La taxe sur les plus-values risque d’impacter les personnes qui reçoivent des stock options au travail, comme bonus. Voici tout ce qu’il faut savoir.
La taxe sur les plus-values devrait entrer en vigueur le premier janvier prochain. Avec des impacts sur les investisseurs, les entrepreneurs… Et peut-être aussi les travailleurs rémunérés en partie en actions.
Nous nous étions déjà posé la question pour les warrants – qui sont finalement “exclus” de la taxe. Mais voici donc aussi ce que la taxe peut signifier pour les stock options ou autres rémunérations en actions (d’entreprises cotées en bourse). Elles peuvent aussi être données gratuitement ou à un prix réduit. En gros, nous expliquent François Marlière et Johan Bellens, experts en fiscalité et plans de rémunération en actions chez EY, la taxe sur les plus-values s’applique sur ces actions. Mais il y a des nuances… et la taxe engendre d’autres problèmes, surtout pour les employés d’entreprises étrangères présentes en Belgique.
Calcul… et possibilité d’éviter la taxe
D’abord, à qui s’adressent ces rémunérations ? Elles sont plutôt réservées aux managers ou autres hautes fonctions qui travaillent pour des entreprises cotées en bourse, nous expliquent les experts. Elles peuvent être octroyées comme bonus, pour des objectifs atteints. Ces actions sont pensées pour le long terme : pour que les managers s’investissent dans l’entreprise et que leurs titres prennent encore plus de valeur grâce à leur travail. Win-win donc pour les travailleurs ainsi que les actionnaires. C’est aussi un moyen de rétention des talents.
Des actions qui prennent de la valeur en bourse… Cela veut dire qu’elles peuvent tomber sous le couperet de la taxe sur les plus-values. Pour rappel, la plus-value réalisée sur des actions sera taxée à hauteur de 10%, avec une somme exonérée de 10.000 euros. Mais comme pour les warrants, les personnes qui reçoivent ces actions vont en fait souvent les revendre rapidement, expliquent les experts. Il n’y a donc pas de grande plus-value encaissée, et pas de taxe à payer.
Mais comment fonctionnent ces rémunérations ? La plus commune est la stock option. Elle est fiscalement plus avantageuse. Concrètement : si la personne atteint son objectif, elle reçoit une option d’achat sur une action, au cours de l’action de ce jour-là. Disons qu’elle vaut 500 euros : le travailleur a donc un ticket pour acheter l’action à 500 euros. Mais souvent il ne peut pas l’exercer avant trois ou quatre ans. Idéalement, le cours augmente durant cette période… et le travailleur peut donc acheter l’action, qui vaut par exemple 750 euros entretemps, au prix fixé, qui était de 500 euros.
C’est là que de nombreuses personnes revendent leurs alors rapidement ces actions, en empochant la différence (de 250 euros, dans notre exemple). Mais elles peuvent aussi les garder pour les vendre 5 ou 10 ans plus tard, et là, des taxes sur les plus-values dépassant 10.000 euros pourraient être possibles. Dans tous les cas, la plus-value sera calculée à partir du prix de l’action à l’achat (750 euros) et non le prix de l’option exercée (500 euros).
Fiscalité favorable
Fiscalement parlant, “on peut dresser une liste du pour et du contre, et la décision dépendra un peu de la personne. Soit on opte pour une taxation forfaitaire et en général réduite, lors de l’octroi de l’option, mais sans être sûr de faire un gain au final. Ou alors on paye ses impôts sur le gain réel, au moment où on réalise le gain, quand on exerce l’option. Donc là, on est sûr de faire un gain, mais on est sûr de payer beaucoup d’impôts aussi”, nous explique François Marlière.
La possibilité choisie dépend aussi du cadre légal dans lequel on opère. Mais lorsqu’on paie l’impôt lors de l’octroi, c’est plus avantageux, car il y a une taxation forfaitaire favorable sous forme d’ATN (avantage en nature), de 18 à 23% de la valeur sous-jacente. Le taux peut même être réduit de moitié, selon les conditions. Par contre, si on décide de payer l’impôt lors de l’exercice de l’option, “le précompte professionnel doit être retenu au moment de l’exercice de l’option sur base du gain réel réalisé par le bénéficiaire”, reprend l’expert. Et les actions reçues gratuitement ou payées moins cher que le cours (selon d’autres mécanismes que les options) sont imposées comme un revenu professionnel.
Encore de l’administratif en plus
Voilà pour les travailleurs et la taxe sur les plus-values : ils peuvent encore l’éviter. Mais un autre problème se pose, au niveau de l’impôt. C’est qu’il y a beaucoup de grands groupes étrangers qui donnent des stock options à leurs travailleurs belges. Pour ces travailleurs, la taxe sur les plus-values est donc une charge administrative de plus. Ces grands groupes travaillent avec des intermédiaires internationaux (par exemple des courtiers ou des banques)… et les travailleurs belges doivent ainsi déjà s’occuper de la déclaration de la taxe sur les ordres boursiers (TOB) à l’achat ou à la vente de ces actions, de la déclaration d’un compte étranger à la BNB, etc. Et maintenant aussi du calcul et de la déclaration de la plus-value, le cas échéant.
Mais cela a aussi un impact sur les entités belges de ces entreprises, et notamment les services de ressources humaines. Car même si toutes ces déclarations sont une obligation de l’individu, les RH souhaitent néanmoins faciliter les choses pour les travailleurs et les aider dans ces tâches administratives.
Cette charge administrative fait donc que les stock options perdent un peu en attractivité. Du moins, pour les travailleurs de multinationales. “Il y a des sociétés qui commencent à dire pour nos bénéficiaires belges pourquoi ne pas donner ces bonus en cash plutôt que de faire des options sur actions. Il y a par exemple des systèmes de bonus en cash qui fonctionnent comme les options et qui sont liés au cours de l’action. Cela évite un peu les complexités administratives, tout en gardant les objectifs de la participation des employés. Ce sont des discussions qu’on a avec nos clients et des réflexions qui se qui se font sur le marché. Bon, c’est encore prématuré, la législation n’est pas encore votée… Mais il y a quand même beaucoup de formalités administratives qui tombent maintenant sur l’employé”, explique Johan Bellens. Mais le grand avantage des stock options reste la taxation forfaitaire favorable. “C’est un débat”, tranche-t-il.
Pour les entreprises belges cotées en bourse qui utilisent des stock options, c’est différent, car les intermédiaires se chargent de la TOB et normalement aussi de la taxe sur la plus-value. Les deux experts ont des échos qui vont un petit peu dans le même sens que pour les travailleurs des groupes étrangers, mais l’impact de la taxe sur les plus-values devrait être plus limité.