Lorsque vous effectuez une donation à vos enfants, vous souhaitez en principe vous assurer qu’ils reçoivent chacun une part équitable. L’accord successoral global ou pacte familial est un outil utile pour corriger en toute transparence les déséquilibres.
Charlotte est une mère célibataire avec trois enfants. En tant qu’entrepreneure indépendante, elle a pu épargner un peu d’argent. Elle sait qu’elle peut, via des donations, transférer une partie de son patrimoine à ses enfants de son vivant, de manière fiscalement avantageuse. Elle attache une grande importance à ce que chacun soit traité de manière équitable, en recevant la même avance sur sa part d’héritage. Mais dans la pratique, ce n’est pas toujours aussi simple. Avec les années, des déséquilibres peuvent apparaître, souvent révélés uniquement au moment du décès du donateur. Avec les années, des déséquilibres peuvent apparaître, souvent révélés uniquement au moment du décès du donateur.
Il y a six ans, le plus jeune fils de Charlotte, Lars, a acheté une maison. Pour l’aider financièrement, elle lui a fait une donation de 150.000 euros. Son fils aîné, Lowie, n’a pas été oublié non plus : Charlotte lui a donné au même moment sa résidence secondaire dans les Ardennes, d’une valeur également estimée à 150.000 euros, mais avec réserve d’usufruit. Ces deux donations ont été considérées comme des acomptes sur héritage.
Ce montant de 150.000 euros n’a pas été choisi au hasard. Sa fille Lotte avait, 25 ans auparavant, suivi une formation de pilote coûteuse à l’étranger, d’une valeur de 100.000 euros, que Charlotte a entièrement financée. Lors du mariage de Lotte avec Laurent, sa mère a également pris en charge les frais de la fête, soit 50.000 euros. En tout, Lotte a donc reçu 150.000 euros.
Un traitement égal… en apparence
Charlotte est convaincue d’avoir traité ses trois enfants de manière équitable, mais ce n’est pas le cas sur le plan fiscal.
« Lors du partage de la succession après son décès, on ne tient pas seulement compte des biens restants, mais aussi des donations déjà effectuées en avance sur héritage », explique Inge Veldeman, experte en planification patrimoniale chez Lemon Consult. « C’est la seule manière de garantir une répartition équitable. » « Lors du partage de la succession après son décès, on ne tient pas seulement compte des biens restants, mais aussi des donations déjà effectuées en avance sur héritage », explique Inge Veldeman, experte en planification patrimoniale chez Lemon Consult. « C’est la seule manière de garantir une répartition équitable. »
Quelle valeur prend-on en compte pour ces donations ? « En principe, c’est la valeur au moment de la donation, indexée jusqu’au décès, qui est prise en compte », explique Inge Veldeman. « C’est la règle générale d’évaluation. Si le donataire ne peut pas encore disposer de la pleine propriété du bien donné au moment de la donation, une règle dérogatoire s’applique. C’est par exemple le cas d’une donation avec réserve d’usufruit. »
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Une répartition inégale
La donation de 150.000 euros à Lars pour l’achat de sa maison, réalisée il y a six ans, devra être réévaluée à sa valeur indexée dans la succession. Supposons qu’elle atteigne 180.000 euros au décès de Charlotte.
La donation du bien dans les Ardennes à Lowie, faite avec réserve d’usufruit, sera quant à elle évaluée à sa valeur au moment du décès. Inge Veldeman : « Ce bien est évalué selon la règle dérogatoire au moment où le bénéficiaire en a la pleine jouissance, ce qui est généralement au décès du donateur. » Supposons que la valeur de la résidence secondaire ait augmenté à 200 000 euros au moment du décès de Charlotte.
« Une fois que toutes les parties concernées ont donné leur accord sur un pacte familial, elles ne peuvent plus revenir en arrière. »
Et comment sont évalués les frais élevés des études et de la fête de mariage de Lotte ? « Le paiement de ce type de dépenses n’est juridiquement pas considéré comme une donation », souligne Inge Veldeman. « Ils n’ont donc pas à être réintégrés dans la succession. » Cela signifie qu’au décès de Charlotte, il n’est pas nécessaire de tenir compte des 150 000 euros qui avaient été attribués à Lotte à l’époque.
Supposons qu’au moment de son décès, il reste encore 100 000 euros sur le compte de Charlotte. La masse à partager sera alors de 480 000 euros : 100 000 euros d’économies, plus 180 000 euros correspondant à la donation faite à Lars, plus 200 000 euros pour la donation faite à Lowie. Chacun des enfants a donc droit à un tiers, soit 160 000 euros. Les 100 000 euros encore présents sur le compte de Charlotte reviendront donc intégralement à Lotte. De plus, Lars et Lowie devront verser respectivement 20 000 et 40 000 euros à leur sœur.
Exemple de partage successoral
Imaginons qu’au décès de Charlotte, il reste 100.000 euros sur son compte.
La masse successorale fictive à partager s’élève alors à :
100.000 € (liquidités restantes)
180.000 € (valeur indexée du bien donné à Lars)
200.000 € (valeur actuelle du bien donné à Lowie)
= 480.000 €
Chaque enfant a donc droit à 160.000 euros.
– Lotte reçoit les 100.000 euros restants en espèces
– Lars doit lui verser 20.000 euros
– Lowie doit lui verser 40.000 euros
L’accord successoral global
Ce n’est pas ce que Charlotte avait en tête. Elle pensait avoir déjà équilibré les choses avec les donations à Lars et Lowie. Pour rectifier cette situation, elle peut conclure un accord successoral global ou pacte familial, une convention entre elle et ses enfants.
Un tel accord successoral global tient compte des donations déjà effectuées, des donations réalisées au moment de la conclusion de l’accord, de la situation de l’ensemble des héritiers, la situation personnelle de chaque héritier, ainsi que des avantages qui, juridiquement, ne sont pas considérés comme des donations (ex. : paiement des études, aides non financières…).
Charlotte et ses trois enfants peuvent donc convenir que le paiement des études et de la fête de mariage de Lotte soit également pris en compte, en plus des donations faites à Lars et Lowie, afin de rétablir l’équilibre. Les donations mentionnées ne devront alors plus être rapportées à la succession lors du décès de Charlotte. Le droit à la réduction (une correction en cas d’atteinte à la réserve héréditaire) disparaît également de ce fait.
Devant notaire
Le contenu de l’accord successoral global est établi par le notaire dans un acte authentique. Celui-ci communique préalablement le projet à toutes les parties concernées et organise ensuite une réunion d’information. Lors de cette réunion, le notaire explique le projet aux parties. La signature de l’acte ne peut avoir lieu qu’au plus tôt un mois plus tard.
Une fois que toutes les parties sont parvenues à un accord et l’ont accepté, elles ne peuvent plus revenir dessus.
Avec cet accord, les enfants peuvent accepter d’inclure les études et le mariage de Lotte dans le calcul du partage. Les donations passées n’auront alors plus besoin d’être réintégrées dans la succession. De même, le droit à une réduction de part réservataire ne s’appliquera plus.
L’accord est formalisé par un notaire, qui envoie le projet à toutes les parties, organise une réunion d’information, fait signer l’acte (au plus tôt un mois après).
Une fois signé, l’acte ne peut plus être remis en cause.
Autres possibilités
« Des avantages que seul un pacte familial peut inclure sont les ‘dons de services’ », explique Inge Veldeman.
Exemples :
- Aide des parents à la construction ou rénovation d’un logement,
- Garde des petits-enfants,
- Soutien à un enfant en difficulté (ex. : sans emploi), etc.
Supposons que, au moment de conclure l’accord successoral global, Charlotte ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour indemniser l’un de ses enfants. Cet enfant peut alors obtenir une créance. La charge de son paiement peut être imposée aux autres enfants qui ont déjà reçu certains biens, ont bénéficié de certains avantages ou se voient attribuer des biens via l’accord successoral global.
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