Nouveau duo à la tête de Carmignac Patrimoine: “Nous avons appris notre leçon”
Le fonds Carmignac Patrimoine qui générait autrefois un rendement supérieur à la moyenne contre-performe depuis une dizaine d’années. Mais sa gestion a été confiée à un nouveau tandem qui a pour mission de renverser la vapeur.
Le fonds phare de la firme française de gestion d’actifs Carmignac bénéficiait d’une excellente réputation dans le monde des finances. Son nom était connu de tous : Carmignac Patrimoine. C’était un des rares fonds qui avait tenu bon au plus fort de la crise financière, ce qui lui avait valu d’attirer l’argent des épargnants et des investisseurs désireux de profiter de l’art du bien investir du fondateur et gestionnaire de la société, Edouard Carmignac. Mais depuis quelques années, les rendements laissent à désirer. Les performances du fonds sont nettement inférieures à la moyenne avec, pour conséquence, la fuite de milliards d’euros.
Résultat : au début de l’année, Edouard Carmignac s’est retiré pour céder la place à un duo franco-américain de gestionnaires, Rose Ouahba et David Older, désormais aux commandes du fonds Patrimoine. Leur mission ? Renouer avec les rendements d’autrefois. Une stratégie mûrement réfléchie et une nouvelle équipe devraient en effet permettre d’y parvenir, et ce sans faire table rase des méthodes ayant permis au fonds de sortir de la crise la tête haute.
TRENDS-TENDANCES. Comment expliquer la sous-performance du fonds ces dernières années ?
ROSE OUAHBA. Profiter des courants ascensionnels quand ils se présentent et se protéger des courants descendants, telle est normalement notre mission. Une mission que nous n’avons pas réussi à assumer pleinement ces cinq dernières années à cause de la difficulté à estimer la capacité des banques centrales à prendre des mesures pour prolonger le cycle actuel. Chaque fois que nous nous positionnions par rapport à un changement de cycle, en réduisant nos positions en actions par exemple, nous rations notre cible. Pas question de renoncer à notre mission pour autant. Au contraire. Mais nous allons procéder autrement, avec plus de discipline et une équipe diversifiée.
Notre objectif à plus ou moins long terme, c’est-à-dire à trois ou cinq ans, est d’offrir à nos investisseurs un rendement net décent de 6 à 7 % tout en les protégeant des marchés en récession.
DAVID OLDER. L’analyse macroéconomique qui sous-tendait nos décisions s’est avérée particulièrement ardue ces 10 dernières années. Du fait essentiellement des programmes de rachat des banques centrales qui ont eu pour effet de chambouler le cycle économique. Les signaux du marché étaient nettement plus difficiles à percevoir et à décoder. La macro-analyse est aujourd’hui moins importante pour nos rendements mais toujours autant pour la gestion de risque du portefeuille.
R.O. Nous sommes aussi déçus que nos investisseurs par la performance du fonds de ces cinq dernières années. Ensemble, nous peaufinons une nouvelle approche afin de retrouver leur confiance. Nous avons appris notre leçon.
Combien êtes-vous dans l’équipe ?
R.O. Nous sommes 14 dans l’équipe obligataire.
D.O. Et 16 dans l’équipe actions, plus quatre dans l’équipe de direction.
En quoi la stratégie a-t-elle changé ?
D.O. Avant, la sélection des actions s’opérait principalement en fonction de l’analyse macroéconomique. Le portefeuille d’actions était essentiellement composé sur la base des secteurs. J’ai été embauché il y a quatre ans, d’abord pour l’analyse des actions technologiques, ensuite pour l’ensemble de la Bourse américaine. J’ai personnellement toujours suivi une micro-approche, fondée sur l’analyse d’actions individuelles. Nous avons donc décidé de conjuguer ces deux approches et amélioré notre modèle de sélection. Avant mon entrée en fonction, le rendement de la partie actionnaire était nettement supérieur à la moyenne du marché. Le but est de réaliser le même exploit pour tout le portefeuille Patrimoine.
Un portefeuille dont le rendement global n’était effectivement pas brillant…
R.O. Aujourd’hui, nous nous engageons vis-à-vis des investisseurs à composer un portefeuille complet de différentes classes d’actions, d’une sélection détaillée d’actions à une macro-gestion des risques. C’est très vaste. Tous les particuliers ne veulent ou ne peuvent pas assurer une telle gestion de leur patrimoine. C’est ce qui fait notre plus-value.
D.O. Notre objectif à plus ou moins long terme, c’est-à-dire à trois ou cinq ans, est d’offrir à nos investisseurs un rendement net décent de 6 à 7 % par an tout en les protégeant des marchés en récession.
En quoi consiste exactement cette gestion de risques ?
R.O. Nous considérons la composition de portefeuille comme un tout. En cas de risque accru dans certaines classes d’actifs, nous le couvrons en réduisant nos positions par exemple, ou en misant davantage sur d’autres actifs pour diversifier les risques.
Le coût supplémentaire en vaut-il la chandelle ?
R.O. Comparé aux fonds poursuivant les mêmes objectifs, notre coût se situe dans la moyenne.
La gestion active de placements n’est pas toujours bien vue. Que répondez-vous à ceux qui disent qu’une gestion passive via des fonds indexés ou des ETF, des fonds négociés en Bourse, est plus intéressante ?
R.O. En cas de croissance prolongée des marchés actionnaires, les investissements passifs sont toujours plus attractifs. Mais cette tendance haussière perdurera-t-elle ? Le risque de récession sera-t-il plus ou moins élevé que la moyenne dans les années à venir ? Comment réagir à la récession ? Autant de questions qui justifient, selon moi, l’absurdité de suivre aveuglément un index.
En quoi le climat macroéconomique actuel est-il différent et quel en est l’impact sur votre gestion ?
R.O. Un tiers du marché obligataire, soit quelque 17.000 milliards de dollars, enregistre des rendements négatifs, ce qui est plutôt inhabituel. Changer la composition de son portefeuille est alors la seule solution. Normalement, il est constitué d’une base de classes d’actifs qui assure l’essentiel de vos revenus. Il s’agit de la renforcer par des stratégies spécifiques ou des sélections d’actions complémentaires. Il y a 10 ans, cette base sécuritaire était majoritairement constituée d’obligations. Aujourd’hui, il faut aussi envisager d’autres classes d’actifs comme les actions. Certaines actions se comportent comme des obligations et inversement, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Les marchés actionnaires ne sont-ils pas dopés artificiellement par la politique peu conventionnelle des banques centrales ?
D.O. D’un point de vue historique, les actions ne sont pas exagérément évaluées en moyenne, mais il y a de grosses différences entre elles. Les actions de croissance et défensives sont bien cotées alors que les actions cycliques sont sous pression. On observe une sorte de dichotomie sur le marché. Etant donné le contexte général de faible croissance économique, nous privilégions actuellement les actions non dépendantes de la conjoncture économique mondiale pour leur croissance.
Le fonds Patrimoine est-il aujourd’hui plus à même de gérer ces marchés inhabituels ?
D.O. Rose et moi avons reconfiguré les équipes, nous les avons étoffées pour qu’elles puissent appliquer notre nouvelle approche combinant micro- et macro-analyse. Des experts sectoriels sont venus compléter notre équipe actions. Ces mesures et nos macro-perspectives nous font entrevoir un avenir meilleur.
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