La Belgique, championne d’Europe des droits de succession
Aucun pays européen ne perçoit autant de recettes sur les successions et les donations que la Belgique. Et ce, alors que la tendance en Europe est de plus en plus à la suppression des droits de succession.
“Dix des 27 États membres de l’Union européenne ont complètement supprimé les droits de succession”, explique le professeur de droit fiscal Michel Maus (VUB). “Et les 17 qui continuent à prélever des droits de succession prévoient souvent des exonérations très élevées. Les Italiens, par exemple, ne paient des droits de succession entre partenaires et entre parents et enfants que si leur part de l’héritage dépasse 1 million d’euros. Si l’on introduisait cela en Belgique, pratiquement plus personne ne paierait de droits de succession”.
“En Europe, la tendance est de plus en plus à l’abolition”, constate également l’avocat fiscaliste Thomas Spaas. “Récemment, le Portugal et l’Autriche ont complètement abandonné leurs droits de succession. Dans des petits pays comme Chypre, Malte et l’Estonie, ils n’existent plus non plus.”
Pas d’indexation
En comparaison internationale, les droits de succession dans les trois régions belges – les droits de succession sont une compétence régionale – sont également très élevés, affirme Michel Maus. “En Flandre, ils restent les plus bas des trois régions, mais pour certaines personnes, ils atteignent 55 % à partir d’un montant de 175.000 euros, ce qui n’est pas très élevé. “De plus, cette charge fiscale élevée augmente encore chaque année, pour la simple raison que les barèmes des droits de succession ne sont pas indexés”, suggère Maus.
L’impôt sur les successions est théoriquement considéré comme une excellente mesure de redistribution. “L’impôt sur les successions visait à garantir que le pouvoir financier et économique n’était pas trop concentré au sein de la société”, note Maus.
Égalité des chances
“Une grande partie de la richesse de la classe supérieure provient de dons et d’héritages“, avait déjà expliqué Wim Van Lancker, sociologue à la KU Leuven, dans Trends. “Il n’est pas possible de rattraper ce retard en travaillant et en épargnant, surtout si les revenus du travail sont lourdement taxés.”
“Si l’on part du principe de l’égalité des chances pour tous, un impôt sur les successions s’inscrit dans ce cadre“, affirme également Bart Van Craeynest, économiste en chef chez Voka. “Si vous l’utilisez pour investir dans l’éducation, par exemple, pour égaliser les chances dans ce domaine. Car l’héritage en lui-même fausse l’égalité des chances”.
L’héritage en lui-même fausse l’égalité des chances.
Bart Van Craeynest, économiste en chef chez Voka
Optimisation fiscale
“Mais si l’on part de cette philosophie de la redistribution, la question se pose de savoir si les droits de succession sont encore aussi efficaces aujourd’hui”, avance Maus. “Les personnes disposant d’une petite fortune – il ne s’agit donc pas nécessairement de centaines de millions – obtiennent des conseils et une orientation pour planifier leur héritage. Au cours des 20 dernières années, cette activité est devenue une nouvelle branche de la profession juridique. “
“Toute une industrie s’est développée autour de l’optimisation fiscale pour transmettre le patrimoine de la meilleure façon possible”, ajoute Bart Van Craeynest. “Si cela prouve une chose, c’est que le système est beaucoup trop complexe. On ne peut pas non plus considérer les droits de succession indépendamment du système fiscal global, “ce qui, en Belgique, renforce l‘image négative de cet impôt sur le deuil“, ajoute l’économiste.
“Nous avons déjà une charge fiscale très lourde, parce que nous avons un système de gouvernance très important. Il est d’une complexité incommensurable et n’est pas conçu de manière optimale. Si nous voulons résoudre ce problème, nous devons à la fois simplifier cet appareil et réduire les dépenses publiques. Nous pourrons alors faire quelque chose pour alléger la charge fiscale”.
Classe moyenne inférieure
Selon Michel Maus, la question principale est de savoir qui paie principalement les recettes provenant des droits de donation et de succession. “On se retrouve alors automatiquement avec la classe moyenne inférieure. Cela signifie que cet impôt manque largement son objectif de redistribution”.
“La Suède ne prélève plus d’impôts sur les successions et les donations depuis 2004”, explique Thomas Spaas. “La charge fiscale élevée qui pèse sur les héritages était à l’origine d’un grand nombre de fraudes et d’évasions fiscales en Suède. Par exemple, la route Suède-Pérou a existé pendant des années, permettant aux Suédois fortunés de cacher leur argent à l’étranger. Là aussi, c’est principalement la classe moyenne qui payait les droits de donation et de succession”.
“Après l’abolition des droits de succession, la Suède a immédiatement généré une multitude de recettes fiscales“, poursuit Spaas. “Comme ces fortunes ont été ramenées en Suède, les autorités fiscales suédoises ont au moins pu percevoir des impôts à la source sur ces fortunes.
“Étant donné que nous avons également les recettes fiscales totales les plus élevées en pourcentage du PIB, cela signifie qu’en termes de droits de succession en pourcentage du PIB, nous sommes certainement aussi parmi les pays où les droits de succession sont les plus élevés“, note encore l’économiste Bart Van Craeynest de la VOKA.
Seuls quatre pays dans le monde tirent plus de 1 % de leurs recettes fiscales des droits de succession et de donation, selon une étude de l’OCDE de 2019. Notre pays (1,4 %) n’est dépassé au niveau mondial que par la Corée du Sud (1,6 %) dans cette étude.
“Étant donné que nous avons également les recettes fiscales totales les plus élevées en pourcentage du PIB, cela signifie qu’en termes de droits de succession en pourcentage du PIB, nous sommes certainement aussi parmi les pays où les droits de succession sont les plus élevés”, note l’économiste Bart Van Craeynest.
En raison du vieillissement de la population (et plus récemment : de la crise sanitaire), le nombre de successions augmente. Leur contribution importante au trésor public provient en partie de la forte augmentation de la valeur des biens immobiliers.
Laurens Bouckaert
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