Investir: comment la crise dope le “trading” en ligne

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

La crise n’affecte pas l’appétit des épargnants pour la Bourse. Au contraire, les plateformes d’investissement en ligne voient leurs chiffres s’envoler.

Au travail, dans les commerces, pour les consommateurs comme pour les entreprises, la crise induit de nouveaux comportements. Certains, pendant le confinement, ont eu l’occasion de tester de nouvelles formes d’approvisionnement, par exemple la livraison de repas à domicile. D’autres, comme les épargnants, ont été contaminés par le virus de la Bourse et ont manifesté un intérêt croissant pour l’investissement en ligne, ainsi que le montrent les chiffres en forte croissance des acteurs de ce créneau.

Une vague de nouveaux clients

Premières à profiter de la tendance : les plateformes d’investissement en ligne. Chez MeDirect, le nombre de nouveaux clients a bondi durant le mois d’avril de 390 % par rapport à la même période un an plus tôt. Et cela après avoir déjà enregistré une croissance spectaculaire de 369 % en mars. ” La tendance s’est donc confirmée, observe Wim Wuyts, directeur marketing de la banque sur Internet. L’augmentation est aujourd’hui un peu moins forte mais les chiffres restent supérieurs à la normale. ”

Le saut est tout aussi impressionnant du côté de Bolero, la plateforme de trading en ligne de la banque KBC, où les demandes d’ouverture de comptes, après avoir déjà connu un boom de 700 % durant le mois de mars, ” ont quasiment été multipliées par neuf en avril par rapport à la même période un an plus tôt “, indique Stef Leunens, porte-parole de KBC. La vague de nouveaux clients a été telle que la banque a accéléré le processus d’enregistrement pour leur permettre de s’identifier via Itsme ( application qui propose une carte d’identité virtuelle, Ndlr) et pouvoir ainsi s’y mettre directement sans devoir attendre un ” digipass “.

C’est pour nous une des grandes leçons de la crise : plus de digital et plus d’authenticité.” Geoffroy de Schrevel (Birdee)

BinckBank observe également que près de 60 % des nouveaux clients ont immédiatement commencé à investir. Quant à la banque en ligne Keytrade, elle fait état d’une augmentation du nombre de clients de près de 30 % sur les quatre premiers mois de l’année.

Les transactions explosent

Outre cette vague de nouveaux clients, les volumes de transactions sont également en forte hausse, en particulier en ce qui concerne les achats d’actions.

BinckBank observe à cet égard que les clients n’ont jamais été aussi actifs : en mai, le nombre d’ordres passés représente plus du double de celui enregistré sur la même période l’an dernier. Chez Keytrade, le mois de mars a été un sommet absolu : le nombre de transactions a été presque quatre fois plus élevé qu’en mars 2019. Le nombre d’opérations enregistrées en avril est lui aussi en forte hausse chez MeDirect (+ 336 % sur un an), de même que chez Bolero où la progression atteint 310 % par rapport à avril 2019.

Particularité de ce boom des échanges : ” Pas moins de 70 % des ordres concernaient des ordres d’achat, contre 30 % pour les ventes, signale Stef Leunens (KBC). En temps normal, la proportion se situe plutôt entre 60-65 % d’achats et 40-45 % de ventes. ” Parmi les valeurs les plus négociées sur plusieurs de ces plateformes figurent notamment celles du brasseur louvaniste AB InBev et du groupe bancaire ING.

Saisir les bonnes affaires

Lors d’une chute brutale des marchés, on s’attend pourtant plutôt à constater l’inverse. Never catch a falling knife ! Ne jamais rattraper un couteau qui tombe, dit le dicton boursier. Peut-être, mais cela n’a visiblement pas empêché certains de sauter sur le confinement pour se lancer, attirés par l’idée qu’après une chute des marchés, il y a de bonnes affaires à réaliser. ” Les investisseurs voient souvent une crise telle que celle du coronavirus comme un défi, mais également une opportunité. Ce sont donc des moments où l’on constate une augmentation des échanges et investissements “, rappelle Thierry Ternier, CEO de Keytrade.

De nombreux clients sont également préoccupés par l’impact du coronavirus sur leur portefeuille d’investissement. ” Le fait que les gens soient obligés de rester chez eux et qu’ils aient eu plus de temps pour s’occuper de leurs finances joue aussi un rôle. Cela contribue également à l’augmentation des échanges “, ajoute Wim Wuyts.

Les bonnes performances boursières de 2019 et la faiblesse des taux d’intérêt rendent aussi la Bourse plus que jamais incontournable pour faire fructifier son épargne. Le syndrome Tina ( There Is No Alternative, Ndlr) joue ici à fond. Et ” maintenant que les marchés ont fort baissé, dixit Stef Leunens, les clients voient une opportunité d’entrer. ”

Sans oublier enfin que ” la mise à l’arrêt de nombreuses activités entraîne un niveau de liquidités plus élevé, du moins pour les deux tiers des ménages qui ont préservé leurs revenus et qui n’ont pas pu consommer. De l’argent qui a peut-être été utilisé pour épargner davantage ou investir “, complète Wim Wuyts.

Les robots également à l’honneur

Les plateformes de trading en ligne ne sont du reste pas les seules à profiter de cet engouement pour la Bourse des épargnants confinés. La volatilité des marchés a également stimulé l’activité commerciale du côté des acteurs établis. Exemple chez Belfius, où les achats de formules d’investissement ont tous fortement augmenté par rapport à la même période un an plus tôt. ” La tendance selon laquelle la crise du Covid-19 dope l’appétit des Belges pour les investissements en ligne se confirme, dit Ulrike Pommée, porte-parole de la banque. Nous observons de fortes croissances en avril notamment pour les ventes digitales de fonds d’investissement qui ont augmenté de 300 % par rapport à avril 2019 ainsi que pour les ventes de la formule de robot-conseil Belfius Track qui enregistre une progression de 86 % sur un an. ”

Offrant des services de gestion de portefeuille entièrement automatisés, la fintech belge Birdee fait le même constat. ” Aujourd’hui, confie le CEO Geoffroy de Schrevel, nous tournons autour de 22.000 clients pour un total de fonds sous gestion de 200 millions d’euros. La progression des fonds confiés par les clients s’élève à environ 15 % depuis le début de l’année. Avec un pic pendant la période mars-avril où il y a eu un doublement des dépôts par rapport à la même époque l’année dernière. ”

Selon Geoffroy de Schrevel, ces chiffres s’expliquent par le fait que ” les clients sont à la recherche d’une solution d’épargne simple, pas chère, disponible à tout moment, qui peut-être gérée de chez soi et qui, en même temps, donne le sentiment de ne pas être tout seul, souligne-t-il. Une solution qui donne en tous cas l’impression d’être plus proche, plus impliquée qu’un fonds patrimonial très désincarné. Pendant, le confinement, le nombre de contacts et de chats avec les clients a été multiplié par deux. C’est pour nous une des grandes leçons de la crise : plus de digital et plus d’authenticité. ”

Et après ?

Le phénomène se transformera-t-il en tendance durable ? A l’image du CEO de Birdee, le patron de Keytrade en est convaincu. ” Maintenant que nous sommes tous obligés de télétravailler, il est clair qu’il n’y a plus de barrière pour que les Belges puissent effectuer leurs opérations bancaires de manière totalement digitale, dit Thierry Ternier. Avec notre offre 100 % numérique, une partie d’entre eux nous rejoignent naturellement. Nous le constatons dans la forte augmentation du nombre de nouveaux clients par rapport à 2019 qui était déjà une année record. Je suis convaincu qu’avec le temps, nous considérerons cette crise comme un tournant pour notre secteur. Le digital et l’approche centrée sur le consommateur vont devenir la norme “, conclut le CEO de Keytrade.

390 %

La forte hausse du nombre de nouveaux clients enregistrée par MeDirect en avril.

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