Quels secteurs souffrent du ralentissement de la Chine?

La Chine inquiète. Tous les indicateurs ont fléchi en juillet et août. © Getty Images

Après une nouvelle salve d’indicateurs inquiétants, Pékin devrait annoncer de nouvelles mesures de soutien, mais sa marge de manœuvre se réduit avec l’envolée des dettes. La croissance devrait donc continuer à s’essouffler, avec un impact marqué sur certains secteurs.

En mars dernier, Pékin annonçait viser une croissance de 5% cette année, stable par rapport aux objectifs de 2023 et 2024, soutenue notamment par un déficit public record, prévu à 9,9% du PIB. Le premier semestre semblait confirmer cette trajectoire, avec une croissance de 5,3%. Mais les dernières données économiques de l’été ont fait grimper les inquiétudes : tous les indicateurs ont fléchi en juillet et août.

Guerre commerciale

Il serait tentant d’imputer ce ralentissement à la guerre commerciale sino-américaine, Pékin et Washington enchaînant les pseudo-accords sans suite depuis l’annonce des droits de douane américains en avril. Les exportations chinoises vers les États-Unis ont effectivement été affectées, avec des baisses mensuelles comprises entre 16% et 34% depuis avril.

Pour autant, les exportations totales du pays ont continué de croître mois après mois, les producteurs chinois trouvant de nouveaux débouchés et des chemins détournés pour atteindre le marché américain. Parallèlement, les importations chinoises sont restées globalement stables, ce qui permet au pays de se diriger vers un nouveau surplus commercial record, le compteur affichant déjà 785 milliards de dollars après huit mois – le record annuel date de 2024 avec 992 milliards.

Cette solidité du commerce extérieur se reflète dans la production industrielle qui a ralenti avec une croissance de 5,2% en août, la plus faible depuis un an, mais demeure bien plus vigoureuse sur les autres composantes économiques.

Coup de blues

La croissance annuelle des ventes au détail a ainsi fléchi à 3,4% en août, éloignant un peu plus la perspective d’une reprise soutenue par la consommation intérieure. Ce ralentissement reflète la perte de confiance des ménages chinois, perceptible notamment dans les enquêtes trimestrielles de la Banque populaire de Chine. Au deuxième trimestre, 63,8% des sondés déclaraient privilégier l’épargne plutôt que la consommation (23,3%) ou l’investissement (12,9%). Selon Daniel Zipser, senior partner chez McKinsey, le taux d’épargne personnelle en Chine dépasse ainsi les 30% des revenus depuis 2020.

Pour stimuler la consommation, les autorités chinoises ont même subsidié l’achat de télévisions et d’autres gadgets électroniques. Mais ces mesures ont produit un effet d’aubaine limité et temporaire. Selon une étude d’Oxford Economics, les ventes des produits subventionnés ont augmenté de plus de 20% (durant les subsides) alors que celles des autres produits ont stagné.

La faiblesse structurelle de la consommation s’explique notamment par un marché de l’emploi peu porteur : le taux de chômage est passé de 5% en juin à 5,3% en août. En outre, la progression des salaires ralentit avec une hausse annuelle de 3,9% au deuxième trimestre, un plus bas historique hors période covid, selon le baromètre des économistes de Goldman Sachs.

L’impact sur le comportement des ménages chinois est d’autant plus marqué que ce ralentissement des salaires s’accompagne d’une crise immobilière. Selon une récente étude de la banque américaine, les prix des logements en Chine ont déjà reculé de près de 20% depuis leur pic de 2021 – et pourraient encore perdre environ 10% d’ici 2027. Or, l’immobilier représente en moyenne deux tiers du patrimoine des ménages chinois, la baisse des prix limitant leur propension à consommer.

Investissements et relance

La crise immobilière ne pèse pas seulement sur les ménages, elle freine aussi lourdement les investissements en capital matériel, longtemps fer de lance de l’économie chinoise. Alors que ce poste affichait des croissances supérieures à 25% durant la crise de 2008-2009, il s’est progressivement essoufflé pour devenir un véritable fardeau. En août, les investissements n’ont progressé que de 0,5% sur base annuelle.

Pour tenter de relancer la machine, Pékin a multiplié les plans de soutien depuis l’an dernier. Mais ces coups de pouce n’ont qu’un effet temporaire sur l’économie, au contraire des finances publiques, durablement dégradées. La dette de l’État chinois atteignait déjà 88% du PIB en 2024, contre à peine 41% en 2015. Un fardeau qui devient coûteux selon les données de l’agence Bloomberg. Les charges d’intérêts ont ainsi totalisé 2.190 milliards de yuans (261 milliards d’euros) l’an dernier, soit 5,7% du budget public. Et la situation est encore plus inquiétante si l’on prend en compte les dettes cachées – notamment via les véhicules de financement locaux et les obligations des fonds spéciaux. Sur la base des prévisions du FMI, Bloomberg estime que l’endettement global pourrait atteindre 129% du PIB en 2025, soit le double de 2019.

Cette dérive résulte à la fois d’une hausse continue des dépenses de relance et d’une stagnation des recettes. Sur les huit premiers mois de l’année, les revenus budgétaires n’ont progressé que de 0,3%, bien en deçà de la croissance du PIB. L’explication tient en grande partie à la baisse des recettes issues de la vente de terrains des gouvernements locaux, frappés de plein fouet par le ralentissement de la construction immobilière.

Secteur minier

En résumé, les perspectives économiques de la Chine restent bouchées et une réaccélération n’est guère à l’ordre du jour. Dans ses dernières prévisions, la Banque mondiale anticipe ainsi une croissance limitée à 4% en 2026 et 3,9% en 2027.

Une mauvaise nouvelle pour les secteurs les plus dépendants du dynamisme de l’empire du Milieu, à commencer par les matières premières. L’an dernier, la Chine a absorbé 72% des importations mondiales de minerai de fer, 65% de celles de cuivre, 80% d’aluminium et 72% de nickel.

En résumé, les perspectives économiques de la Chine restent bouchées et une réaccélération n’est guère à l’ordre du jour.

Cette prépondérance de la Chine se reflète sur les prix, les prix du plomb ou du nickel reculant sur 12 mois (en dollars, lui-même nettement déprécié). Même le cuivre, pourtant central pour la transition énergétique, voit son cours stagner depuis plusieurs années, malgré l’inflation et les anticipations de forte demande. Une situation qui n’épargne pas les géants miniers comme BHP Group, Rio Tinto ou Glencore, dont les perspectives dépendent toujours largement du moteur chinois.

Secteur pétrolier

Le même constat s’applique au marché pétrolier. Entre 2010 et 2024, la Chine a représenté à elle seule 56% de la croissance de la demande mondiale de brut. Mais la tendance ralentit nettement et la demande chinoise est aujourd’hui soutenue artificiellement par un stockage massif, estimé à environ 1 million de barils par jour, qui devrait se poursuivre jusqu’à l’année prochaine selon les observateurs.

Structurellement, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a récemment indiqué que la demande de pétrole en Chine devrait atteindre un pic dès 2027, sous l’effet conjugué du ralentissement économique et de l’électrification rapide du parc automobile.

Certes, le marché pétrolier reste influencé par de nombreux autres facteurs – décisions de l’Opep, tensions géopolitiques, investissements américains – mais la fin du rôle moteur de la Chine retire un soutien essentiel à la demande et au prix du brut. Une évolution aux effets significatifs pour les majors pétrolières comme BP, Shell ou ExxonMobil, mais aussi pour les groupes parapétroliers qui fournissent équipements et services à l’industrie.

Secteur du luxe

Un autre secteur étroitement lié à la santé de l’économie chinoise est le luxe, comme le confirment les chiffres récents de LVMH. En 2024, la croissance organique du groupe a plafonné à 1%, très loin de son rythme historique de 10%, en raison d’une chute de 11% de ses ventes en Asie (hors Japon). Au premier semestre, l’absence de redressement du marché chinois, combinée à une stabilisation dans les pays occidentaux, a entraîné une baisse de 3% du chiffre d’affaires. Plus préoccupant encore, le mix de ventes s’est révélé défavorable. Les ventes du segment le plus rentable – la mode et la maroquinerie – ont reculé de 7%, entraînant une chute de 15% du résultat opérationnel.

Parmi les autres acteurs du secteur, Swatch et Burberry sont particulièrement exposés, réalisant environ 30% de leurs ventes en Chine. Comparativement, LVMH ou Richemont réalisent la même proportion de leurs ventes dans l’ensemble de l’Asie (hors Japon). Apple pourrait également être ajouté à la liste, ses iPhone étant largement assimilables à des biens de luxe. Au dernier trimestre écoulé, le groupe à la pomme a réalisé 16% de son chiffre d’affaires en Chine.

Secteur automobile

Dernier secteur fortement exposé à la Chine : l’automobile. Mais dans ce cas, la conjoncture économique n’est sans doute pas le principal problème des constructeurs occidentaux. Depuis plusieurs années déjà, ils font face à une concurrence locale féroce qui a grignoté leurs parts de marché. Les deux groupes les plus vulnérables restent Volkswagen – dont la part de marché en Chine est passée de 20% à moins de 15% en une décennie – et Tesla, attaqué de toutes parts par une foule de fabricants chinois de véhicules électriques.

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