Amid Faljaoui
Baisse amère des taux d’intérêt : la BCE ne cesse de se tromper
Les taux d’intérêt sont en train de baisser en Europe. C’est, en soi, une bonne nouvelle. Nous vous l’avions annoncé ici même, la banque centrale européenne, qui est donc l’institution qui gère nos taux d’intérêt, a baissé pour la deuxième fois ses taux d’intérêt et à chaque fois de 0.25%.
La première fois c’était en juin dernier et la deuxième, c’était jeudi dernier. A priori, c’est une bonne chose et pourtant il y a un goût amer à cette baisse des taux. Pas mal de commentateurs sont même fâchés contre la Banque centrale européenne. Je vous rassure : ce ne sont pas des enfants gâtés qui boudent le plaisir de voir les taux d’intérêt enfin baisser. Non, s’ils râlent contre la BCE, c’est parce qu’elle a trop tardé à baisser ses taux. En somme, comme le dit mon commentateur boursier préféré Marc Fiorentino, elle a un métro ou deux de retard notre chère BCE.
Malgré les deux baisses récentes, les taux d’intérêt sont aujourd’hui trop élevés, ils sont à 3.50%. En clair, ils sont plus élevés que la croissance de la zone euro qui est anémique. Les taux d’intérêt actuels sont plus élevés que l’inflation moyenne en Europe. Il faudrait donc que la BCE soit moins timide et baisse encore plus ses taux d’intérêt, ce qu’elle ne fait pas. Cette demande d’une baisse des taux plus forte et plus rapide émane de très nombreux chefs d’entreprise et d’économistes, mais elle répond aussi au constat de Mario Draghi.
Je vous rappelle que Mario Draghi est économiste de formation, qu’il a été un excellent président de la Banque centrale européenne, qu’il a été Premier ministre de l’Italie et qu’il vient d’être chargé de rédiger un rapport sur l’Europe et sur la manière de réveiller sa compétitivité. Il a remis son rapport de 400 pages la semaine dernière. Alors que c’est quelqu’un qui pèse chacun de ses mots, il nous dit clairement que l’Europe est dans une « lente agonie », une expression qu’on utilise généralement pour quelqu’un de mourant. Donc, oui, si nous ne voulons pas que l’Europe devienne une sorte de musée géant visité par les classes moyennes chinoises, il va falloir investir 800 millions d’euros par an nous dit encore Mario Draghi. Mais, il faudra aussi avoir une banque centrale qui ne se plante plus autant dans ses diagnostics. Le « track record » de la BCE est disons-le « lamentable ».
Souvenez-vous de l’ancien président de la BCE, Jean-Claude Trichet qui a décidé d’augmenter les taux d’intérêt au pire moment, soit en pleine crise financière. Quant à Mme Lagarde, ce n’est guère mieux. Début 2022, il y a eu une inflation forte en Europe suite au rebond de l’économie post-Covid. Mme Lagarde n’a rien fait, elle a laissé les taux d’intérêt très bas et à l’époque, ils étaient même négatifs. Puis, après l’invasion de l’Ukraine, ses équipes lui ont demandé de dire que l’inflation était provisoire. Bien entendu, comme ses équipes se sont bien plantées, Mme Lagarde a voulu rattraper le retard. Hélas, le souci, c’est qu’elle a augmenté ses taux d’intérêt trop brutalement et trop vite. En 18 mois, elle les a augmentés de 4.50%, c’était sans doute 2% de trop. Nous en payons aujourd’hui le prix, car les taux auraient dû baisser plus vite et plus tôt. Par sa hausse trop brutale et trop rapide des taux d’intérêt, la BCE a cassé le rebond de l’économie européenne.
Vous me direz que c’est justement parce que la BCE a augmenté ses taux d’intérêt que l’inflation a pu enfin baisser. Pas vraiment, l’inflation était plus le résultat d’un choc énergétique que d’un trop-plein d’activité en zone euro. Si l’inflation a baissé aujourd’hui, un peu partout en Europe, c’est moins grâce à la hausse des taux qu’à la baisse des prix de l’énergie. Mais voilà, Mme Lagarde estime que la baisse de l’inflation, c’est grâce à elle. Sans doute qu’elle connaît la phrase de Jean Cocteau : « quand les choses nous dépassent, feignons d’en être les instigateurs ».
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