‘Le bitcoin reste de la pure spéculation’
Le lancement des ‘futures’ (des contrats à terme), qui rendent le bitcoin accessible aux investisseurs institutionnels, pousse encore plus haut le cours du bitcoin. “Mais vous n’obtiendrez un grand public d’investisseurs que si les monnaies numériques deviennent une vraie catégorie d’actifs dans laquelle on peut, et veut, investir”, affirme Dirk Thiels de KBC Asset Management.
Des investisseurs institutionnels comme les fonds de pension vont-ils à présent entrer dans le bitcoin ?
DIRK THIELS: Je ne prévois pas cela rapidement. Je pense que cela touche surtout les fonds spéculatifs (hedge fonds) – des parties qui essaient de faire de l’argent sur les imperfections du marché. Ceux-ci comprennent que le bitcoin est colossalement surévalué.
Pour beaucoup de véritables investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, les règles n’autorisent pas à investir en bitcoin. Pas mal d’autorités de surveillance se sont exprimées sur le caractère ‘casino’ de la monnaie numérique.
Je pense que ce sont surtout des investisseurs particuliers qui attendaient cela. Par le biais de ces ‘futures’, qui sont cotées en dollar, vous n’investissez pas en bitcoin même, mais en dollar. Cela donne donc un peu plus de liquidité et de sécurité. Mais la personne court toutefois le risque du bitcoin et espère bien sûr que le prix va continuer à grimper. Combien de temps cela durera-t-il encore ? Il y a toujours des gens qui entrent encore du fait que les prévisions de krach ne semblent pas se réaliser. Mais un vrai grand public d’investisseurs, vous ne l’obtiendrez que si les monnaies numériques deviennent une vraie catégorie d’actifs dans laquelle vous pouvez, et voulez aussi, investir.
Que manque-t-il pour faire du bitcoin une telle vraie catégorie d’actifs ?
En fait, vous devez pouvoir évaluer le prix en fonction de la valeur intrinsèque, comme pour une action ou une obligation. Mais il est impossible de définir celle-ci. Vous l’observez également aux variations du cours. Si une monnaie peut être multipliée par quinze en un an, il y a de toute façon quelque chose qui ne va pas. Je pars toujours de la philosophie que vous investissez mieux dans ce que vous comprenez.
Selon les fans, le bitcoin est une alternative à l’or.
Vous pouvez déterminer la valeur intrinsèque de l’or au moyen des coûts pour l’extraire. Nous savons ainsi que l’or est cher aujourd’hui. Mais quels sont les coûts de production d’un bitcoin supplémentaire? Vous pouvez miner celui-ci via des ordinateurs. Le coût est donc surtout de l’électricité. Mais celui-ci s’élève-t-il à 1.000 dollars, comme au début de cette année, ou à 18.000 dollars comme l’indiquaient les ‘futures’ lors de leur premier jour ? Je n’ai aucune vue là-dessus. Et tant que vous ne savez pas cela, cela reste de la pure spéculation.
En réalité, nous savons uniquement que l’offre est limitée. Et le cours est ce que le plus grand sot veut en payer en dernier. Le bitcoin n’est également régulé d’aucune manière. Pour une monnaie normale, vous avez encore un peu de sécurité car une banque centrale essaie de lutter contre la dévaluation et offre une compensation au risque via le taux d’intérêt. Pour un bitcoin, il n’y a rien : pas de bénéfice, pas de dividende, juste l’espoir que quelqu’un veuille un jour payer plus.
Les marchés obligataires, où les taux d’intérêt négatifs ne sont plus une exception, semblent aussi une bulle gigantesque. Les investisseurs institutionnels y investissent pourtant aussi ?
C’est exact, mais pour une obligation, vous avez un coupon. Il est donc certain que vous recevrez déjà une forme de rémunération. Ensuite, il y a une valeur sous-jacente. Pour une société par exemple, ce sont les actifs de l’entreprise. Il arrive parfois bien sûr qu’il y en ait une qui ne remplisse pas ses obligations. Mais si vous faites un peu attention à la qualité, vous pouvez limiter ce risque.
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