Tout ce qu’il faut savoir pour investir en 2018
La plupart des analystes estiment que l’an prochain sera placé à la fois sous le signe de l’espoir et celui de la crainte. La vigilance sera donc de mise pour les investisseurs. Sans compter qu’au 1er janvier, la taxe sur les comptes-titres et bien d’autres surprises les attendent. Petit tour d’horizon.
‘Lannée prochaine, les banques centrales retireront selon les estimations quelque 500 milliards d’euros du système qu’elles avaient d’abord alimenté. Peuvent-elles laisser le système se ” dégonfler ” en toute quiétude tel un ballon de baudruche ? La plupart des stratèges s’accordent à dire que nous sommes encore à l’abri pour six mois à un an. 2018 sera donc une année placée entre espoir et crainte. Nous n’osons pas espérer une magnifique année boursière et nous craignons de passer à côté de quelque chose si nous restons spectateurs. Soyez donc vigilants. Vérifiez régulièrement que vous détenez uniquement des actions dont vous estimez qu’elles sont susceptibles de résister à une crise éventuelle. Et veillez plus que jamais à une diversification maximale de votre portefeuille. Répartissez vos placements dans le temps et conservez plus de liquidités qu’à l’ordinaire afin de profiter d’éventuelles opportunités. Et n’oubliez pas de tenir compte de toutes les modifications qui entrent en vigueur au 1er janvier.
” Dans son accord d’été, le gouvernement disait avoir pris des mesures pour activer l’épargne, déclare l’avocat fiscaliste Anton van Zantbeek du bureau d’avocats Rivus. Mais ces mesures ne feront pas des épargnants de futurs investisseurs. Elles visent surtout à remplir les caisses de l’Etat, me semble-t-il. ”
Voici les principaux changements auxquels il faut s’attendre.
1. Taxe de 0,15 % sur les comptes-titres
Lors du conclave budgétaire de cet été, le gouvernement a décidé d’instaurer en date du 1er janvier 2018 une taxe de 0,15 % sur les comptes-titres totalisant plus de 500.000 euros de titres. Cette taxe concerne uniquement les particuliers, pas les sociétés. Il y a toutefois une exception à cette règle. Le particulier qui, après la nouvelle année, voudrait placer son portefeuille d’investissement dans sa société dans l’unique but d’échapper à cette taxe, devra tout de même la payer car le fisc continuera à le considérer comme propriétaire du compte-titre.
Sont considérés comme titres aussi bien les actions des sociétés cotées en Bourse que celles des sociétés non cotées en Bourse et les fonds. Les fonds d’épargne-pension ou fonds relevant d’une assurance-vie, les trackers, les certificats et les obligations ne sont pas concernés.
Les bons de caisse sont assujettis à la taxe, mais pas les comptes à terme en revanche. Les bons de caisse et les comptes à terme sont pourtant des produits comparables. Une distinction est faite également entre les warrants, soumis à la taxe, et les options, non imposées. Les deux donnent le droit, dans un délai déterminé, d’acheter (call) ou de vendre (put) un actif à un prix préalablement fixé.
Face à la critique du premier projet de loi par le Conseil d’Etat, le gouvernement a revu sa copie et inclus les actions non cotées en Bourse. Le deuxième projet de loi pose encore quelques difficultés, a déclaré le Conseil d’Etat récemment mais les investisseurs ne se font pas d’illusions, estime Anton van Zantbeek,
” Le projet de loi va passer, je le crains, déplore l’avocat. Pour commencer, le Con- seil d’Etat ne fait que donner des munitions aux avocats qui veulent la suppression de cette loi. Mais la Cour constitutionnelle n’a pour ainsi dire jamais abrogé de lois fiscales. Ensuite, la critique du Conseil d’Etat porte principalement sur la discrimination des actions sur un compte-titre contre les actions nominatives. L’argumentation selon laquelle il s’agit de deux produits différents tient la route, les règles applicables ne doivent donc pas être nécessairement les mêmes. Une action nominative ne se vend pas aussi facilement qu’une action sur un compte-titre. ”
Anton van Zantbeek est radicalement opposé à la taxe sur les titres qu’il qualifie de ” confiscation ” de la propriété des investisseurs. C’est la première fois que les investisseurs belges sont imposés parce qu’ils possèdent quelque chose.
2. Imposition de la plus-value sur les actions en société
Le propriétaire d’un portefeuille d’investissement dans une société ne paie pas de taxe sur les comptes-titres mais bien sur la plus-value réalisée sur les actions. Seuls les holdings qui possèdent des participations de plus de 2,5 millions d’euros dans une entreprise ou détiennent plus de 10 % du capital d’une filiale sont exemptés de la taxe sur la plus-value.
” Je vendrais avant le 31 décembre un portefeuille d’investissement qui contient des actions dont la plus-value est latente, conseille Anton van Zantbeek. Je n’achèterais plus d’actions individuelles par le biais d’une société. Par contre, je conserverais les obligations, les fonds de placement qui réinvestissent les intérêts et les dividendes et les fonds RDT (revenus définitivement taxés, Ndlr) dont les revenus sont exemptés de taxes pour les sociétés. ”
” Les plus-values sont désormais imposables dans le cadre de l’impôt des sociétés au tarif habituel de 25 %, poursuit l’avocat. Je n’ai rien contre le concept de taxe sur la plus-value mais la non-déductibilité des moins-values est injuste. J’ai fait quelques simulations avec des portefeuilles d’actions ayant réalisé un beau rendement ces dernières années. Ils plongeaient tous dans le rouge après application de la taxe. ”
3. Carnet d’épargne : exonération rabotée à 940 euros
A partir de 2018, les intérêts d’un compte d’épargne seront exonérés jusqu’à 940 euros, contre 1.880 euros en 2017. ” Au-delà de 940 euros, les intérêts seront soumis au précompte mobilier de 15 %. C’est toujours moins que la taxe sur les autres revenus des produits d’épargne et d’investissement “, précise Anton van Zantbeek. Pour un carnet assorti d’un taux d’intérêt de 0,5 %, vous devrez acquitter le précompte mobilier à partir de 188.000 euros d’épargne.
Selon l’avocat, malgré l’accord d’été du gouvernement, le carnet d’épargne reste attrayant comparé aux autres produits d’épargne et d’investissement parce qu’il présente d’autres avantages : ” Une garantie de dépôt jusqu’à 100.000 euros par banque et par client. Pas de taxes sur les titres. Pas de taxe sur les transactions”. Et certains petits malins pourront toujours confier leur épargne à plusieurs banques en veillant à ne pas dépasser le plafond autorisé, échappant ainsi au précompte mobilier, même s’ils empochent plus de 940 euros d’intérêts.
4. Dividendes : récupération de 188,1 euros de taxe
La première tranche de 627 euros de dividendes est exonérée d’impôts pour les revenus de l’année 2018. Ce montant grimpera à 800 euros pour les revenus de 2019. Que ces dividendes soient versés par des sociétés belges ou étrangères, peu importe. Les dividendes des sociétés coopératives jusqu’à 190 euros étaient déjà exonérés depuis longtemps. Si vous profitez de cette exonération, l’exonération supplémentaire est limitée à 437 euros.
Malgré le puissant lobby du monde financier, il n’y a pas d’exonération pour les dividendes versés par les fonds de placement. ” Dommage, estime Anton van Zantbeek. Car le gouvernement encouragerait ainsi l’investissement dans des actions individuelles. Un fonds de placement répartit les risques entre plusieurs actions, un plus pour l’investisseur débutant et l’investisseur de type bon père de famille. ”
Le précompte mobilier s’élève normalement à 30 %. Seuls les dividendes des sociétés immobilières Care Property Invest et Aedifica bénéficient d’un tarif plus avantageux de 15 % parce qu’elles investissent plus de 60 % dans des centres de soins. Concrètement, vous pourrez donc récupérer maximum 188,1 euros de précompte mobilier du fisc. Si vous investissez 20.900 euros en actions produisant un rendement de dividende brut moyen de 3 %, la mesure est pleine.
” L’exonération fiscale des dividendes doit être demandée dans la déclaration d’impôts, preuves à l’appui. L’exonération, quant à elle, est automatique pour le carnet d’épargne. Ce n’est pas comme ça que le gouvernement va activer l’épargne, estime Anton van Zantbeek. Mais ce n’est pas parce que je critique cette mesure que les investisseurs ne doivent pas profiter de l’avantage fiscal. ”
5. Epargne-pension : 940 ou 1.200 euros, il faut choisir
Ne changez rien. Vous pouvez continuer à verser 940 euros maximum par an et bénéficier d’une réduction d’impôt de 30 %. Le système actuel d’épargne-pension est maintenu mais à partir de 2018, vous pouvez aussi décider d’épargner jusqu’à 1.200 euros pour vos vieux jours.
Si vous économisez plus que le maximum actuellement autorisé de 940 euros, la réduction fiscale est limitée à 25 % sur la totalité des versements, au lieu de 30 %. Autrement dit, le rendement net de vos versements est moindre de facto.
Sachez toutefois que si vous versez 940 euros l’année prochaine, vous récupérerez l’année suivante 282 euros via l’impôt sur le revenu. Si vous versez ne fût-ce qu’un euro supplémentaire, la réduction fiscale est limitée à 235,25 euros, soit 46,75 euros de moins. Pour épargner plus en vue de votre pension et bénéficier d’un avantage fiscal similaire voire d’un avantage supérieur, il faut mettre de côté au moins 1.128 euros sur l’année.
6. Diminutions de capital plus intéressantes
Certaines sociétés cotées en Bourse comme Telenet et Ageas ont déjà versé une partie du capital à leurs actionnaires, une façon fiscalement avantageuse de récompenser les investisseurs. En effet, les investisseurs paient le précompte mobilier sur les dividendes alors qu’ils ne doivent payer aucune taxe si la diminution de capital est effectuée dans certaines conditions. ” Ce ne sera plus possible en 2018 “, précise Anton van Zantbeek.
” Les réductions de capital seront encore fiscalement avantageuses comparées aux dividendes mais dans une moindre mesure, ajoute l’avocat. Le gouvernement a en effet décidé qu’un précompte mobilier de 30 % est dû sur la partie de capital constituée de réserves, comme s’il s’agissait d’un dividende. ”
7.Davantage de fonds soumis à la taxe Reynders
La taxe dite Reynders sera étendue en 2018. Cet impôt de 30 % frappe la plus-value lors de la vente de certificats de fonds mixtes et obligataires. Jusqu’à présent, seuls les fonds investissant plus de 25 % en obligations étaient assujettis à cette taxe. Le plafond sera abaissé à 10 % le 1er janvier prochain.
8. Augmentation de la taxe sur les opérations boursières
La taxe sur toutes les opérations d’achat et de vente des actions et des obligations sera majorée une nouvelle fois. Ne traînez donc pas si vous voulez modifier votre portefeuille.
La taxe sur l’achat et la vente des actions sera bientôt relevée pour la quatrième fois depuis 2011. Le nouveau tarif de 0,35 % est deux fois plus élevé que le taux de 0,17 % dû par les investisseurs sur les transactions d’actions en 2011. La taxe boursière maximale par transaction a plus que doublé au cours des six dernières années et s’élève aujourd’hui à 1.600 euros. Pour atteindre ce plafond, vous devez totaliser plus de 457.143 euros de transactions d’actions.
En ce qui concerne les obligations, le gouvernement relève le tarif de 0,09 à 0,12 %, avec un maximum de 1.300 euros. Les certificats de fonds qui réinvestissent leurs revenus sont eux aussi soumis à la taxe boursière. Quand vous retirez votre mise d’un fonds de capitalisation, vous payez aujourd’hui 1,32 % avec un maximum de 4.000 euros. Cela ne change pas en 2018.
9. Règles européennes plus strictes
La deuxième mouture de la directive européenne relative aux placements (MiFID II) aura elle aussi un impact sur les investisseurs. Conformément à la première directive MiFID, l’investisseur devait répondre à un questionnaire permettant au banquier de définir son profil de risque. Le questionnaire demandait notamment si vous saviez faire la différence entre une action et une obligation. Dans l’affirmative, le banquier pouvait cocher la mention ” connaissance des actions et des obligations ” sur sa liste. Avec MiFID II, cela ne suffit plus. Le client devra passer une sorte d’examen pour prouver qu’il connaît effectivement la différence entre une action et une obligation. Si ses connaissances s’avèrent insuffisantes, le banquier devra lui fournir informations et explications de manière à ce qu’il réussisse l’examen la fois suivante.
MiFID II change radicalement les règles du jeu pour les banques privées. Les banques sont désormais tenues de détailler les frais facturés au client. Autrefois exprimés en pour cent, les frais doivent aujourd’hui être exprimés en pour cent et en euros. Ils doivent aussi être ventilés pour chaque service et chaque produit d’investissement.
” C’est une bonne chose, estime Anton van Zantbeek. Le conseil n’est pas gratuit. Il est normal que les banquiers privés qui se décarcassent pour leurs clients soient correctement rémunérés.”
Les conseils devraient coûter plus cher, estime l’avocat fiscaliste. ” Les banques devront rédiger une note pour chaque conseil de placement donné au client, expliquant pourquoi cette action convient mieux qu’une autre. Le banquier doit donc motiver la connaissance et l’expérience suffisantes du client en matière d’actions, sa capacité à comprendre pourquoi une entreprise est meilleure qu’une autre société du même secteur. Cela prendra plus de temps et le temps, c’est de l’argent. ”
De l’avis d’Anton van Zantbeek, de nombreuses banques pourraient inciter leurs clients à opter pour une gestion discrétionnaire ou execution only. La gestion discrétionnaire consiste à décharger le client de toutes les décisions d’investissement. Dans le cas de la gestion execution only , la banque n’endosse aucune responsabilité et le client investit à ses propres risques et périls.
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