Holdings: des actions pas comme les autres
Diversification, décote, bonne sélection de valeurs, ouverture vers le “private equity” : ce sont quelques atouts des holdings. Pour être investi en Belgique ou en France, mais également en Asie.
Les qualités présentées par les sociétés à portefeuille, ou holdings, sont nombreuses. Sur un plan stratégique, la banque Delen souligne que ” dans la plupart des cas, on relève la présence d’un actionnaire fort dont les intérêts sont, pour l’essentiel, alignés sur ceux des autres actionnaires. ”
Actionnaire fort, et même très fort ! GBL est ainsi détenu pour moitié par Pargesa, le véhicule qui regroupe les familles belge Frère et canadienne Desmarais. C’est plus vrai encore (55 % environ) pour Sofina, piloté par la famille Boël. Quant à Brederode, c’est à hauteur de 58 % qu’il est contrôlé par la famille Van der Mersch. Moins cadenassé, du moins officiellement, Ackermans & van Haaren, maison mère de Delen, est détenu à hauteur d’un tiers par les familles fondatrices réunies dans Scaldis. Ne pourrait-on, a contrario, s’inquiéter d’une telle emprise ? ” Nous savons qu’en Belgique, l’actionnaire minoritaire bénéficie d’une protection légale relativement solide “, rassure la banque.
Décote : un peu, beaucoup…
Par ailleurs, le risque présenté par les holdings est en principe plus faible que celui des autres entreprises, du fait de leur diversification. Ceci ne vaut évidemment pas pour les ” monoholdings “, qui ne détiennent qu’une seule participation. L’exemple type en est Solvac, qui possède un gros 30 % de Solvay et rien d’autre. Autre facteur de sécurité : un endettement souvent très faible. Delen a calculé le rapport entre l’endettement net et la valeur intrinsèque : il était, au printemps dernier, de 1,2 % à peine pour Brederode et carrément négatif pour GBL et surtout Sofina.
La décote est un autre argument souvent avancé en faveur des holdings. Avec une décote de 20 %, on ne paie en effet que 80 euros pour ce qui en vaut 100. Fort bien, mais quel intérêt si cette décote se maintient indéfiniment ? En fait, elle fluctue, souligne Sandra Vandersmissen, senior equity specialist chez BNP Paribas Fortis Private Banking. Soit en raison de facteurs propres au holding en question, soit en fonction de la conjoncture boursière. Quand celle-ci est orientée positivement, cette décote a tendance à baisser. Le holding offre donc un petit effet de levier par rapport au cours de Bourse des actions détenues en portefeuille.
Pourtant, là n’est pas nécessairement l’essentiel. Les investisseurs apprécient en particulier les holdings largement investis en private equity, c’est-à-dire en entreprises non cotées. Tantôt déjà bien établies et très connues. C’est ainsi que, compte tenu aussi de sa marque française Jeff de Bruges, le chocolatier Neuhaus représente la moitié environ de la valeur de Bois Sauvage. Tantôt en entreprises encore jeunes et autres start-up, souvent au travers de fonds spécifiques. C’est de longue date la spécialité reconnue de Brederode et Sofina, pour une part plus ou moins importante de leur portefeuille. Même GBL s’y met aujourd’hui davantage, après avoir longtemps campé sur des blue chips comme Engie et Total. L’intérêt de ces positions en private equity est clairement la possibilité de dégager de belles plus-values à terme, lorsque ces entreprises seront revendues ou introduites en Bourse. De fait, le prix alors obtenu sera en principe très supérieur à la valeur comptable que les holdings les plus prudents maintiennent au bilan.
Sofina : maintenant, on communique !
La liquidité du titre s’est fortement améliorée depuis que l’action est entrée dans l’indice Bel 20, en mars 2016. Ce n’est pas le seul progrès. Jadis qualifié de grande muette, la société holding de la famille Boël est aujourd’hui beaucoup plus diserte. A l’occasion de la consécration indicielle de Sofina, sa direction avait ainsi participé à la ” grand-messe ” annuelle de la VFB, la fédération flamande des investisseurs privés. ” Ceci marquait un virage spectaculaire. Tout comme l’interview donnée deux mois plus tard à Trends- Tendances par Harold Boël, se souvient Sandrine Vandersmissen. Je me suis précipitée pour acheter le numéro, sourit-elle. Cette forte amélioration de l’information a d’ailleurs entraîné un repli sensible de la décote : elle était de l’ordre de 36-37 % quand j’ai commencé à suivre l’action, pas loin du double du niveau actuel. “Sofina possède de longue date des positions dans le private equity, mais le holding offre aussi une exposition aux marchés émergents. Il possède ainsi un peu moins de 2 % de Flipkart, leader du commerce en ligne en Inde, avec 100 millions de clients et 8 millions de livraisons par mois. L’année boursière 2016 ne fut guère brillante pour quelques grandes valeurs historiques du portefeuille comme Colruyt et Danone, ce qui explique que la valeur nette des actifs n’ait pas progressé. Rattrapage fort satisfaisant au premier semestre 2017, avec une hausse de 7 %.
Brederode : du ” venture capital ” de haut vol
Les valeurs non cotées représentent la moitié environ du portefeuille du holding de la famille Van der Mersch. ” Brederode participe à des fonds spécialisés qui font partie du top international en la matière, souligne la spécialiste de BNP Paribas Fortis. A travers cette action, l’investisseur a donc accès à un univers qui lui est fermé en direct. ” L’autre moitié du portefeuille est constitué de titres de tout premier plan comme Nestlé et Unilever, Shell et Total, Fresenius et Sanofi. Sans oublier… Sofina, valeur la plus importante devant Samsung. Des titres assez classiques et aisément accessibles en Bourse, ce qui n’est pas à dédaigner pour autant : un holding présente l’intérêt d’avoir effectué une sélection en étudiant ces valeurs en profondeur, note Sandrine Vandersmissen. Si l’équipe a fait ses preuves dans le passé, on sera tenté de lui faire confiance dans ses choix. Profil fort différent pour GBL, champion belge de la transparence. Sa communication financière est du niveau des groupes internationaux les plus exigeants, juge Sandra Vandersmissen. Dès lors, sa décote de plus de 20 % ne se justifie peut-être pas. D’autant que les participations prises au cours des dernières années se sont révélées fort judicieuses. Umicore a en effet flambé de 30 à plus de 70 euros, Pernod-Ricard se porte bien et Adidas fait carrément des étincelles. Le cours a presque triplé depuis l’entrée de GBL au capital en 2015 !
La forte amélioration de l’information chez Sofina a entraîné un repli sensible de la décote.” Sandra Vandersmissen (BNP Paribas Fortis)
Eurazeo : le champion français de la création de valeur
Holding du groupe Lazard, dont la banque d’affaires est d’envergure mondiale, Eurazeo a récemment fort bien performé et sa décote a fondu. ” Le portefeuille est géré de manière très active et avec succès, observe la spécialiste de BNP Paribas Fortis. Ce holding est souvent considéré comme le champion de la création de valeur pour l’actionnaire. ” Il a signé plusieurs mises en Bourse ces dernières années, parmi lesquelles Europcar. Sofina détenait un peu plus de 5 % d’Eurazeo jusqu’en avril dernier. Il s’est alors totalement dégagé, choisissant d’investir en direct dans les mêmes domaines. Sofina et Eurazeo étant en quelque sorte devenus concurrents, cette participation n’était plus opportune. Autre holding français, Bolloré est souvent présenté comme le véhicule idéal pour miser sur l’Afrique. En réalité, la situation y fut plus difficile qu’escompté au cours des deux dernières années, mais les spécialistes du continent estiment que le plus dur est passé. De toute manière, le groupe piloté par Vincent Bolloré repose sur une autre jambe : le secteur des médias, avec les 15 % détenus dans Vivendi. ” Bolloré ambitionne de s’imposer dans la cour des grands au niveau mondial, face aux géants anglo-saxons, juge Sandra Vandersmissen. Il veut aussi jouer la convergence entre les télécoms et les medias, d’où sa tentative (infructueuse) de mettre la main sur le groupe italien Mediaset, appartenant à Berlusconi, alors qu’il est par ailleurs actionnaire important de Telecom Italia. ” Le groupe Bolloré pèche par contre au niveau de la gouvernance : les minoritaires ne sont pas vraiment chouchoutés, tandis que les comptes présentent quelques audaces, jugent les analystes.
A l’autre bout du monde aussi
Il existe de pareils holdings en Asie également, souligne la Banque Delen, qui offrent donc une exposition diversifiée dans cette partie du monde. Et de mettre en exergue Jardine Strategic, contrôlé par la famille fondatrice britannique Keswick. Le titre affiche une performance annuelle moyenne de 15,7 % sur la décennie écoulée, en euros s’entend et avec réinvestissement systématique des dividendes. Fondé en 1832, basé à Hong Kong et presque exclusivement actif en Asie, le conglomérat est investi dans la distribution et la production/distribution automobile pour un quart du portefeuille à chaque fois, et dans l’immobilier pour près de 30 %. Ses grosses participations sont peu connues dans cette partie-ci du monde, à l’inverse de la chaîne hôtelière de luxe Mandarin Oriental, toutefois plus marginale dans ce groupe qui pèse 31 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 48 milliards de capitalisation boursière et 440.000 salariés.
En exprimant son intérêt pour Jardine Strategic, la banque anversoise a joint l’acte à la parole : agissant pour les portefeuilles de ses clients comme pour les fonds maison, Capfi Delen Asset Management (Cadelam) figure parmi les 10 principaux actionnaires du groupe, avec près de 5 millions d’actions, ce qui ne représente cependant que 0,44 % du total. La banque belge n’est pas seule à s’intéresser au titre Jardine Strategic : ” On observe pas mal d’achats de la part des actionnaires de référence, signale Philippe Van Loock, membre de l’équipe de gestion chez Cadelam, ce qui est évidemment bon signe. ” Résultat : la décote est revenue à moins de 25 %, contre plus de 30 % au printemps.
Autre titre mis en avant par Delen : CK Hutchison. Le holding est cornaqué par Li Ka-shing, milliardaire emblématique en Asie et considéré comme l’homme le plus riche de Hong Kong. Actif pour moitié dans les infrastructures et les activités portuaires, ainsi que pour 19 % dans les télécoms, le groupe surfe sur la croissance mondiale, en Asie pour moitié et pour l’autre en Amérique du Nord et en Europe. Certaines de ses enseignes de distribution sont bien connues chez nous : Kruidvat, qui possède un millier de boutiques dans le Benelux, dont 170 en Belgique, et Ici Paris XL, leader sur son segment dans le Benelux. L’action CK Hutchison agrémente elle aussi la plupart des portefeuilles diversifiés chez Delen et elle y pèse même un peu plus lourd que Jardine Strategic, précise Philippe Van Loock. Voilà clairement deux véhicules considérés comme d’excellentes expositions à la croissance asiatique.
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