Investir dans le photovoltaïque, un rayon de soleil pour votre portefeuille?

PANNEAUX PHOTOVOLTAÏQUES. En Belgique, le nombre de panneaux par ménage est inférieur à celui du reste de l'Europe. © ISTOCK
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Notre pays a produit en juillet une quantité record d’énergie solaire. Le réchauffement climatique rendra-t-il les panneaux photovoltaïques plus profitables ? Ceux-ci pourraient-ils rapporter plus que les actions ?

Les pouvoirs publics belges encouragent les propriétaires à couvrir la toiture de leur habitation de panneaux photovoltaïques : ces investissements consentis par les particuliers sont indispensables à la réalisation des objectifs climatiques. ” La Belgique est à 90 % un marché privé, constate Steven De Proost, numéro 1 de 7C Solarparken, qui exploite des parcs solaires principalement en Allemagne. Outre-Rhin, les ménages ne produisent que 30 % de l’énergie solaire. ” Reste que la Belgique a considérablement réduit ses aides en la matière.

Le plat pays est loin d’avoir atteint sa capacité maximale. L’Allemagne produit 13 fois plus d’énergie solaire que lui. ” Les panneaux installés en Belgique fournissent 3.300 mégawatts (MW) environ, contre 43.000 en Allemagne, ajoute notre interlocuteur. Le nombre de panneaux par ménage y est inférieur à celui du reste de l’Europe. ”

Nous nous sommes intéressés à ce que peut rapporter une installation privée et à la manière dont les particuliers peuvent en optimiser le rendement.

1. Les panneaux solaires sont-ils plus rentables que les actions ?

Parmi les personnes interrogées en juillet dans le cadre du Baromètre des investisseurs d’ING, près d’une sur trois estime que les panneaux solaires sont plus rentables que les actions. Elles vont en cela plus loin que le ministre flamand de l’Energie Bart Tommelein (Open Vld), selon lequel ils sont cinq fois plus intéressants qu’un compte d’épargne. La comparaison n’est toutefois pas exacte, puisque l’installation de panneaux exige un investissement de plusieurs milliers d’euros, pour lequel le particulier peut recourir à un prêt vert assorti d’un taux d’intérêt de 0 à 2 %. Le compte d’épargne, lui, accepte les petites sommes, de même que les retraits à tout moment. Les actions peuvent elles aussi être revendues, mais pas sans frais. Et les panneaux solaires ne sont, pour leur part, ni démontables, ni cessibles.

Un investissement dans des panneaux solaires se rentabilise en huit à neuf ans.

D’après les calculs du producteur et fournisseur d’électricité renouvelable Eneco, un investissement dans des panneaux solaires se rentabilise en huit à neuf ans. L’économie réalisée ensuite (mais avant que l’installation n’exige de nouvelles dépenses) détermine le rendement. Eneco tient compte d’un prix moyen de 0,26 euro par kilowattheure (kWh) ; plus le prix de l’électricité augmente, plus rapidement l’investissement est rentabilisé.

Pour couvrir la consommation de 3.800 kWh d’un ménage moyen, 16 panneaux sont nécessaires. Il n’est pas utile de vouloir produire plus d’énergie que l’on n’en consomme, puisque l’excédent ne fait l’objet d’aucune compensation. Le rendement est le résultat de l’injection (le compteur tourne à l’envers), laquelle compense le puisage (le compteur tourne à l’endroit).

A 16 panneaux correspond un investissement de quelque 5.500 euros, TVA réduite de 6 % incluse. Si l’habitation est neuve, il faudra compter 21 % de TVA, soit un total de 6.300 euros environ. Ce calcul se base sur le rendement de 275 watts-crête (Wc) des panneaux bleus standards. Si le toit de votre habitation est légèrement trop petit, vous pouvez opter pour les panneaux noirs (295 Wc), plus onéreux, voire pour les panneaux noirs haute performance (325 Wc), dont respectivement 15 ou 14 unités suffiront à produire le même rendement.

Même si la superficie de la toiture est réellement insuffisante, Eneco estime néanmoins utile de couvrir la moitié des besoins domestiques : ” Le tarif prosumer ( contraction de producteurs et consommateurs d’électricité, Ndlr) – qui n’existe actuellement qu’en Flandre – sera dès lors moins élevé “, plaide Pieter Gysel. Le tarif prosumer est le tarif que les particuliers équipés de panneaux paient pour les services du gestionnaire de réseau. Il est en moyenne de 104 euros en Flandre, à multiplier par la capacité du transformateur. ” Le transformateur est le coeur de l’installation ; il convertit le courant continu produit par les panneaux en courant alternatif utilisé par les occupants “, poursuit notre expert. Plus le nombre de panneaux est réduit, moins le transformateur doit avoir de capacité et plus bas est le tarif prosumer, peu importe que le propriétaire de l’installation soit une entreprise ou un particulier. Pour les installations d’une puissance inférieure ou égale à 10 kilowatts (kW), le tarif prosumer revient à quelques centaines d’euros par an. A 10 kW correspondent 52 panneaux de couleur bleue, ce qui n’est pas rien.

D’après Eneco, un transformateur ne se remplace que tous les 12 à 15 ans. Il coûte, en fonction de sa capacité et de la technologie utilisée, entre 500 et 1.500 euros hors installation. Bruxelles et la Wallonie ne se sont pas encore dotées d’un tarif prosumer, mais la Région wallonne pourrait franchir le pas en 2020.

Transformateurs et panneaux sont généralement garantis 10 ans par le fabricant. Si l’installation est confiée à Eneco, la capacité de rendement des panneaux est en outre garantie 25 ans. ” Après ce délai, les panneaux doivent avoir conservé 80 % de leur capacité “, souligne Pieter Gysel.

Comparer des comptes d’épargne entre eux est facile : ils ne rapportent toujours que le minimum légal de 0,11 % l’an. Sans frais supplémentaires, les panneaux cités dans l’exemple d’Eneco rapportent 0 % pendant huit ans, 4 % environ par an sur 10 ans et 10 % sur 25 ans.

Le rendement des actions belges est plus difficile à pronostiquer. Partons du principe qu’un rendement de 5 % sur le long terme est possible. Le dividende net moyen des actions belges flirte actuellement avec les 2,5 %. Soit, à dividende constant, une multiplication par deux des cours sur 25 ans. Il est donc parfaitement possible que les panneaux solaires fassent mieux que les actions au cours des 25 prochaines années, d’autant qu’un nouveau krach boursier n’est pas à exclure.

CHALEUR. Les températures élevées font perdre à la fois énergie et rendement.
CHALEUR. Les températures élevées font perdre à la fois énergie et rendement.© ISTOCK

2. Le gouvernement osera-t-il encore toucher au tarif ” prosumer ” ?

D’après Steven De Proost, le tarif prosumer n’est pas tenable à terme : ” Imaginez que chacun commence à alimenter le réseau, mais aussi, à y puiser : il serait alors deux fois plus sollicité. Tout le monde tenterait de l’approvisionner au même moment. La situation serait extrêmement compliquée, car le gestionnaire doit pour sa part veiller à ce que les installations domestiques produisent constamment un courant d’une fréquence de 50 hertz, avec une tolérance de plus ou moins 2 %.

” Il est donc à certains moments plus cher qu’à d’autres, pour le gestionnaire, de recevoir l’électricité de tous ces petits producteurs, poursuit Steven De Proost. Pour le compteur qui tourne à l’envers, peu importe quand l’électricité est produite ou consommée. De même, le tarif prosumer ne tient pas compte du moment où elle est mise sur le réseau, ou en est retirée. La fermeture des usines le vendredi soir, si le vent continue de souffler et le soleil de briller, perturbe la fréquence : c’est à ce moment-là qu’il faudrait être encouragé à consommer plus. ”

L’Union européenne a décidé de réduire d’un cinquième d’ici à 2020 les émissions de CO2 par rapport à 2005. Les Etats membres qui n’honoreront pas cet engagement risqueront de fortes amendes. ” L’échéance approche. Il est donc peu probable que les avantages soient revus à la baisse “, conclut Steven De Proost.

3. Le réchauffement climatique rend-il les panneaux solaires plus rentables ?

Si les panneaux sont évidemment plus intéressants en été qu’en hiver, des températures de plus de 30 ° C, comme nous en avons eu en juillet, ne sont pas idéales. ” La radiation directe et le nombre d’heures d’ensoleillement font certes que l’installation est plus rentable en été, explique Pieter Gysel, mais avec une même exposition et un même nombre d’heures, une installation est plus intéressante par 15 ° C que par 35 ° C. La chaleur fait perdre à la fois énergie et rendement. ”

C’est d’ailleurs pour cela qu’un vide sépare toujours les panneaux du toit : le vent qui s’y engouffre refroidit l’installation. ” Les températures, en juillet, ont été élevées, mais les heures d’ensoleillement aussi. Elles ont permis de diminuer la perte de rendement et d’enregistrer une production record “, calcule Mark Van Hamme, chez Eneco.

” La question se situe davantage au niveau de l’intensité que du nombre d’heures d’ensoleillement “, précise Steven De Proost. Par une belle journée d’été sans nuages, la radiation lumineuse atteint 1.000 watts par mètre carré. Quatre heures à 1.000 watts sont plus rentables que huit à 400 watts. L’indice UV est une mesure fiable de l’intensité d’ensoleillement.

L’autosuffisance totale n’est pas encore à l’ordre du jour.

” Des mois anormalement chauds et ensoleillés ne sont pas proportionnellement plus rentables, ajoute encore Steven De Proost. De surcroît, les températures élevées sont mortelles pour les installations. Si la température de l’air est de 10 ° C, celle des panneaux est de 12 ° C. A 30 ° C, la température sur le toit grimpe à 51 ° C, et à 81 ° C s’il fait 40 ° C en bas. Il s’agit d’une courbe exponentielle. Nous avons mesuré en juillet des températures de 35 ° C et plus ; soit, pour les panneaux, 55 ° C, à quoi correspond une perte de rendement de 12 %. ”

Steven De Proost calcule que nous avons bénéficié en juillet d’un surcroît d’ensoleillement de 68 % environ par rapport aux autres années, ce qui correspond à 27 % de radiation supplémentaires. Mais à 18 % seulement de production de plus, les 9 % restants ayant été contrebalancés par les températures élevées. ” Nos parcs ont produit en juillet environ 15 % d’énergie de plus qu’au cours d’un mois de juillet moyen, explique-t-il. Les températures élevées ont entraîné une augmentation de la radiation. ” Le spécialiste signale que la plupart des panneaux ne supportent que des températures allant de – 40 à + 85 ° C ; au-delà, courts-circuits et incendies ne sont pas à exclure.

4. Quelles sont les conditions optimales pour les panneaux solaires ?

Pour être le plus rentables possible, les panneaux doivent être orientés au sud, selon un angle de 30 à 35 °C. Dans un monde idéal, ils ne seraient entourés d’aucun arbre ou bâtiment élevé. ” Nos partenaires garantissent le rendement des panneaux au cours de la première année qui suit l’installation, fait savoir Pieter Gysel. Une plateforme mesure la production de nos clients. Ce qui nous permet d’ailleurs de confirmer que juillet a été un mois exceptionnel. Mai s’en est approché et février a été bien meilleur que les autres années. ” Si les conditions se prolongent, 2018 sera une année record pour la production d’énergie solaire.

Les panneaux sont dotés d’une surface lisse qu’il n’est pas nécessaire de nettoyer. Mais en cas de sécheresse persistante, la couche de poussière qui s’y accumule diminue quelque peu le rendement. ” S’ils sont très sales, il est parfaitement possible de les dépoussiérer, de préférence au printemps “, expose Pieter Gysel. Steven De Proost estime que ce n’est pas nécessaire dans le cas des particuliers. ” Sauf sur les toits chroniquement pollués, comme le long de voies ferrées ou les toits d’installations agricoles, par exemple, tempère-t-il. Cela dit, si un particulier veut vraiment nettoyer ses panneaux, mieux vaut faire appel à une firme spécialisée. Mon père est tombé du toit en voulant débarrasser ses panneaux de la neige qui les recouvrait ; cela n’avait aucun sens car même si la neige est ôtée, une couche de givre persiste. ”

” Les panneaux solaires sont surtout en vogue parmi les jeunes ménages actifs, propriétaires d’une habitation à trois ou quatre façades et qui consomment au moins 3.500 kWh, analyse Pieter Gysel. Les toits des habitations de rangée ne peuvent généralement accueillir que quelques panneaux. Une installation de huit panneaux ou moins coûte relativement cher par rapport au rendement. Nous constatons que les clients équipés d’une voiture électrique, d’une pompe à chaleur, d’un jacuzzi ou d’une piscine tendent à compenser la consommation supplémentaire d’électricité ainsi induite au moyen de panneaux solaires. ”

5. Est-il utile d’ajouter une batterie à l’installation ?

Les batteries domestiques, comme la Tesla Powerwall, permettent en effet d’optimiser production et consommation et de réduire le nombre de panneaux nécessaires. Leur prix va de 5.000 à 10.000 euros. Une voiture électrique est une sorte de batterie sur roues, qui peut être rechargée lorsque la production d’électricité solaire est excédentaire. Il est du reste possible de modifier ses habitudes de manière à faire coïncider surcroît de rendement des panneaux (à la mi-journée) et surcroît de consommation. La batterie sera quant à elle utilisée quand le soleil ne brille pas, comme la nuit et par les sombres journées d’hiver.

” L’autosuffisance totale et pérenne n’est pas encore à l’ordre du jour, sourit Pieter Gysel. Reste que le moment où la lessiveuse démarrera et où la voiture électrique se rechargera automatiquement au moment où les panneaux produiront le plus, est très proche. Les Pays-Bas expérimentent déjà des machines intelligentes de ce type. A ce jour, la batterie domestique permet de satisfaire jusqu’à 80 % des besoins. ”

Investir dans le photovoltaïque, un rayon de soleil pour votre portefeuille?

6. Comment reconnaître un bon producteur et un bon installateur ?

” Le bon installateur tient ses promesses, établit des pronostics de rendement et d’économies honnêtes, propose un devis ferme et adapté aux besoins du client et va prendre les mesures sur place, énumère Mark Van Hamme. Il respecte également les délais de livraison annoncés. ” Les partenaires avec lesquels Eneco travaille garantissent, nous l’avons dit, le rendement au cours de la première année : en cas d’erreur, le client obtient une compensation financière. La plupart des clients peuvent souscrire gratuitement une assurance omnium complémentaire dont la durée peut aller jusqu’à 10 ans et qui couvre les frais de transport, la main-d’oeuvre et le matériel.

” Nous confions sciemment les travaux d’installation aux leaders du marché, indique Pieter Gysel. En Flandre, il s’agit d’Izen, en Wallonie et à Bruxelles, d’Energreen. De nombreux petits installateurs ont fait faillite ces dernières années. Le marché était initialement beaucoup plus morcelé et moins professionnel qu’aujourd’hui. La garantie sur les matériaux, qui peut aller jusqu’à 25 ans, est fournie par le producteur, pas par l’installateur ; or il est important que ce dernier réponde au client contraint de recourir à la garantie d’usine. Les particuliers qui ont fait appel, il y a 10 ans, à un installateur aujourd’hui disparu, se demandent bien à quel saint se vouer désormais.

” La plupart des panneaux sont plus que corrects, poursuit notre interlocuteur. La production chinoise est impeccable, qu’elle soit ou non combinée à l’ingénierie européenne. L’agence Bloomberg tient à disposition une liste des producteurs les plus solvables et de leurs marques-phares. ”

7. Quelles solutions pour les ménages dont le toit ne convient pas ?

De très nombreuses sociétés coopératives investissent dans les panneaux solaires et les éoliennes. Une Fédération wallonne des associations locales et coopératives d’énergie renouvelable a même été créée pour les coopératives dites ” citoyennes ” (www.rescoop-wallonie.be). Les dividendes qu’elles versent vont de 0 à 6 % l’an. Les modalités diffèrent : l’une exige un engagement pour cinq ans, l’autre permet de quitter après un an, pour autant que le préavis soit respecté. Eneco propose à ses clients d’investir dans l’éolienne par le biais du financement participatif.

A cela s’ajoutent les entreprises cotées, comme 7C Solarparken (Bourse de Francfort). 7C fait selon Steven De Proost partie des 10 principaux exploitants indépendants de parcs solaires en Europe. Plus grands encore, des groupes comme Greencoat UK, John Laing, The Renewables Infrastructure Group, Saeta Yield ou Encavis disposent d’un portefeuille abondamment fourni de parcs solaires et éoliens. Tinc, l’entreprise cotée en Bourse de Bruxelles, qui détient des participations dans des actifs d’infrastructure, a elle aussi des parcs éoliens en portefeuille. Ces sociétés ne sont pas des productrices d’équipements.

” 7C Solarparken est un producteur d’électricité, rappelle Steven De Proost. Il dispose de revenus fixes et régulés. Les indices boursiers spécialisés dans l’énergie solaire recensent essentiellement des producteurs de panneaux solaires ou de composants photovoltaïques. C’est une tout autre activité. Il y a 10 ans, les panneaux coûtaient 3 euros par watt-crête, contre 0,3 aujourd’hui. Ces entreprises ont appris à vivre avec des marges restreintes, ou ont fait faillite. Peu de groupes cotés en Bourse exploitent, comme nous le faisons, des parcs solaires. ”

90%

de l’énergie solaire belge est produite par des particuliers.

10%

Tel est le rendement des panneaux solaires sur une période de 25 ans, selon Eneco.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content