Depuis deux semaines, une idée fait son chemin au sein de l’Arizona : augmenter la TVA sur le gaz. Si tous les membres de la coalition n’avouent pas encore y être favorables, cette mesure paraît inéluctable. Pour des raisons budgétaires et parce que l’UE pousse pour rendre les combustibles fossiles moins attractifs.
Pourquoi est-ce important ?
Le gouvernement fédéral cherche toutes les voies qui lui permettront de remplir les caisses de l’Etat. En début d’année, l’accord de coalition prévoyait un tax shift sur les
produits énergétiques (électricité, gaz, mazout, …) pour contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques. Forcément impopulaire, la hausse de la TVA sur le gaz — réduite en 2022 par le gouvernement De Croo — paraît difficilement évitable.
L’essentiel : la hausse de la TVA sur le gaz dans les cartons.
- La semaine dernière, De Morgen a indiqué que le gouvernement Arizona envisageait de faire passer la TVA sur le gaz de 6 à 10%.
- Cette mesure ferait rentrer 240 millions d’euros dans les caisses de l’État et coûterait en moyenne 50 euros supplémentaires par an aux ménages.
- La N-VA et Les Engagés y sont plutôt favorables : la première surtout pour des raisons budgétaires, les seconds plutôt dans le cadre d’un verdissement de la fiscalité.
- Du côté des autres partis, on tempère : le MR veut éviter toute hausse de la pression fiscale, Vooruit et le cd&v craignent que cette mesure ne fasse trop de tort aux plus vulnérables.
Mener la vie dure aux combustibles fossiles
En lame de fonds : le grand écart gaz/électricité.
- Au niveau européen, on presse les États membres de suivre la voie de la décarbonation. Parmi les options privilégiées, la fiscalité : augmenter les taxes sur les combustibles fossiles et inciter au passage à des solutions moins polluantes.
- La Belgique fait partie des mauvaises élèves sur un point bien précis : le gaz y reste particulièrement avantageux par rapport à l’électricité — qui alimente, entre autres, une alternative de chauffage telle que les pompes à chaleur.
- Sur le dernier mois d’octobre, l’électricité coûtait environ quatre fois plus cher que le gaz, pour le consommateur final.
- Cette différence sur la facture s’explique par les prix du réseau et du financement des solutions de transition. “Ce sont des choix politiques, rappelle au Soir l’économiste de l’ULB Estelle Castillon. On aurait très bien pu opter pour d’autres équilibres ou d’autres pistes de financement.”
- En 2025, l’Arizona a laissé la TVA sur les pompes à chaleur remonter de 6 à 21%. Elle rebaissera au 1ᵉʳ janvier 2026. En attendant, celle sur le gaz est toujours réduite.
Dans un avenir proche : plusieurs directives européennes vont faire effet.
- Quelle que soit la décision de l’Arizona, les taxes sur le gaz vont augmenter dans les prochaines années. C’est une volonté assumée des institutions européennes.
- En 2028 entrera en vigueur le système ETS2. La taxe carbone européenne s’appliquera aux secteurs du chauffage et du transport. Les ménages se chauffant au gaz seront bien sûr concernés.
- D’ici 2030, une directive de l’UE prévoit la suppression des taux de TVA réduits concernant les combustibles fossiles.
- C’est d’ailleurs un argument qu’a utilisé le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA) la semaine dernière pour justifier la possible hausse de la TVA sur le gaz.
- “Nous examinons aujourd’hui comment et quand cette adaptation peut être introduite de manière socialement responsable, en tenant compte du pouvoir d’achat des ménages ainsi que de la compétitivité de nos entreprises”, a indiqué Jambon à la Chambre.
- Une augmentation rapide la TVA par l’Arizona pourrait être justifiée par sa volonté d’adoucir la forte courbe haussière du prix du gaz qui devrait survenir d’ici la fin de la décennie suite aux décisions européennes.
“Compenser la hausse de la TVA sur le gaz ? La dette nous coince”
L’avis de l’expert : une bonne idée pour le climat, mais gare aux conséquences économiques.
- Bertrand Candelon, professeur à la Louvain School Management de l’UCLouvain, livre son analyse.
- Selon lui, faire payer l’énergie à son prix réel est une intention louable.
- “Le prix doit tenir compte des externalités, dont font partie les émissions. Les taxes carbone sont l’une des seules options dans les mains des politiques pour les faire baisser.”
- Cependant, cette stratégie ferait poser d’importants risques sur l’économie européenne.
- “Si nous sommes les seuls à mettre en œuvre ce type de mesure, c’est problématique. En payant l’énergie plus cher, nos industries vont encore perdre en compétitivité face à leurs concurrentes américaines et chinoises. C’est toute l’ambigüité européenne. Le politique veut à la fois réindustrialiser l’Europe et à la fois augmenter les prix de l’énergie pour remplir les objectifs climatiques. Je pense qu’il faut davantage de concertation avec les entreprises. Si on leur impose des décisions de manière unilatérale, nous allons droit vers un problème majeur.”
- Les particuliers — surtout les plus vulnérables — risquent également d’en pâtir… Et il n’y aurait pas vraiment moyen de les protéger.
- “Les accises constituent l’un des rares leviers que pourrait activer le gouvernement. Mais en Belgique, c’est délicat. La dette nous coince. Nous ne sommes pas en mesure de compenser la hausse de la TVA par une baisse des accises. C’est particulièrement là que ça coince, chez nous.”
- Un motif d’espoir : la hausse des factures n’est pas incontournable.
- “Les taxes, c’est une chose. Mais ce qui compte aussi, ce sont les prix du marché. Personnellement, j’espère toujours qu’une meilleure efficience énergétique va permettre de faire diminuer la demande en gaz. Si on fait cet effort, les prix du marché vont diminuer. C’est la clé du problème. Si on y arrive, la hausse de la TVA et l’ETS2 pourraient ne pas se faire ressentir tant que ça sur la facture du consommateur final.”
- En Belgique, la consommation de gaz reste bien en deçà du niveau d’avant-crise : 12,8 TWh en octobre dernier, soit 16,9% de moins que pour un mois d’octobre situé entre 2017 et 2022. Une baisse qui s’explique avant tout par un moindre recours aux centrales électriques au gaz, qui fonctionnent désormais comme variables d’ajustement face au renouvelable, au nucléaire et aux importations d’électricité.
- “Les taxes, c’est une chose. Mais ce qui compte aussi, ce sont les prix du marché. Personnellement, j’espère toujours qu’une meilleure efficience énergétique va permettre de faire diminuer la demande en gaz. Si on fait cet effort, les prix du marché vont diminuer. C’est la clé du problème. Si on y arrive, la hausse de la TVA et l’ETS2 pourraient ne pas se faire ressentir tant que ça sur la facture du consommateur final.”