À Bruxelles et ailleurs, quand les dégoûtés seront partis, il n’y aura plus que les dégoûtants…

David Leisterh (MR) n'en pouvait plus: il quitte la politique "nationale". BELGA
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Le retrait de la vie politique nationale de David Leisterh (MR), après celui de Christophe De Beukelaer (Engagés), témoigne de la politique de terre brûlée pratiquée par certains en Région bruxelloise. Plus largement, la difficulté des mesures à prendre et l’indicible complexité politique risquent de nuire au pays tout entier.

La décision prise par David Leisterh (MR) de se retirer de la vie politique est tout sauf une surprise. Le libéral, en charge d’une impossible formation gouvernementale depuis seize mois, était usé, fatigué, abîmé. La dernière tentative de former un budget, freinée par les exigences du PS et rendue compliquée par un “mur de non” fut fatale.

Sans doute celui qui est aussi bourgmestre de Watermael-Boitsfort était-il trop tendre pour le match de catch qu’est devenu la politique ? Sans doute ces vétos mis par les uns et les autres lui étaient-ils étrangers ? La tactique tout en sourires sournois du socialiste Ahmad Laaouej, refusant la N-VA dans toutes les langues, et les intrusions permanentes de son ami Georges-Louis Bouchez rendaient l’exercice plus que périlleux. Pour ne pas parler de l’intransigeance d’un Open VLD en crise.

Or, l’effort budgétaire à réaliser en Région bruxelloise est d’autant plus compliqué à mener qu’il doit mettre par terre un système d’organisations et de privilèges érigés au fil du temps par les gouvernants. Le tout dans une capitale dont la sociologie a fortement évolué, paupérisation et communautarisme à la clé.

Là plus qu’ailleurs, la prise de responsabilité coûte à ceux qui veulent s’y risquer.

Une incroyable complexité

David Leisterh avait-il la carrure et les épaules pour mener cette opération à bien? Peut-être pas au vu de la violence ambiante. Ce n’est pourtant pas les arguments qui manquent: outre le budget, la capitale souffre de pauvreté, de saleté, de violence endémique avec des fusillades à répétition, d’une mobilité compliquée, d’une économie en mutation… Son image internationale s’étiole. Autant de bonnes raisons pour décider. Mais visiblement, cela ne suffit pas.

Le formateur partant pointe du doigt la complexité du système. Construit pour respecter la minorité néerlandophone et pacifier la politique, l’imbroglio bruxellois était un modèle, mais il est devenu un obstacle, c’est vrai.

Il faut au moins sept partis très différents pour former une majorité, dont certains sont antagonistes (ne parlons pas que du PS et de la N-VA), et une double majorité du côté flamand et francophone. Ajoutez à cela le pouvoir de nuisance de certaines minorités comme la Team Fouad Ahidar ou la faiblesse devenue structurelle de DéFI ou d’Ecolo et vous avez un cocktail improbable.

Il faudrait changer le système, oui, mais ce malaise et cet éparpillement touchent toutes les démocraties, à vrai dire: regardez la France… Il malmène les fondements de notre système.

Une sournoiserie fatale

La question sous-jacente est aussi la suivante: libéraux et socialistes pourront-ils encore gouverner ensemble dans l’intérêt général ?

Georges-Louis Bouchez (MR) dénonce un PS qui s’accroche au pouvoir et refuse en réalité de céder les clés à un autre parti que lui-même. Il y aurait trop à réformer, trop à remettre en question après vingt-et-un an de gestion…

C’est peut-être vrai, mais le PS a également muté. Sous la présidence d’Ahmed Laaouej, il a viré le “canal historique” laïc et responsable incarné par Charles Picqué, ministre-président de toujours. Le voilà représentant des classes populaires, mais aussi d’une immigration à l’agenda communautariste à peine dissimulé.

Derrière les sourires mielleux du président, il y a une sournoiserie redoutable et une stratégie implacable. N’a-t-il pas décidé de gouverner avec le PTB à Forest et Molenbeek?

Le MR n’est certes pas exempt de reproches. GLB a porté le “combat culturel” à un niveau jamais vu et cultive les “coups” pour exister. C’est l’instabilité permanente, à son profit.

Le parti libéral dresse, en outre, un portrait acide de Bruxelles devenue le “cloaque” cher à Trump et peine à masquer son envie de revanche face à la gauche.

Le bras de fer traditionnel rouge – bleu est devenu un dialogue de sourds.

Un électrochoc?

Georges-Louis Bouchez, précisément, devrait reprendre la main là où David Leisterh, dont il est proche à titre privé, l’a laissée. Les champs de mines, il aime ça, au fond. Cela promet d’être vigoureux.

Dans les réactions au retrait de David Leisterh, nombreuses sont les voix espérant que cela servira d’électrochoc, à l’instar d’une ministre-présidente francophone Elisabeth Degryse (Engagés) soulignant qu’il “en va de la survie de la Région”.

C’est cela qui est en jeu, avec une menace de tutelle financière clairement exprimée par le fédéral, mais c’est davantage que cela aussi.

En apprenant le retrait de David Leisterh, après celui du chef de file des Engagés Christophe De Beukelaer, on ne pouvait s’empêcher de penser à cette phrase : quand les dégoûtés seront partis, il ne restera plus que les dégoûtants.

Peu de temps après, cette phrase faisait partie du long message émotionnel de Georges-Louis Bouchez: espérons que cela soit de bon augure… Mais plus que jamais, la crise bruxelloise risque de s’éterniser et de laisser des traces au-delà de la Région.

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