‘Le vieillissement de la population offre d’énormes perspectives aux biotech’
Régulièrement, MoneyTalk pose trois questions à un spécialiste sur l’actualité. Servaas Michielssens, Senior Biotechnology Analyst auprès du gestionnaire de fortunes Candriam, commente les investissements en biotechnologie et dans les entreprises belges ThromboGenics et Galapagos.
Une société de biotech, c’est quoi ? Et quels sont les critères que doivent appliquer les investisseurs lors de la décision d’y investir ou non ?
SERVAAS MICHIELSSENS: Une description concrète n’est pas évidente parce que les biotechnologies ont de nombreuses applications et évoluent continuellement. L’activité d’une société comme ThromboGenics, on pourrait la décrire comme le développement de nouveaux médicaments au moyen de techniques biochimiques avancées.
Les activités spécifiques des sociétés de biotech ont bien sûr aussi des conséquences pour l’évaluation de leur potentiel. Contrairement à d’autres sociétés, dans ce secteur, nous nous attachons beaucoup moins à la situation financière de la société en question. Le plus important est, de loin, les données cliniques – les résultats des tests des médicaments dans les différentes phases du développement.
Après vérification de la sécurité du produit, il est testé sur des patients. Sur base des résultats scientifiques qui découlent de ces essais, nous faisons notre analyse. Il va de soi qu’un produit ne devient intéressant pour les investisseurs que si les effets sur les patients sont clairement positifs et que la valeur ajoutée du médicament est incontestable.
Les résultats des essais cliniques sont déterminants tant pour les médicaments que pour les actions d’une société de biotech.
Les essais cliniques sont donc un premier obstacle essentiel à franchir pour les sociétés, mais cela ne s’arrête pas là. Les lois commerciales classiques continuent également à s’appliquer. Pour qu’un médicament et les actions du fabricant soient bénéficiaires, le produit doit pouvoir faire face à la concurrence sur le marché. Lors de notre analyse d’un médicament ou d’une thérapie, nous comparons dès lors toujours avec le traitement existant et avec d’autres produits en développement. Pour finir, la demande pour le produit, dans le cas présent la base de patients, doit être suffisamment grande.
Les critères d’évaluation de la rentabilité d’une société de biotechnologies sont en soi plutôt évidents. Il est pourtant difficile pour les investisseurs individuels dans ce secteur d’estimer eux-mêmes ce que l’avenir réserve pour une action. Pour interpréter les informations cruciales que les tests cliniques fournissent, une certaine formation scientifique est tout de même nécessaire et dans un environnement changeant rapidement, vous devez en outre constamment être informé des évolutions.
Avec Jetrea, ThromboGenics avait développé le premier médicament contre la maladie ophtalmologique TVM et offert ainsi une alternative à l’opération beaucoup plus chère. La société n’a malgré tout pas pu confirmer les attentes élevées. Qu’est-ce que cela dit à propos des avantages et des inconvénients liés aux investissements en biotechnologie ?
Investir dans des actions de sociétés de biotech est attrayant pour deux raisons. Tout d’abord, il s’agit d’un secteur très innovant. Les médicaments qui percent effectivement sont entièrement nouveaux et ils ont donc un potentiel de croissance énorme. La deuxième raison est démographique. Du fait du vieillissement de la population, l’importance des soins de santé ne va faire qu’augmenter. Pour les sociétés et les investisseurs qui y répondent judicieusement, cela offre des perspectives.
Il y a bien sûr aussi des risques liés aux investissements en biotechnologie. Je pense à cet égard en premier lieu aux essais cliniques. Quand un médicament n’est pas approuvé ou ne se révèle pas efficace, pour la société concernée, cela peut signifier un coup terrible.
Pour les sociétés de biotech et les investisseurs, le vieillissement de la population offre d’énormes perspectives
Ensuite, il s’agit bien sûr de sociétés qui font des produits dont l’objectif est d’aider des patients à guérir. Cela a des conséquences pour la détermination du prix. Aux États-Unis surtout, le débat sur le prix élevé des médicaments s’enflamme régulièrement. De ce fait, les sociétés sont mises sous pression pour diminuer leurs prix. Quand cela se produit, comme pendant les élections présidentielles, cela a des conséquences, non seulement pour les sociétés en question, mais pour l’ensemble du secteur. Les républicains sont moins rapidement enclins à imposer des prix inférieurs, ce risque est donc pour l’instant moins à l’ordre du jour. C’est néanmoins un élément que les investisseurs doivent toujours garder à l’esprit.
En ce qui concerne la situation spécifique de ThromboGenics et Jetrea, on prétend que les médecins n’étaient pas enthousiastes pour la prescription d’un médicament qui conduirait à une diminution du nombre d’opérations et donc de leurs revenus. Bien que cela ne soit pas totalement dénué de fondement, je doute que cela ait été la seule cause de l’échec du médicament. Jetrea avait été présenté comme une solution pour tous les patients qui souffraient de traction vitréo-maculaire (TVM), mais il s’est finalement avéré ne bien fonctionner que pour un certain nombre de sous-groupes de patients.
Le fait que ThromboGenics, malgré une collaboration avec Alcon, qui est tout de même un spécialiste de la commercialisation de médicaments, n’a pas pu confirmer les attentes est plutôt à imputer au produit lui-même. Si un médicament est vraiment mieux que le traitement existant, les médecins ne peuvent pas l’arrêter.
Quelles sociétés de biotech belges et internationales les investisseurs doivent-ils garder à l’oeil ?
Aux États-Unis, où se produisent les développements biotechnologiques les plus importants, tous les yeux sont tournés vers l’acquisition de Kite Pharma par Gilead. Kite Pharma a développé une thérapie dans le cadre de laquelle des cellules immunitaires de patients cancéreux sont prélevées, modifiées et à nouveau injectées. Chez une grande proportion des patients-test la tumeur s’est réduite après le traitement ou a même entièrement disparu. Le fait que la reprise a représenté quasi 12 milliards de dollars montre aussi que Gilead voit davantage dans le traitement qu’une thérapie de niche.
En Belgique, Galapagos a des produits intéressants dans le pipeline. Son médicament le plus avancé, Filgotinib, est développé en collaboration avec Gilead et est censé combattre des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn. Si tout se déroule bien, le médicament devrait arriver sur le marché à l’horizon 2019 ou 2020. Galapagos ne doit toutefois pas perdre la concurrence américaine de vue, notamment Abbvie et le partenariat entre Lilly et Incyte.
Grâce aux moyens supplémentaires, ThromboGenics peut maintenant se concentrer pleinement sur le développement de nouveaux produits.
Ensuite, Galapagos a un programme prometteur dans la lutte contre la mucoviscidose, qui se trouve néanmoins encore à un stade précoce et le concurrent Vertex a au moins une année d’avance. Pour finir, la société travaille aussi à une solution contre la fibrose pulmonaire. C’est une maladie rare par laquelle le tissu pulmonaire est remplacé par un tissu cicatriciel, ce qui conduit à une insuffisance en oxygène. Galapagos vise une alternative aux médicaments existants, qui ne font que ralentir le processus.
Bien qu’aucun programme n’offre des garanties de succès, le potentiel de Galapagos est grand. En outre, la société a une position de trésorerie particulièrement bonne, qui permet la poursuite du développement du pipeline.
Par ailleurs, je pense aussi que ThromboGenics, suite à l’annonce du mois dernier, se trouve en meilleure position. Novartis (la société mère d’Alcon, NDLR) ne va certes plus distribuer Jetrea en Europe, mais elle paie toutefois 53,7 millions d’euros à titre de dédommagement pour la rupture de la collaboration. En outre, Novartis acquiert également une participation dans le capital de ThromboGenics. Avec ces moyens supplémentaires, ThromboGenics peut se concentrer pleinement sur le développement de nouveaux produits.
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