“La taxe sur la spéculation a été un coup dévastateur pour les investisseurs”
Les investisseurs peuvent espérer que la taxe boursière soit supprimée, au cours des débats budgétaires en cours. “Investisseurs et épargnants sont une proie séduisante, mais l’année dernière a montré qu’eux aussi ont leurs limites”, explique Thierry Ternier, CEO de Keytrade Bank.
Le journal De Tijd titrait dernièrement “Speculatietaks op de schopstoel” (que l’on pourrait traduire par ‘la taxe sur la spéculation sur la sellette’). L’impôt sur la plus-value lors de la vente d’actions et de dérivés d’actions dans les six mois qui suivent leur achat n’existe que depuis le début de cette année, mais il y a une réelle chance que l’impôt soit supprimé. Une taxe plus élevée sur les opérations boursières ou une nouvelle taxe sur les transactions (taxe Tobin) pourrait le remplacer.
Nous avons posé quelques questions à Thierry Ternier, le CEO de Keytrade Bank qui, conjointement à d’autres sociétés de bourse, a tiré la sonnette d’alarme concernant la taxe sur la spéculation, dans le cadre d’une évaluation de la politique du gouvernement Michel.
Vous avez sonné l’alarme concernant l’impact désastreux de la taxe sur la spéculation sur votre business. Le plus dur est-il passé ? Les investisseurs recommencent-ils à faire des opérations ?
Thierry Ternier: “Non, nous ne voyons pas encore d’amélioration, j’ai l’impression que l’investisseur actif a jeté l’éponge”
“Les gens veulent un minimum de certitudes avant d’investir leur argent. Vous faites une évaluation entre le risque et le rendement potentiel, mais cet exercice devient incroyablement compliqué si les règles du jeu peuvent complètement changer sur un an de temps. Il y avait déjà eu une perte de confiance du fait du doublement des taxes boursières et des augmentations successives du précompte mobilier, mais le vrai coup dévastateur est venu après l’instauration de la taxe sur la spéculation. Les investisseurs actifs ont alors vraiment abandonné: “Pour nous, c’est terminé en Belgique””
Le gouvernement a-t-il écouté vos plaintes ? Ou craignez-vous que des mesures supplémentaires touchent encore ces investisseurs ?
Ternier: “Nous devons attendre, l’exercice n’est pas évident pour le gouvernement. Les ministres doivent maintenant trouver plus de 4 milliards. A titre de rappel: la taxe sur la spéculation devait à l’origine rapporter plus de 30 millions. Comme nous l’avions prédit, le commerce boursier s’est asséché et, de ce fait, les revenus issus de la taxe sur les opérations boursières ont été bien inférieurs. La taxe sur la spéculation a coûté de l’argent et avait surtout une valeur symbolique idéologique. C’est beaucoup plus simple d’augmenter les impôts que d’économiser soi-même. Investisseurs et épargnants sont une proie séduisante, mais l’année dernière a montré qu’eux aussi ont leurs limites. Nous espérons en tous les cas que cela sera maintenant écouté.”
Remarquez-vous, en tant qu’entreprise, aussi un impact positif de la politique socio-économique du gouvernement Michel ? Si oui, lequel ?
Ternier: “En tant qu’entreprise, nous remarquons peu d’impact positif du tax shift. L’ensemble du secteur financier ploie sous les défis devant lesquels nous avons été mis. Avec notre nouvel actionnaire, nous avons, cette année, formulé des objectifs très ambitieux. Keytrade Bank se trouve – heureusement – encore dans un scénario de croissance, mais c’est plus grâce aux choix que nous avons faits dans le passé que grâce à la politique du gouvernement.”
Remarquez-vous une rupture de tendance avec la politique du gouvernement Di-Rupo ?
Ternier: “En tant que leader du marché en Belgique, nous ne pouvons que constater que ce gouvernement de droite n’a pas été une bénédiction et qu’il s’est plutôt emparé de recettes de gauche pour aligner les comptes.”
Quelles mesures vous font défaut ?
Ternier: “Le citoyen belge perd annuellement 5 milliards d’euros de son épargne du fait des faibles taux d’intérêt et de l’inflation. Le livret d’épargne ne remplit plus son rôle promis. C’est un filet de sécurité nécessaire contre l’adversité, mais il ne construit plus de patrimoine. Trop de personnes ne sont pas conscientes des conséquences à long terme.”
“Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que chaque citoyen comprenne cette analyse, mais c’est le rôle des autorités de le souligner et d’en informer les citoyens. Maintenant, tout semble orienté pour inciter les gens à craindre les marchés financiers. Un discours politique équilibré, factuel, ne coûte rien et cela aura un impact gigantesque à long terme. Nous y avons droit en tant que citoyens.”
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