Rolls Royce : premier maillon de la chaîne aéronautique
Victime d’un quatrième avertissement sur résultats en un plus d’un an, le motoriste Rolls Royce est le baromètre d’un secteur aéronautique dont les carnets de commande record masquent une fragilité patente.
Un carnet de commandes trompeur
En données brutes, Rolls Royce a atteint un carnet de commandes record de 76,5 milliards de livres. Cela n’a toutefois pas évité au motoriste une succession d’avertissements sur résultats depuis l’année dernière. Son chiffre d’affaires devrait ainsi stagner cette année alors que son bénéfice est attendu en baisse de près de 20%. Et ce n’est qu’un avant-goût de ce qui attend Rolls Royce l’année prochaine : un plongeon de près de moitié de ses profits. Le CEO, en poste depuis juillet, évoque une structure de coûts défectueuse. Plus largement, les déboires de Rolls Royce trahissent trois tendances majeures traversant actuellement le secteur aéronautique : la baisse des dépenses de défense, les pressions sur les coûts et le ralentissement des pays émergents.
Recul des dépenses de défense
Le premier groupe de défense européen, BAE Systems, vient d’annoncer une restructuration de ses activités et une réduction du rythme de production de ses avions de combat Eurofighter Typhoon, dont les moteurs sont fournis par une alliance à laquelle participe Rolls Royce. Le mois dernier, Airbus annonçait également un recul de 3% de son carnet de commandes dans le pôle Défense & espace malgré l’appréciation du dollar. Le repli est encore plus marqué chez Boeing.
Pression généralisée sur les coûts
Plus déterminant encore : les pressions sur les coûts. Airbus et Boeing multiplient les commandes géantes de monocouloirs type A320 de la part de compagnies low cost. Ces dernières regroupent de grosses commandes dans le but évident de faire baisser la note comme l’a déjà clairement exposé le patron de Ryanair. Concernant les gros-porteurs, le boum des commandes est clairement dépassé. Boeing n’a enregistré que 3 commandes depuis 2013 pour son Dreamliner 787-10. Airbus a subi un recul du carnet de commandes d’A350 au total des deux dernières années à la suite d’un retrait d’une commande de 70 appareils par Emirates. Depuis, le leader mondial du long courrier fait clairement jouer la concurrence, son CEO critiquant tant le Boeing 787 que l’Airbus A350 dans l’attente de la bonne offre. La compagnie émiratie use également de son statut pour influer sur les développements, demandant notamment à Airbus de lancer une nouvelle version de son A380, exigence que le groupe européen ne peut ignorer, Emirates étant de loin le principal client d’un modèle qui peine à se vendre. Airbus doit ainsi consentir des investissements supplémentaires et subit des pressions sur ses marges qu’il répercute également sur ses fournisseurs. Rolls Royce enregistre ainsi une marge moindre sur le moteur de l’A350 que sur celui de son prédécesseur, l’A330.
Ralentissement perceptible des pays émergents
Enfin, le secteur aéronautique pâtit du ralentissement des pays émergents. Les analystes attribuent ainsi les chiffres décevants de Rolls Royce dans la maintenance à la sous-utilisation par les compagnies asiatiques de leurs Boeing 777. Airbus et Boeing ont connu ce mois le pire Salon aéronautique de Dubaï “depuis au moins 10 ans” selon le directeur d’une compagnie aérienne. Une seule commande d’ampleur a ainsi été enregistrée pour 30 Airbus A321 à destination d’une compagnie low-cost vietnamienne.
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