La voiture, un bon placement?
En chiffres de vente, le secteur automobile mondial vient de connaître un premier trimestre bien difficile. En Bourse, il s’est pourtant illustré alors que l’horizon semble se dégager. Est-ce le moment d’y investir ?
Les ventes de voitures ont reculé au premier trimestre sur tous les principaux marchés automobiles mondiaux. En Chine, il s’agissait, en mars, du neuvième mois de baisse consécutive. Sur notre continent, le compteur de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) affiche sept mois de baisse. Et aux Etats-Unis, les ventes de véhicules ont reculé au cours des quatre derniers mois, selon le spécialiste des données Autodata.
Volkswagen, qui a regagné sa couronne de premier constructeur mondial en 2018, a vu ses ventes reculer de 2,8% à 2,6 millions de véhicules au premier trimestre. Et ses marques haut de gamme et très rentables, Audi et Porsche, ont chuté de respectivement 3,6% et 12,3%. Le géant allemand demeure pourtant confiant, tablant sur une amélioration au second semestre. ” Au niveau mondial, nous prévoyons des ventes annuelles comparables à l’année dernière, voire en légère croissance “, affirme ainsi Jüegen Stackmann, membre du comité de direction et responsable des ventes de Volkswagen Passenger Cars.
Aux Etats-Unis, les constructeurs automobiles se montrent également confiants. ” Etant donné les indicateurs économiques solides, nous tablons sur une reprise de la demande de véhicules “, affirme ainsi Reid Bigland, responsable des ventes chez Fiat Chrysler USA.
En Bourse, le secteur de l’automobile a en tout cas connu un excellent début d’année. En Europe, il a rebondi de près de 25% en trois mois et demi. La perspective d’un accord commercial (imminent ?) entre les Etats-Unis et la Chine ainsi que la poursuite des discussions sur le Brexit l’ont également soutenu.
Grande dépendance
C’est que le secteur de l’automobile est un des plus dépendants du libre-échange. BMW et Mercedes ont été affectés par les tensions commerciales sino-américaines, une partie de leurs véhicules pour le marché chinois étant produite aux Etats-Unis. Exemple encore plus marquant avec la Mini Cooper. Son vilebrequin est fabriqué en France, usiné au Royaume-Uni, assemblé dans le moteur en Autriche et prend enfin la direction des chaînes de montage à Oxford.
Peut-on extrapoler en envisageant les récents apaisements comme le signe de la fin des tensions géopolitiques ? Donald Trump a malheureusement rappelé que les querelles commerciales risquaient fort de perdurer en lançant une nouvelle attaque contre Airbus. Il a aussi jusqu’à la mi-mai pour décider s’il impose des droits de douane supplémentaires sur les importations de pièces et de véhicules aux Etats-Unis. Le département américain du Commerce y voit en effet une menace pour la sécurité nationale…
Investissements colossaux
Le secteur automobile fait aussi face à une révolution technologique : normes de pollution, nouvelles motorisations propres, véhicules de plus en plus autonomes. Selon la dernière étude de l’ACEA, le secteur automobile européen a ainsi investi 53,8 milliards euros en R&D en 2016. Cela représente 27% des dépenses en R&D en Europe, devant la pharmacie et les technologies.
Et la tendance demeure haussière. Volkswagen a relevé son plan d’investissements dans les véhicules et batteries électriques à 70 milliards. La concrétisation demeure toutefois complexe. Selon nos confrères de L’Echo, Audi Brussels ne produira ainsi que 45.242 voitures électriques cette année, 20% de moins que prévu, en raison de problèmes d’approvisionnement en batteries.
Ces lourds investissements favorisent la consolidation. Selon les rumeurs, Renault cherche à fusionner avec ses partenaires dans l’Alliance, à savoir Nissan-Mitsubishi. A défaut, la marque au losange envisagerait un rapprochement avec Daimler ou Fiat Chrysler, qui s’estime trop petit. Le groupe italo-américain a été éconduit à plusieurs reprises par General Motors et discuterait avec PSA (Peugeot, Citroën, Opel). Les négociations seraient ” très avancées “, selon une source proche du dossier.
Les investisseurs déboussolés
Au milieu de ces grandes manoeuvres, le consommateur n’est pas le seul à s’y perdre. Les investisseurs font manifestement preuve d’une grande méfiance vis-à-vis du secteur automobile. L’indice Stoxx 600 Auto & Parts est valorisé à sept fois les bénéfices, moitié moins que l’indice européen global Stoxx 600.
Cette forte décote n’est pas injustifiée. Face aux défis à relever, le secteur doit conserver une importante partie de ses bénéfices pour les investir. En Europe, le rendement de son dividende plafonne ainsi à 2,5% contre 3,7% pour le Stoxx 600. En extrapolant ces chiffres de Stoxx, le secteur automobile reverse à peine 20% de ses bénéfices à ses actionnaires contre 60% pour 600 principales sociétés européennes.
Les investisseurs sont d’autant plus prudents qu’ils doutent que ces investissements engendreront une croissance. Les voitures électriques ne feront que remplacer d’autres motorisations. McKinsey, KPMG ou Credit Suisse sont même arrivés à la conclusion que la voiture autonome fera baisser les ventes à terme en raison du développement de la voiture partagée.
Dans un tel contexte, le secteur devrait parvenir à passer d’un marché de volume à un marché de marges. Selon Herbert Diess, CEO de Volkswagen, la fabrication d’une voiture électrique nécessitera à terme 30% d’efforts humains en moins qu’une voiture à essence. Mais est-ce que cela sera suffisant pour soutenir les marges dans un marché très concurrentiel ?
Investir à long terme
Le conseil numéro un est donc la prudence. Tout investissement doit s’envisager dans une perspective de long terme et en profitant de la volatilité inhérente à un tel bouleversement dans un secteur. Les acteurs pouvant suivre l’évolution technologique et même en profiter sont évidemment les mieux positionnés.
Leader des semi-conducteurs pour le secteur automobile, Melexis profite de l’électrification et surtout de l’avancée vers la voiture autonome. L’américain Texas Instruments est également un important acteur dans le domaine des processeurs pour l’industrie automobile. Retour en Belgique avec Umicore qui peut jouer à la fois la carte des moteurs à combustion plus propres et des voitures électriques grâce à son leadership dans les catalyseurs et les matériaux pour batteries. Un groupe comme Michelin semble aussi bien positionné. Le fabricant de pneus dépend moins du nombre de véhicules (et davantage du nombre de kilomètres parcourus) et a, de plus, décidé d’activer sa stratégie avec même la création d’un pneu biodégradable et rechargeable.
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