Le bonus pension, une mesure de la Vivaldi qui était censée inciter les Belges à travailler plus longtemps a surtout bénéficié à ceux qui sont partis plus tôt. Explications et nuances.
C’est l’histoire d’une politique publique qui rate sa cible. A l’origine, avec le mécanisme du bonus pension, le gouvernement Vivaldi voulait avant tout convaincre les Belges de travailler plus longtemps. Au final, il a surtout récompensé financièrement ceux qui sont partis en retraite anticipée, rapporte HLN.
Une carotte de plus de 22.000 euros
Le principe était simple : offrir une prime pouvant aller jusqu’à 22.650 euros à ceux qui acceptent de travailler au-delà de leur date de retraite “la plus précoce” possible, avec un maximum de trois ans de bonus. La mesure est entrée en vigueur le 1er juillet 2024, avec possibilité d’encaisser la prime à partir du 1er janvier 2025. Pour bénéficier du bonus, le pensionné devait justifier d’une période de travail supplémentaire d’au moins 6 mois au-delà de la date de sa pension anticipée.
Pour les travailleurs avec des carrières longues (43 ou 44 ans de carrière avant l’accès à la pension anticipée), qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans, le bonus était de 11.325 euros dès la première année de travail supplémentaire, et de 33.975 euros nets après trois ans.
Sur les 15.388 Belges qui ont touché la prime entre janvier et septembre 2025, seuls 1.680 ont effectivement travaillé au-delà de l’âge officiel de la retraite (66 ans). Les 13.700 autres sont partis en retraite anticipée. Et ils ont quand même pu empocher la prime, s’étonne le député et chef de groupe Axel Ronse (N-VA), qui a demandé ces chiffres au ministre des Pensions Jan Jambon (N-VA).
Une faille dans le système
Comment est-ce possible ? La conception même du système le veut ainsi. Le bonus commençait à courir non pas à partir de l’âge légal de la retraite, mais dès la date de retraite la plus précoce possible. Autrement dit, les travailleurs concernés pouvaient partir avant 65 ou 66 ans, et quand même accumuler un joli pactole… car ils ont en effet travaillé plus longtemps que ce que prévoyait le minimum et ont donc pris leur retraite anticipée un peu plus tard.
“C’est aberrant”
Et ce n’est pas fini. Actuellement, 60.000 compatriotes sont encore en train d’accumuler un bonus pension. On s’attend à ce que 58.000 d’entre eux partent en retraite anticipée, en encaissant donc cet avantage financier.
Arrêter de travailler plus tôt est donc récompensé financièrement
“C’est aberrant”, estime Axel Ronse, cité par HLN. “Arrêter de travailler plus tôt est donc récompensé financièrement. La prime n’empêche en rien les départs anticipés ni n’encourage à travailler jusqu’à l’âge légal de la retraite. Le bonus Vivaldi est donc une caricature de bonne politique.”
Une critique à nuancer
Cette critique du député N-VA mérite cependant d’être nuancée par un exemple concret. Prenons Marie, 60 ans, qui remplit les conditions pour partir en retraite anticipée. Elle décide de continuer à travailler jusqu’à 63 ans. Elle touche la prime et part en “retraite anticipée” (avant 66 ans). Mais elle a quand même travaillé – et cotisé – trois ans de plus que ce qu’elle aurait pu. Le système a donc partiellement fonctionné, même si son échec réside dans le fait de ne pas avoir réussi à convaincre cette travailleuse de poursuivre jusqu’à l’âge légal de 66 ans et au-delà.
De plus en plus de départs anticipés
Par ailleurs, loin de freiner les départs anticipés, la mesure n’a pas eu d’effet sur une autre tendance. En 2020, 55.000 Belges partaient en retraite anticipée. En 2022 : 64.000. En 2024 : 69.313. Soit 14.000 de plus qu’il y a cinq ans. Et près de la moitié des 140.000 personnes qui ont cessé de travailler l’année dernière.
Pendant ce temps, environ 68.000 Belges continuent à travailler jusqu’à l’âge légal ou au-delà, un chiffre qui reste stable.
Du bonus au malus
Le nouveau gouvernement Arizona s’apprête à remettre les pendules à l’heure dès le 1er janvier prochain. Exit l’ancien bonus initié par la Vivaldi. Place à un nouveau système où le bonus ne s’accumule qu’après l’âge légal de la retraite (66 ans actuellement, 67 ans à partir de 2030).
Mais la réforme ne s’arrête pas là. Elle introduit également un “malus” pour ceux qui partent en retraite anticipée sans avoir travaillé 35 ans. Ou accumulé suffisamment de jours de travail. La pénalité se situe entre 2 et 5% de pension en moins par année d’anticipation, selon l’année de naissance.
D’ici 2029, la fin de cette mesure décidée sous la législature passée permettra d’économiser 476 millions d’euros, affirme le ministre des Pensions Jan Jambon (N-VA).
 
		