Les perdants… et les gagnants de la hausse de l’inflation et des taux

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Une hausse des taux d’intérêt est globalement néfaste pour la Bourse, c’est bien connu. Mais avec d’importantes nuances, qu’un investisseur ne peut ignorer!

Début 2018, le spectre de l’inflation se profile soudain. Résultat: le rendement de l’obligation allemande à 10 ans double, passant de 0,40 à 0,80%, tandis que l’indice boursier Euro Stoxx 50 perd quelque 10% en deux semaines à peine. Rien de tout cela en automne 2021, alors que l’inflation confirme son envol et que la banque centrale américaine a décidé de moins contenir les taux d’intérêt. Les mêmes causes ne produisent donc pas toujours les mêmes effets? Non, même si certains scénarios s’imposent globalement. On note toutefois des différences parfois surprenantes entre secteurs et zones géographiques.

Inflation: rarement un vent contraire

Concocté par le gestionnaire de fonds Fidelity et portant sur un siècle (101 ans exactement), le tableau évoquant l’inflation est riche d’enseignements… et de surprises. Ainsi, seule une inflation à la fois en hausse et supérieure à 3% pèse sur la valorisation des actifs. Qu’il s’agisse de l’indice S&P Composite (qui rassemble le S&P 500 des plus grosses entreprises américaines, le S&P MidCap 400 et le S&P SmallCap 600), des obligations d’Etat à 10 ans ou d’un portefeuille constitué à 60% d’actions et 40% d’obligations, généralement présenté comme idéal.

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Une inflation inférieure à 3% est par contre légèrement favorable même quand elle s’inscrit en hausse. Mais c’est quand elle affiche moins de 1% et qu’elle augmente qu’elle est la plus favorable aux actions. Etrange? En réalité, outre qu’elle est encore faible et donc indolore, le fait que cette inflation s’inscrive en hausse témoigne en principe d’une reprise économique, ce qui est clairement favorable aux entreprises. Il en va de même d’une hausse des taux d’intérêt, du moins pour certains secteurs, comme évoqué ci-dessus.

Une consommation n’est pas l’autre

Qu’en est-il du côté des taux d’intérêt? Le tableau historique dressé par JP Morgan Asset Management, qui prend pour variable le taux de l’obligation américaine à 10 ans, désigne clairement la finance et l’énergie comme secteurs bénéficiant d’un contexte de taux en hausse. Entre les deux se glisse toutefois l’industrie. Surprise? Non, rectifie Vincent Juvyns, global market strategist chez JP Morgan AM: il s’agit surtout des secteurs cycliques et, plus que de la hausse des taux, ils bénéficient en réalité de l’amélioration de la croissance qui en est généralement la cause. Autre fait marquant: la presque bonne tenue de la consommationdiscrétionnaire, alors que c’est la consommation de base qui est au contraire le secteur le plus touché. Il est donc essentiel de faire la différence! Rappelons que la première est aussi appelée consommation durable, mais sans la connotation verte aujourd’hui attachée à ce mot. Il s’agit des voitures, de l’électroménager, etc. La consommation de base désigne quant à elle les dépenses courantes et, dans une large mesure, indispensables, l’alimentation en particulier. Ce secteur ne souffre donc pas fondamentalement lorsque la conjoncture est faible ; c’est pourquoi il est qualifié de défensif. A l’inverse, il ne profite guère d’une amélioration économique: une augmentation du pouvoir d’achat se traduira pour le consommateur plutôt par l’acquisition d’électroménager que par des achats supplémentaires de pâtes ou sodas! Il ne faut cependant pas se méprendre, souligne Vincent Juvyns: ces données ne portent pas sur la marche des affaires dans les secteurs considérés, mais sur leur attractivité auprès des investisseurs. Ils ne performent pas nécessairement mal, mais on leur en préfère d’autres, qui performent mieux.

L’Europe rit, pas les Etats-Unis…

Le tableau reprenant les styles et les régions confirme que les actions de valeur, qui s’assimilent largement aux secteurs cycliques, sont gagnantes, tandis que les valeurs de croissance sont largement perdantes. Plus surprenant: les grandes capitalisations sont elles aussi les grandes perdantes, alors que les petites font la course en tête. “Une hausse des taux témoignant d’une accélération de la croissance et de l’inflation, on peut estimer que l’on assiste à une reprise économique plus large, qui percole plus profondément dans le tissu économique”, traduit Vincent Juvyns. Les plus petites entreprises en profitent, car la concurrence des grandes a tendance à s’assouplir: le gâteau ayant grandi, il y en a plus facilement pour tout le monde.

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Autre élément à relever: le Japon et la zone euro s’en tirent plus qu’honorablement, au contraire des Etats-Unis et des marchés émergents. Bizarre, voire anormal? En réalité, l’explication est assez logique. La conjoncture américaine est presque toujours en avance sur celle de l’Europe et c’est la Réserve fédérale qui est précurseur sur le terrain des modifications de politique monétaire. Si les taux grimpent aux Etats-Unis, cela pénalise d’abord les entreprises américaines. Ce n’est qu’ensuite que le mouvement gagne l’Europe. A l’image des Gafa, ce sont aussi les entreprises américaines qui auront été les plus résilientes dans un environnement de faible conjoncture, souligne le stratégiste de JP Morgan, avec une valorisation en rapport. Quand l’économie rebondit, les investisseurs vont donc aller chercher les entreprises en retard de valorisation, notamment en Europe et au Japon.

Les actions “value” ne seront pas les seules à contribuer à la bonne performance européenne attendue en 2022.

Le Vieux Continent en avance

Ces observations historiques et les explications sous-jacentes sont à retenir pour l’investisseur, mais doivent être prises avec un grain de sel. Ainsi, en cette année 2021, c’est plutôt la croissance qui a été à l’honneur en Europe, la Bourse de Paris étant soutenue par le luxe et celle d’Amsterdam par les valeurs technologiques. A l’inverse, Francfort, riche en actions value (industrielles), est un peu à la peine. De toute manière, les actions value ne seront pas seules à contribuer à la bonne performance européenne attendue en 2022, grâce à l’avance du Vieux Continent dans la thématique de la transition climatique, soutenue par des investissements colossaux. Chez JP Morgan, les portefeuilles modèles sont aujourd’hui surpondérés en actions tant américaines qu’européennes. Au détriment notamment du Royaume-Uni.

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