Michel Maus
‘L’illusion d’une réforme fiscale’
Il est grand temps que les Régions réalisent qu’elles agissent de manière hypocrite, estime le professeur en droit Michel Maus. “D’un côté, elles pratiquent des tarifs absurdement lourds pour les donations et les héritages, mais d’autre part elles permettent l’existence de beaucoup d’échappatoires.”
Avec toute la violence politique entourant le tax shift fédéral, les réformes fiscales des Régions sont un peu restées en arrière-plan. Les entités fédérées ne sont toutefois pas restées inactives. D’importants pas ont surtout été faits dans la réforme des droits de donation et de succession.
Ainsi, depuis le 1er juillet, des droits de donation réduits sont d’application en Flandre pour les biens immobiliers. Comme les tarifs culminaient auparavant à 80%, il n’y avait évidemment que peu de donations (environ 15.000 donations par an). Il était fiscalement plus avantageux de ne pas les donner en héritage, du moins pas via testament.
“Les droits de donation et de succession sont une sorte d’impôt pour les personnes qui ont négligé de régler leur situation afin d’en être exempts”
Depuis juillet, les tranches fiscales sont plus larges et les tarifs les plus élevés sont abaissés à maximum 40%. Si le bénéficiaire investit dans une rénovation écoénergétique ou s’il met le logement en location à long terme, les tarifs diminuent encore plus. Par cette mesure, les notaires ont déjà vu le nombre de donations en juillet immédiatement grimper de 14%.
Pas de quoi être euphorique
Sur une requête du ministre bruxellois des Finances Guy Van Hengel (Open Vld), un groupe de travail académique a élaboré un plan de réforme fiscal pour le Région bruxelloise. Une des propositions les plus marquantes est la possibilité de désigner une personne non membre de la famille qui, lors d’un héritage, serait imposée au même tarif favorable que les membres de la famille en ligne directe.
Ça bouge donc dans les Régions. La modernisation et la réforme du système fiscal sont toujours une bonne chose, mais dans notre pays, il n’y a traditionnellement pas de quoi être euphorique, quoi que les politiciens puissent prétendre. Si nous replaçons les droits de donation et de succession dans une perspective internationale, le résultat est à nouveau inférieur aux normes. C’est ce qui ressort d’une étude publiée par la Commission européenne fin 2014.
L’abaissement des droits de donation et de succession doit être encouragé; mais entre-temps, 10 des 28 États membres de l’Union européenne ne prélèvent plus de droits de succession. Dans douze États membres – dont la Suède, le Portugal, Chypre et l’Autriche – les droits de donation n’existent plus. Dans la liste des pays qui prélèvent encore des droits de donation et de succession, la Belgique se situe encore et toujours parmi les pays à la pression fiscale la plus forte.
Avec des tarifs supérieurs entre parents et enfants pouvant aller jusqu’à 27% en Flandre et 30% à Bruxelles et en Wallonie, la Belgique se situe bien loin des 17% de la moyenne européenne. Pour les donations et les héritages entre personnes sans lien de parenté, les tarifs s’élèvent jusqu’à 65% en Flandre et 80% à Bruxelles et en Wallonie, alors que la moyenne européenne est de 41%.
En outre, beaucoup de pays membres de l’UE accordent de substantielles exemptions au conjoint survivant et aux enfants. Dans les trois Régions du pays, le logement familial est exempté pour le partenaire survivant et il y a de sommaires diminutions d’impôt pour les enfants; mais la clémence fiscale ne va pas plus loin. Danemark, France, Grande-Bretagne, Irlande et Luxembourg appliquent par exemple une exemption complète pour le conjoint qui hérite de son partenaire.
Les Régions ne peuvent négliger cette comparaison internationale
Pour les enfants, beaucoup d’États membres ont instauré des exemptions d’impôt plutôt considérable. Ainsi, en Italie, les enfants ne paient pas de droits de succession sur leur héritage jusqu’à 1 million d’euros. En Allemagne, le montant exempté est de 400.000 euros, au Royaume-Uni 390.000 euros, en Irlande 225.000 euros et en France 100.000 euros.
En Belgique, 1,37% des recettes fiscales proviennent des droits de donation et de succession. C’est bien plus que la moyenne européenne de 0,39%. Quant au ratio avec le produit national brut, la Belgique remporte la palme en Europe avec 0,62%. La moyenne européenne se situe à 0,16%.
Les Régions ne peuvent pas négliger cette comparaison internationale. Elles doivent réaliser qu’elles se comportent de manière hypocrite. D’un côté, elles appliquent des tarifs absurdement lourds pour les donations et les héritages, mais d’autre part, elles permettent l’existence de beaucoup d’échappatoires. Les droits de donation et de succession deviennent dans ce cas une sorte d’impôt pour les personnes qui ont négligé de régler leur situation afin d’en être exempts”.
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