quelques points. D’abord, elles vont distribuer des dividendes monstrueux à leurs actionnaires (parfois jusqu’à 80% des profits réalisés seront rendus aux actionnaires sous forme de dividendes). Ensuite, toutes ces entreprises vont nous dire que ces profits sont aussi réinvestis dans les énergies renouvelables, dans le gaz liquéfié et la décarbonation. Ces mêmes pétroliers nous diront aussi qu’ils vont payer encore plus d’impôts. Shell va, par exemple, payer plus de 2 milliards d’impôts exceptionnels à l’Union européenne. D’autres, comme TotalEnergie, donnent des ristournes aux consommateurs français.

Mais tout cela n’apaisera pas la colère d’une partie de la population qui est dépassée par la hauteur de ces profits qu’elle juge scandaleux. Et surtout, cette partie de la population ne comprend pas le paradoxe avec le discours ambiant autour de la transition énergétique. Les vrais spécialistes de l’énergie, eux, ne sont pas étonnés, ils savent que le discours ambiant est hypocrite ; ce qui les étonne, c’est plutôt notre étonnement !

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