Mickey est tombé dans le domaine public : peut-on désormais l’utiliser sur des produits commerciaux ?
Mickey Mouse est désormais tombé dans le domaine public. Les entreprises belges peuvent-elles désormais proposer des produits et services commerciaux autour de la célèbre souris ? Un expert en droit d’auteur le déconseille.
En 1928, Mickey et Minnie apparaissent pour la première fois à l’écran, dans le célèbre court métrage “Le Bateau à vapeur de Willie”. On y voit un Mickey Mouse en noir et blanc tenant en sifflotant le gouvernail de son bateau à vapeur. Après près de cent ans, ces personnages populaires créés par feu Walt Disney Mickey tombent enfin dans le domaine public. Enfin, pour une petite partie seulement. Car pour les œuvres les plus populaires, la réglementation sur le droit d’auteur est plus complexe.
“Le droit d’auteur s’applique à tous les types d’œuvres créatives, mais la réglementation varie considérablement d’un pays à l’autre. En Belgique, les œuvres tombent dans le domaine public 70 ans après la mort de l’auteur, mais aux États-Unis, pour certaines œuvres, c’est calculé en fonction de la date de publication. Disney est ainsi parvenu à retarder l’expiration du droit d’auteur sur Mickey Mouse. Normalement, “Le Bateau à vapeur de Willie” aurait dû tomber dans le domaine public dès 1984, mais en raison d’un lobbying intense de Disney, le droit d’auteur a été prolongé aux États-Unis”, explique Jozefien Vanherpe, professeur de droit de la propriété intellectuelle à la KU Leuven.
Quelles en sont les conséquences ? Par exemple, un boulanger peut-il vendre demain des pains aux raisins en forme de tête de Mickey Mouse ?
“C’est là que ça se complique. Il est important de savoir que seul le Mickey du bateau à vapeur de Willie est rentré dans le domaine public. Il s’agit donc de la version la plus ancienne de Mickey et Minnie et non de celle plus récente comme celle que nous connaissons par exemple dans les films Fantasia et autres œuvres. Il a aussi un deuxième bémol tout aussi important. Disney n’est pas que propriétaire du droit d’auteur, il a également enregistré toute une série de marques déposées, dont certaine portant le nom et la forme de Mickey Mouse. Ces droits protègent la source de l’œuvre et n’ont pas de dates d’expiration. Si Disney peut prouver devant un tribunal qu’un produit fait référence à sa marque, il peut exiger l’arrêt de l’utilisation, avec une indemnisation élevée en prime. Si vous vous demandez pourquoi Disney n’a pas tenté une énième fois de faire pression pour empêcher l’expiration du droit d’auteur, c’est bien à cause de cela.”
Disney se prépare-t-il donc à engager des poursuites judiciaires contre toute personne utilisant Mickey Mouse ?
“Par le passé, Disney a intenté de nombreuses actions en justice contre l’utilisation de Mickey Mouse. Cela ne l’a pas rendu particulièrement populaire, et il en est conscient. C’est aussi là une autre raison pour laquelle l’entreprise n’a pas bataillé à l’extrême pour retarder l’expiration du droit d’auteur. Leur image publique est cruciale, mais il est bien sûr difficile de dire comment ils réagiront maintenant.”
La nature du produit ou le fait qu’il soit produit à petite échelle joue-t-elle alors un rôle ? Est-il plus prudent pour les entreprises de ne pas utiliser ce Mickey Mouse?
Je déconseillerais d’utiliser Mickey, surtout en Belgique. Car même si vous avez raison, vous risquez facilement de dépenser 50 000 euros en frais de procédure et avocat. Et même en supposant qu’il y ait des litiges aux États-Unis sur l’utilisation du Mickey du bateau à vapeur de Willie et que Disney perde, cela ne garantit pas pour autant une décision positive d’un tribunal belge. Le jugement sera probablement pris en compte, mais dans une moindre mesure qu’il le serait, par exemple, au Royaume-Uni. Là-bas, une décision antérieure est décisive, sauf si des circonstances spécifiques sont clairement démontrées.”
Et qu’en est-il des produits non commerciaux produit par des ONG ?
“Si demain ma nièce fait un dessin de Mickey, je ne devrais évidemment jamais avoir de problèmes. Et si la Croix-Rouge décide d’utiliser le Mickey de Willie pour sa vente annuelle d’autocollants, je ne m’attends pas non plus à ce que cela pose un problème dans l’immédiat. D’autant plus que poursuivre la Croix-Rouge en justice peut se révéler très dommageable pour une entreprise cotée en bourse. Elle préférera probablement lui accorder une licence.
“Cela ne signifie pas pour autant que toutes les activités non commerciales sont sans risques. Le droit des marques est toujours valable. Un artiste bruxellois a déjà été poursuivi par la marque de champagne Dom Pérignon parce qu’il y avait des logos dans son œuvre. Il est important que l’œuvre ne porte pas atteinte à la marque.
“Le droit d’auteur de Winnie l’ourson a expiré il y a deux ans et l’année dernière, nous avons donc eu un film d’horreur avec le célèbre ours. Je ne m’attends pas à une production similaire avec Mickey. Mickey Mouse est à ce point liée à la marque déposée et à la réputation de Disney que c’est trop risqué d’un point de vue légal. Supposons que les enfants n’osent plus venir à Disneyland à cause d’un tel film. Cela peut poser problème.”
Jeu d’horreur
Cependant, cela n’a pas empêché le développeur de jeux vidéo Nightmare Forge de créer un jeu d’horreur avec la célèbre souris. Dans la bande-annonce ci-dessous sur YouTube, nous voyons une version effrayante de Mickey Mouse faisant des victimes dans le jeu. Mais on remarque que ses caractéristiques sont très clairement celles du Mickey de court-métrage. Un point sur lequel les concepteurs du jeu ont donc préféré jouer la carte de la prudence.
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