Dans le paysage fiscal belge, encore trop peu de contribuables savent qu’il est possible de désamorcer un conflit avec l’administration sans devoir passer devant le juge.
C’est pourtant ce que permet le Service de Conciliation Fiscale (SCF), une structure publique dont le dernier rapport annuel vient rappeler le rôle discret mais stratégique.
Qu’est-ce que la conciliation fiscale ?
C’est une voie alternative au contentieux fiscal. Il ne tranche pas les conflits, mais propose des solutions. Créé en 2007 et actif depuis 2010, le SCF propose un cadre formel et indépendant pour tenter de résoudre, à l’amiable, un litige entre un contribuable – particulier ou entreprise – et l’administration fiscale. Ni tribunal, ni simple médiateur, le conciliateur fiscal agit comme un tiers neutre, à la fois juriste, arbitre et diplomate.
Pour qui ?
Le SCF est accessible à toute personne qui conteste une décision fiscale, qu’il s’agisse d’un redressement, d’une amende, d’un refus de remise ou d’un différend autour du recouvrement. Depuis 2019, ses compétences se sont même étendues aux demandes de remise ou de réduction de certaines sanctions administratives (amendes et majorations d’impôt), un élargissement significatif qui témoigne de la reconnaissance progressive de son utilité.
Contrairement à une procédure judiciaire, la conciliation n’interrompt pas le dialogue mais l’encadre, dans un esprit constructif. Si la demande est recevable, certains délais de recours ou d’exécution sont automatiquement suspendus, laissant ainsi un temps de respiration aux deux parties pour trouver un compromis.
Efficace, mais long
Le dernier rapport annuel, dont la publication a été transmise à la Chambre, confirme que la voie de la conciliation reste efficace : dans environ 58 % des cas, un accord est trouvé, partiel ou total. Un désaccord ne subsiste que dans environ 35% des cas. Et encore, tous les désaccords ne donneront pas lieu à une procédure judiciaire, ce qui augmente mathématiquement encore le taux de réussite de la conciliation. Cette stabilité du taux de réussite souligne la pertinence du mécanisme. Pourtant, le SCF reste largement sous-utilisé. En 2024, le nombre de demandes a même reculé (1.645 demandes contre 1.862 demandes en 2023, soit une baisse de 12%), alors que les litiges fiscaux ne cessent d’augmenter. Le rapport évoque un déficit de visibilité, y compris auprès des professionnels du chiffre, qui continuent à privilégier le contentieux classique.
Plus inquiétant encore, le temps de traitement moyen des dossiers dépasse désormais les 12 mois. Sous-effectifs et complexité croissante des affaires ont ralenti la machine. Ce délai freine l’attractivité du dispositif, surtout pour les entreprises, qui doivent souvent agir dans des calendriers serrés. Le rapport formule à ce titre quelques suggestions, comme un renforcement de l’équipe ou une simplification des procédures d’introduction de la demande.
Tout cela fait, qu’actuellement, les conciliations restent marginales puisqu’une telle procédure n’est ouverte que pour 3% des dossiers ayant fait l’objet d’une réclamation du contribuable.
Particulièrement utile pour les entreprises
Pour les entreprises, le recours au SCF peut s’avérer particulièrement utile. D’abord parce qu’il permet d’éviter des procédures longues et coûteuses, ensuite parce qu’il permet de maintenir un dialogue avec l’administration, dans une logique de collaboration plutôt que d’affrontement. Mais il suppose aussi une certaine préparation : le dossier doit être étayé, clair, et surtout introduit dans les délais. Ce qui nécessite souvent l’appui d’un conseiller fiscal ou d’un avocat spécialisé. On rappelle aussi que le conciliateur fiscal ne peut pas prononcer de décision contraignante. Il est limité à un avis ou une recommandation. Même si l’administration accepte l’accord, celle-ci peut théoriquement revenir sur sa position au cours de la phase de réclamation, ce qui limite la sécurité juridique pour le contribuable
Un baromètre de la tension fiscale
Sur le fond, le SCF agit aussi comme un baromètre de la tension fiscale dans le pays. Les dossiers traités révèlent un mélange de malentendus techniques, de rigidité administrative et de besoins réels d’accompagnement. À ce titre, la conciliation est bien plus qu’un processus de règlement : elle devient un outil de pédagogie fiscale, un espace où les deux parties peuvent clarifier leurs positions et parfois corriger des erreurs de bonne foi.