Sociétés immobilières cotées : comment diversifier les positions

Si l’immobilier coté séduit toujours, il n’existe pas de véritable consensus sur les actions à privilégier. © Getty Images

Si l’immobilier coté reste attractif, avec une décote moyenne de 29%, il est plus que jamais conseillé de diversifier ses positions. Miser sur les marchés de niche et les acteurs les plus dynamiques permet ainsi de conjuguer rendement et sécurité.

Annoncé le 1er mai, le projet de fusion entre Aedifica et Cofinimmo ne devrait finalement pas se concrétiser cette année. Après plusieurs semaines de négociations serrées autour de la parité d’échange, c’est l’Autorité belge de la concurrence qui a mis un sérieux coup de frein au dossier. Sur les marchés, les deux groupes immobiliers sont rentrés dans le rang, rattrapés et dépassés par VGP et Inclusio notamment.

Consolidation

Au-delà des récentes performances boursières, le projet de rapprochement entre Aedifica et Cofinimmo s’inscrit surtout dans une vague de consolidation dans le secteur. Ces dernières années, Befimmo et Intervest Offices & Warehouses ont déjà été rachetés, tandis que Vastned Belgium a été reprise par sa maison mère néerlandaise – tout en conservant sa présence sur Euronext Bruxelles.

Si la fusion “Aedifinimmo” devait aboutir, le nombre de sociétés immobilières réglementées (SIR) tomberait à 14. Et la tendance pourrait bien se poursuivre. En 2022, Wereldhave avait déjà tenté de racheter sa filiale belge Wereldhave Belgium, une opération finalement bloquée par les administrateurs indépendants, estimant la proposition trop chiche.

Et plusieurs petits poucets du secteur – tels que Warehouses Estates Belgium ou Immo Moury – demeurent contrôlés par des familles actionnaires majoritaires qui pourraient à tout moment estimer qu’une cotation ne se justifie plus.

Valorisation attractive

Cette série de fusions et acquisitions reflète aussi le fait que les valorisations restent attractives. Selon une récente étude de Vivien Maquet, Amal Aboulkhouatem et Vincent Koppmair, analystes chez Degroof Petercam, les sociétés immobilières européennes se négocient en moyenne avec une décote d’environ 29% par rapport à leur valeur intrinsèque, c’est-à-dire la valeur de leur portefeuille immobilier diminuée des dettes.

Les analystes de la banque ont également mené une enquête auprès d’investisseurs institutionnels. Seuls 18% d’entre eux anticipent une sous-performance de l’immobilier coté – le plus bas niveau depuis quatre ans. Par ailleurs, 22% envisagent d’accroître leur exposition au secteur, contre à peine 4% qui comptent la réduire.

L’immobilier coté est notamment apprécié comme protection. Parmi les investisseurs interrogés, 72% considèrent le secteur comme une valeur refuge sans réserve ou circonstancielle. Ce qui constitue un atout non négligeable dans un environnement boursier incertain.

Fiscalité

Par ailleurs, même si le nombre de SIR a diminué, l’investisseur belge dispose toujours d’une palette diversifiée de sociétés immobilières sur Euronext Bruxelles. Elle couvre ainsi l’immobilier de santé (maisons de repos, cliniques), les entrepôts logistiques, les commerces, le résidentiel, les logements sociaux, les kots étudiants et même les box de stockage. Les principaux absents sont actuellement les bureaux et les infrastructures numériques (antennes, centre de données).

Rappelons que fiscalement, les immobilières belges sont à privilégier vu l’importance du dividende dans le rendement total. Les dividendes versés par une société belge sont soumis à un précompte mobilier unique de 30% – ou 15% pour Care Property Invest (voir encadré) – partiellement récupérable via la déclaration fiscale à hauteur de 859 euros de dividendes exonérés, soit jusqu’à 257,70 euros de précompte remboursé par personne en 2025.

Même si le nombre de SIR a diminué, l’investisseur belge dispose toujours d’une palette diversifiée de sociétés immobilières sur Euronext Bruxelles.

En comparaison, les dividendes de sociétés immobilières étrangères subissent une double retenue : à la source dans le pays d’origine, puis en Belgique (30%). Rare exception à la règle, les dividendes français sont légèrement moins taxés que des coupons belges grâce à un mécanisme permettant de récupérer 15% du précompte belge pour compenser l’impôt français à la source (12,8%). Cette possibilité devrait toutefois disparaître avec la nouvelle convention fiscale franco-belge, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2026-2027.

Segment alternatif

Quelles valeurs privilégier dans l’environnement actuel ? Selon la dernière enquête de Degroof Petercam, le segment alternatif (kots étudiants, box de stockage, etc.) est le préféré des investisseurs institutionnels, cité par 27% des répondants. “Cela reflète l’intérêt croissant pour des secteurs résilients et de niche”, soulignent les analystes de la banque.

Il devance légèrement l’immobilier commercial (26%), qui confirme son retour en grâce, et la logistique (26%), longtemps chouchou des investisseurs grâce à la demande soutenue de l’e-commerce.

En revanche, les bureaux (1%) continuent d’être largement délaissés, tout comme l’immobilier de soins (8%), autrefois favori du marché, mais fragilisé par les changements dans le secteur des logements pour seniors, notamment après la parution du livre Les Fossoyeurs, en 2022.

Le résidentiel (12%) reste également en retrait, malgré les tensions sur le marché locatif dans de nombreuses villes européennes. Les analystes de Degroof Petercam expliquent cette méfiance par des rendements locatifs généralement plus faibles dans le résidentiel, un écart qui se creuse encore avec les différents mécanismes de contrôle des loyers.

Sociétés non réglementées

Au niveau individuel, le spécialiste néerlandais des entrepôts CTP se détache comme le favori des investisseurs institutionnels, devant les acteurs belges VGP, Montea et WDP, également actifs dans le segment logistique, ainsi que le géant français de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield.

Parmi le top 10, on retrouve également Xior (6e, kots étudiants) et Shurgard (8e, box de stockage) du côté noir-jaune-rouge.

Cependant, les analystes de Degroof Petercam soulignent que ce top 10 ne rassemble que 65% des voix des investisseurs sondés, contre plus de 80% les années précédentes. Autrement dit, si l’immobilier coté séduit toujours, il n’existe pas de véritable consensus sur les actions à privilégier.

Autre point notable : les deux premières valeurs citées, tout comme Shurgard, ne sont pas des sociétés immobilières réglementées (SIR en Belgique, SIIC en France, FBI aux Pays-Bas). Ces sociétés non réglementées sont généralement plus actives dans le développement immobilier, une activité plus rentable en période favorable, mais aussi plus risquée. Elles ne sont donc pas soumises aux obligations spécifiques des SIR, comme la limite d’endettement ou la distribution d’au moins 80% des bénéfices sous forme de dividende, même si elles versent un coupon régulier.

VGP et Shurgard

Le maître mot est ainsi de diversifier ses positions pour couvrir différentes niches de marché prometteuses. Pour les analystes de Degroof Petercam, VGP et Shurgard constituent actuellement les deux valeurs de base d’un portefeuille immo belge.

VGP a récemment publié de solides résultats, avec la finalisation de 16 projets d’entrepôts au cours des 10 premiers mois de l’année, portant le total à plus de 250 à travers toute l’Europe (du Danemark à la Croatie et du Portugal à la Lettonie). La société a également annoncé la création d’une division Data Centers, supervisée par Sarah Wilkinson, en provenance de Microsoft, une initiative susceptible de soutenir encore la valeur du titre. Jusqu’à présent, le secteur des data centers est en effet dominé par des acteurs américains dont le potentiel est barré depuis quelque temps par des niveaux de valorisation élevés.

Shurgard, quant à lui, a connu une année boursière difficile, ramenant sa valorisation à des niveaux relativement bas. Son rendement de dividende s’établit à 2,6% net, alors que l’entreprise distribue moins de 70% de ses profits, conservant des capitaux pour financer son développement. Trente-deux nouveaux centres sont ainsi prévus d’ici fin 2026, soit une hausse numérique de 12,7%, ce qui soutiendra la croissance des résultats.

Le maître mot est ainsi de diversifier ses positions pour couvrir différentes niches de marché prometteuses.

Quatuor de SIR complémentaires

Pour diversifier une position en VGP, Montea ne manque pas d’atouts. La SIR dispose d’un portefeuille logistique moderne avec un taux d’occupation impressionnant de 99,5%. Le rendement de dividende prévu pour 2025 atteint 3,9% net, malgré une politique prudente réservant un cinquième des bénéfices pour financer de nouveaux investissements.

Xior, spécialiste des kots étudiants, offre un profil quasi unique sur le marché. La société affiche un rendement net de 4,4% (coupon brut de 1,768 euro) et dispose d’un pipeline de projets capable de soutenir ses résultats dès l’année prochaine.

Du côté de l’immobilier commercial, Wereldhave Belgium est la SIR préférée des analystes de Degroof Petercam. Spécialisée dans les centres commerciaux en Belgique et au Luxembourg, la société a des marges de développement limitées, mais son rendement de dividende net de 5,5% constitue un atout attractif pour les investisseurs.

Enfin, Aedifica représente une option à long terme pour miser sur une reprise de l’immobilier de soins, secteur montrant des signes de stabilisation depuis le début de l’année. La société offre par ailleurs un rendement net de dividende de 4,2% en tenant compte d’un précompte de 30%.

Précompte de 15% pour Care Property Invest

Lorsque le gouvernement Di Rupo a décidé de relever le taux normal du précompte mobilier de 15 à 25% en 2012-2013, il a également porté le taux réduit applicable aux sociétés immobilières résidentielles de 0 à 15%. Par la suite, le gouvernement Michel a relevé progressivement le précompte à 30% (depuis 2017) tout en restreignant le bénéfice du taux réduit aux SIR investies dans l’immobilier de soins, excluant ainsi les sociétés axées sur le résidentiel classique. Dans les faits, ce régime préférentiel ne concernait ainsi plus que Care Property Invest et Aedifica.

Cependant, les coupons d’Aedifica ne bénéficieront plus du taux réduit à partir du 1er janvier prochain, conséquence du Brexit. L’un des critères pour l’application du taux réduit est que la SIR doit disposer d’au moins 80% de son portefeuille en immobilier de santé au sein de l’Espace économique européen. Or, le Royaume-Uni n’en fait plus partie, alors qu’il constitue un marché important pour Aedifica. Avec la fin de la période transitoire, les actionnaires d’Aedifica seront donc désormais soumis au précompte mobilier de 30%.

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