Héritage: refuser une succession c’est possible… et parfois conseillé
Chaque mois, 3.000 à 4.000 Belges refusent une succession déficitaire pour éviter de devoir rembourser les dettes du défunt. “Trends-Tendances” répond à 10 questions sur la non-acceptation d’une succession.
1. Vous êtes héritier: quelles sont les options?
Le législateur prévoit trois possibilités. Les héritiers peuvent soit accepter purement et simplement la succession, soit l’accepter “sous bénéfice d’inventaire”, soit y renoncer. Si vous êtes sûr qu’il n’y a pas ou peu de dettes, l’acceptation pure et simple est l’option la plus logique. Ce type d’acceptation peut être explicite ou tacite. Pour les deux autres options, le recours à un notaire s’avère indispensable.
2. Dans quel cas refuser une succession?
Une succession englobe aussi bien l’actif (c’est-à-dire tous les avoirs) que le passif (toutes les dettes) du défunt. Si vous acceptez la succession en qualité d’héritier, vous l’acceptez toujours dans sa globalité. Il n’est malheureusement pas possible de choisir ce qui vous convient. Si les dettes du défunt sont plus importantes que ses avoirs, vous en héritez comme de tout le reste. Autrement dit, la succession vous coûte plus cher qu’elle ne vous rapporte.
“Heureusement, vous n’êtes pas obligé d’accepter une succession déficitaire, explique la notaire Joni Soutaer. En renonçant formellement, vous ne recevrez rien mais vous ne serez plus tenu d’acquitter les dettes du défunt.”
Il arrive également qu’une succession soit refusée pour des raisons moins pragmatiques, purement émotionnelles. Par exemple, lorsque le bénéficiaire entretenait des relations difficiles avec le défunt et qu’il ne souhaite rien recevoir de sa part. Vous pouvez aussi rejeter un héritage afin que votre part revienne à un autre membre de la famille qui en a davantage besoin.
3. Comment savoir s’il y a des dettes?
La plupart du temps, quand il y a des dettes, les héritiers ont déjà de fortes présomptions. Par exemple parce qu’ils étaient au courant de l’endettement fiscal du défunt de son vivant. Mais la situation n’est pas toujours claire. Des lettres et des courriels aident parfois à se faire une idée plus précise de la situation financière. La notaire peut également effectuer des recherches et s’informer auprès de certains organismes.
Certaines dettes ne sont pas faciles à retracer. Notamment dans le cas d’une procédure judiciaire en cours. Bref, vous n’êtes jamais absolument sûr de ce que vous allez pouvoir trouver.
4. Que faire en cas de doutes?
Si certains doutes persistent, il est préférable d’accepter la succession “sous bénéfice d’inventaire” (également appellée “acceptation bénéficiaire”). “Le notaire dresse alors l’inventaire de l’ensemble de l’actif et du passif connus, explique Me Joni Soutaer. Et si dettes il y a, vous devrez les apurer, mais au prorata de vos avoirs. Vous ne devrez donc jamais mettre la main à la poche en cas de solde négatif. Dans le pire des cas, il s’agit d’une opération nulle et vous ne percevrez rien.”
Notez toutefois que cette procédure prend pas mal de temps et coûte facilement plusieurs milliers d’euros en frais.
5. Comment refuser une succession?
Pour renoncer formellement à une succession, il suffisait autrefois d’introduire une déclaration au greffe du tribunal de première instance du domicile du défunt. Mais depuis le 3 août 2017, la renonciation doit faire l’objet d’un acte authentique (c’est-à-dire rédigé par un officier public: notaire, officier d’état civil, juge, huissier de justice…). Dans ce cas-ci, vous devrez donc recourir à un notaire de votre choix.
La non-acceptation d’une succession déficitaire est entièrement gratuite. Il n’y a dès lors plus aucune obligation de payer des droits de succession. “Et en renonçant formellement à une succession, vous excluez aussi la possibilité pour les créanciers du défunt de venir toquer à votre porte pour réclamer leur dû. Il suffit de leur remettre une copie de l’acte de renonciation”, ajoute Me Joni Soutaer.
6. De quel délai dispose-t-on?
En théorie, les héritiers ont 30 ans pour renoncer à une succession. Mieux vaut toutefois ne pas trop attendre car si vous décédez inopinément, vos enfants pourraient être confrontés à une succession déficitaire.
Attention aussi aux actes que vous posez! Ils peuvent vous engager sans que vous le sachiez. “Le risque d’acceptation tacite est bien réel, que vous le vouliez ou non, prévient Me Soutaer. Un simple transfert, même d’un montant insignifiant du compte bancaire du défunt vers le vôtre, peut être considéré comme une acceptation tacite et vous serez dès lors tenu de payer les dettes du défunt.”
7. Vos descendants sont-ils protégés?
La réglementation inhérente à la protection des descendants a été modifiée en 2013. “Auparavant, si vous renonciez à l’héritage, vos enfants en étaient eux aussi automatiquement exclus, explique la notaire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les héritiers du rang suivant prennent directement votre place. C’est ce qu’on appelle le ‘saut de génération’ dans le jargon juridique. Il vaut donc mieux que vos enfants rejettent la succession en même temps que vous, ce qui permet de tout régler en une seule fois dans le même acte notarié… pour autant que toutes les personnes concernées soient majeures.”
Si vos enfants sont encore mineurs, la situation est plus complexe. Dans ce cas, la renonciation ne peut se régler dans un seul et même acte. Voici la procédure à suivre:
- Commencez par refuser formellement la succession.
- 2. Introduisez ensuite une requête auprès du juge de paix qui vous délivrera une procuration s’il estime qu’effectivement, la succession n’est pas favorable aux enfants.
- 3. Avec cette procuration, vous pouvez ensuite faire établir par le notaire un deuxième acte de renonciation pour le compte de vos descendants. Cette procédure n’est toutefois pas gratuite. Comptez quelques centaines d’euros.
8. La renonciation est-elle définitive?
En qualité d’héritier, vous ne pouvez pas revenir sur votre décision. Le rejet de la succession est donc, en principe, irrévocable. La loi prévoit cependant une exception, assortie de deux conditions. D’une part, la rétractation doit se faire dans un délai de 30 ans. D’autre part, aucun autre successible, quel qu’il soit, ne peut avoir accepté la succession, même sous bénéfice d’inventaire. N’hésitez pas à demander conseil à votre notaire.
Inversement, si vous avez accepté – même tacitement – la succession, vous ne pouvez plus la rejeter, même si des dettes sont mises au jour ultérieurement. Et si vous l’acceptez sous bénéfice d’inventaire, toute renonciation ou acceptation pure et simple devient impossible.
9. Quid des effets personnels?
“Le rejet de l’héritage implique aussi la renonciation à tous les actifs et au passif qui en font partie, en ce compris les effets personnels comme les photos ou d’autres souvenirs du défunt auxquels les héritiers, devenus étrangers, ne peuvent plus prétendre. Un sujet parfois sensible dans la pratique“, prévient Me Soutaer.
10. Que faire en cas de succession très modeste?
Même si elle n’est pas déficitaire, la succession peut être d’une importance très limitée. C’est pourquoi le législateur prévoit la possibilité de renoncer gratuitement aux successions dont le solde positif est inférieur à 5.000 euros (entretemps indexé à 5.219,21 euros). Ce cas de figure est assez rare mais si le total des frais engendrés par le règlement de la succession est relativement élevé, cette option mérite d’être envisagée. Si vous devez partager 5.000 euros entre cinq héritiers, le jeu n’en vaut probablement pas la chandelle.
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Héritages et donations 2022
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