Terres rares, cobalt et antimoine : quelles opportunités ?

Pour contrer l’emprise chinoise, les États-Unis ont rouvert la mine californienne de Mountain Pass en 2017. © Getty Images

Face à la domination de la Chine dans les terres rares et d’autres minerais critiques, les États-Unis cherchent des alternatives. Si le potentiel est réel pour le secteur, les marchés boursiers semblent déjà largement anticiper ces perspectives.

N’étant ni vraiment des terres, ni véritablement rares – leur concentration dans la croûte terrestre est estimée à 220 parties par million, soit quatre fois plus que le cuivre –, les “terres rares” portent mal leur nom d’un point de vue géologique. En revanche, sur le plan économique, elles le méritent pleinement puisqu’elles constituent le substrat indispensable de nos technologies modernes, du raffinage du pétrole aux aimants permanents d’éoliennes offshores, en passant par la couleur rouge de nos écrans ou de multiples applications militaires. Et elles deviennent rares en pratique en raison des restrictions chinoises.

Les terres rares ne sont ni vraiment des terres, ni véritablement rares, mais elles le deviennent en pratique à cause des restrictions chinoises.

Domination chinoise

En 2024, la Chine représentait près de 70% de la production mondiale, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), grâce notamment à la mine géante de Bayan Obo qui fournit près d’un tiers de l’offre mondiale. Jusqu’au milieu des années 1990, les États-Unis disposaient du gisement de Mountain Pass en Californie, fournissant jusqu’à 70% du marché. La mine a fermé en 2002, à la suite de multiples déversements de déchets toxiques et de prix trop bas à cause de la concurrence chinoise.

Avec la forte demande, qui a triplé depuis 2010, Mountain Pass a rouvert en 2017 et contribue désormais largement à la production américaine, deuxième producteur mondial avec 12% de l’offre, devant le Myanmar (8%).

La mainmise chinoise ne se limite toutefois pas à la production minière. La Chine contrôle également près de 85% des capacités mondiales de raffinage, une étape particulièrement polluante.

La Chine contrôle près de 85% des capacités mondiales de raffinage, une étape particulièrement polluante.

Pékin exploite cette position stratégique, notamment dans le cadre des tensions commerciales. Les exportations de terres rares chinoises avaient ainsi chuté en avril, après l’annonce de droits de douane américains, puis de nouveau en septembre, lorsque l’administration Trump a évoqué des surtaxes de 100% sur les produits chinois.

Investissements américains

Pour contrer l’emprise chinoise, les États-Unis ont soutenu le (re)développement du secteur local, à l’image de la réouverture de la mine californienne de Mountain Pass par MP Materials. Cette stratégie a toutefois connu un coup d’accélérateur (financier) notable cette année.

L’administration Trump, via le Département de la Défense (rebaptisé “Département de la Guerre” par Donald Trump), a annoncé une prise de participation de 15% dans MP Materials pour 400 millions de dollars. Selon diverses informations de presse, elle s’intéresse également à USA Rare Earth et à Critical Metals. Ce dernier détient 92,5% du projet Tanbreez au Groenland. Le solde est détenu par la société australienne European Lithium, également actionnaire majoritaire de Critical Metals et propriétaire d’un projet de lithium en Autriche.

La semaine dernière, les États-Unis ont signé un accord avec l’Australie pour le financement de 8,5 milliards de dollars de projets de terres rares et autres minerais critiques dans le pays.

Réserves brésiliennes

Toutefois, dans cette course, la Chine conserve une longueur d’avance, détenant environ 49% des réserves identifiées de terres rares, selon l’USGS. Le deuxième pays en importance est le Brésil (23%), qui tend à se rapprocher de la Chine, notamment depuis que les États-Unis ont imposé des droits de douane de 50% sur les produits brésiliens pour des motivations essentiellement politiques.

Les tensions sur les terres rares risquent donc de se prolonger encore longtemps, d’autant que le développement de projets miniers nécessite de très nombreuses années et s’avère très risqué. Parmi les compagnies minières juniors, développant de nouveaux projets, comme Critical Metals, le taux d’échec dépasse historiquement les 90%.

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Mines juniors

Les sociétés juniors actives dans les terres rares ne sont certainement pas davantage préservées. Si les enjeux stratégiques peuvent relativiser la question du coût, le principal défi reste les faibles teneurs des minerais. Si les terres rares ne sont pas véritablement rares – à l’exception du prométhium, présent uniquement à l’état de trace dans la nature et produit artificiellement dans les réacteurs nucléaires – elles sont largement disséminées dans la croûte terrestre.

Les sites comme Mountain Pass ou Bayan Obo, qui combinent d’importantes réserves et des teneurs en oxydes de terres rares autour de 5%, restent des exceptions. De nombreux gisements affichent des teneurs de seulement 1 à 2%, voire moins. Le projet Tanbreez, par exemple, présente une concentration de 0,43%, ce qui implique l’extraction de 232 kg de roche pour obtenir 1 kg de minerai utile. Ce dernier contient toutefois, selon les estimations, une concentration importante en terres rares lourdes (environ 28%), telles que le dysprosium, utilisé pour les aimants permanents des moteurs de voitures électriques.

Sur le marché chinois, le kilo de dysprosium ou de terbium se négocie à plusieurs centaines de dollars contre environ un dollar pour les terres rares légères (cérium, lanthane).

Valorisation très tendue

Malgré les risques élevés, les cours des sociétés juniors actives dans les terres rares se sont envolés. Tout comme les multiples de valorisation des acteurs opérationnels tels que MP Materials, exploitant du site de Mountain Pass, et la société australienne Lynas Rare Earth, qui se présente comme le seul producteur commercial non chinois de terres rares lourdes séparées avec le lancement de son usine de traitement en Malaisie cette année.

Sur la base de ses résultats pour l’exercice 2024-2025, Lynas cote 2.200 fois ses bénéfices – freinés par d’importants investissements. La société cote également 34 fois ses revenus. En d’autres termes, le marché anticipe que ses bénéfices futurs dépasseront largement ses revenus actuels, ce qui reste une gageure MP Materials est pour sa part actuellement déficitaire et cote 42 fois ses revenus attendus pour l’année en cours. Les analystes anticipent une forte amélioration l’an prochain grâce à la hausse des volumes et à sa première usine de fabrication d’aimants, qui sera suivie d’une seconde en 2028. En outre, l’entreprise bénéficiera pendant 10 ans d’un prix plancher de 110 dollars par kilo pour le néodyme-praséodyme, soit près du double du prix du marché chinois, dans le cadre de son accord avec le Pentagone.

Toutefois, avec l’administration américaine comme principal actionnaire et client, MP Materials devient particulièrement sensible au risque politique, alors que le cours actuel offre très peu de marge d’erreur.

Métaux critiques

Plutôt que de miser sur les terres rares, dont les opportunités pourraient devenir plus intéressantes une fois la tempête médiatique retombée, d’autres métaux qualifiés de critiques par l’administration américaine pourraient offrir des opportunités plus immédiates. Le Pentagone a ainsi annoncé la constitution d’une réserve stratégique d’une valeur totale de 1 milliard de dollars, comprenant 500 millions pour le cobalt, 245 millions pour l’antimoine, 100 millions pour le tantale et 45 millions pour le scandium, l’une des 17 terres rares.

Dans le domaine du cobalt, les entreprises chinoises ont pris le contrôle de l’exploitation en République démocratique du Congo (RDC), qui représente 70% de la production mondiale, et dominent également le raffinage. Essentiel dans les batteries lithium-ion (véhicules électriques, smartphones, etc.), le cobalt est aussi utilisé dans la fabrication d’avions de chasse, de navires militaires ou de blindages.

Prix du cobalt

Le prix du cobalt s’est révélé très volatil au cours des 10 dernières années, oscillant entre l’engouement pour les véhicules électriques (VE) et le développement des batteries LFP, qui ne nécessitent pas de cobalt et dominent désormais le marché des VE selon le Cobalt Institute. La tendance est ainsi partagée entre des perspectives de demande incertaines – les VE représentent plus de 40% de la demande – et les tensions géopolitiques. Récemment, les prix ont rebondi après un moratoire sur les exportations de la RDC, qui sera prochainement remplacé par un système de quotas.

Du côté des actions à suivre, les opportunités sont limitées : le cobalt est largement contrôlé par les entreprises chinoises et par les grands groupes miniers (BHP, Vale, Glencore), pour lesquels le cobalt ne représente qu’une fraction marginale des résultats. Rare exception, Cobalt Blue Holdings, une société junior développant un projet en Australie. Elle a toutefois dû réviser ses ambitions à la baisse en 2024 en raison de la chute des prix du cobalt. L’investissement est donc particulièrement risqué.

Antimoine : recycleur belge

Le marché de l’antimoine est aussi dominé par la Chine, responsable de la moitié de la production minière, une position qu’elle a déjà utilisée pour annoncer des restrictions à l’exportation, voire une interdiction vers les États-Unis. L’antimoine est employé comme retardateur de flamme (automobile, électroménager, construction), mais aussi dans les munitions militaires.

Hors de Chine, un des principaux acteurs est le groupe belge Campine. Actif dans la transformation et la formulation, il assure aujourd’hui l’essentiel de ses approvisionnements grâce au recyclage, ce qui lui a permis de réduire sa dépendance à la Chine de 80% à 5% de ses besoins. Il profite ainsi pleinement des tensions sur les prix tout en offrant une alternative durable à la domination chinoise. Bien que le titre ait quasiment triplé en un an, il reste abordable, avec un multiple de seulement huit fois les bénéfices des deux derniers semestres clôturés.

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