Investir de manière équipondérée permet de réduire les biais introduits par les excès des marchés boursiers. Mais cette stratégie introduit également des risques pour les investisseurs.
Les indices boursiers (ou benchmarks) servent de mesure de performance pour la plupart des fonds de placement. La composition des grands indices boursiers (comme l’indice S&P 500) est souvent réalisée en pondérant les différentes sociétés en fonction de leur capitalisation boursière. La plupart des fonds ont ensuite tendance à adopter une composition relativement similaire à celle de leur indice de référence, afin de limiter le risque d’une forte déviation dans la performance par rapport à ce benchmark.
Le problème de ces grands indices est leur soumission aux enthousiasmes divers des marchés financiers, avec pour conséquence le poids important que certaines valeurs peuvent avoir dans la composition des indices. Ce fut notamment le cas durant les dernières années, avec la forte hausse des “Magnificent Seven” (Tesla, Amazon, Alphabet, Meta, Microsoft, Apple, Nvidia) sur la Bourse américaine, mais aussi des “Granolas” (GSK, Roche, ASML, Nestlé, LVMH, AstraZeneca, Sanofi, Novartis, Novo Nordisk) en Europe.

Dossier| Investir en 2025
Nouvelle tendance
Construire un portefeuille sur base d’un indice reposant sur la capitalisation boursière revient donc souvent à investir sur des entreprises dont la valorisation est devenue très élevée, et ne pas être assez exposé sur des sociétés bon marché disposant d’un potentiel plus important. Depuis la fin 2024, de nombreux experts ont recommandé de se positionner sur des produits indiciels qui adoptent une composition équipondérée, et de nombreuses sociétés de gestion (Invesco, Amundi, UBS) ont sauté sur cette tendance en lançant des ETF équipondérés sur le marché belge, notamment sur l’indice S&P 500, le MSCI Europe ou le Nasdaq 100.
De nombreuses études ont démontré que ce type d’allocation de portefeuille “simpliste” constitue une approche très performante pour investir sur les marchés boursiers. Et sur une très longue période (depuis les années 1990), les indices équipondérés ont effectivement eu tendance à surperformer les indices classiques, notamment parce que les moyennes capitalisations ont généralement tendance à réaliser de meilleures performances que les grandes capitalisations.
Dans la pratique, ces ETF équipondérés vont être régulièrement rééquilibrés en vendant les sociétés dont le poids a augmenté, pour racheter celles dont le poids à diminué. En sous-pondérant les actions à grande capitalisation et en surpondérant les actions à petite capitalisation, ils constituent un parti pris de gestion active par rapport à un ETF.
Inconvénients
Un des inconvénients des stratégies équipondérés est le retard qu’elles vont avoir par rapport aux stratégies indicielles classiques, lorsque les marchés haussiers ont tendance à se concentrer sur une poignée d’actions. Par rapport à un ETF classique sur l’indice S&P 500 (celui de Vanguard dans le tableau, ndlr), les ETF équipondérés sur la Bourse américaine sont restés nettement en retrait durant la dernière décennie.
Comme ils sont davantage exposés sur les moyennes capitalisations, ils ont tendance à avoir une volatilité plus importante. En outre, le rééquilibrage régulier des positions entraîne des frais plus élevés, d’autant qu’ils achètent des moyennes capitalisations sur lesquelles les frais de transaction ont tendance à être plus élevés. Sur l’indice S&P 500, les frais d’un fonds équipondéré vont se monter typiquement à 0,2%, contre 0,07% pour l’ETF Vanguard.
Bref, si les fonds indiciels équipondérés peuvent permettre de réduire le risque d’une exposition trop importante sur la technologie américaine, ils ne vont pas constituer une formule miracle qui va traverser les corrections, et ils coûtent généralement plus cher qu’un ETF traditionnel.
Sur une période de 10 ans, les performances des indices S&P classiques et équipondérés sont d’ailleurs similaires en Europe et au Japon, tandis que les indices américains affichent une performance plus favorable à l’indice S&P 500 classique, suite à la forte hausse du secteur technologique.
Approche durable
Le marché des ETF équipondérés est encore relativement neuf, et il n’existe, à l’heure actuelle, qu’une grosse poignée de produits affichant un historique de performance supérieur à trois ans et commercialisés sur le marché belge, essentiellement sur l’indice S&P 500. Mais VanEck propose depuis longtemps deux ETF équipondérés sur les actions européennes et globales affichant des performances attractives, et qui ont adoptés une stratégie d’investissement bien particulière.
Le fonds européen (VanEck EUR Equal Weight) n’est ainsi pas exposé sur l’ensemble des grandes valeurs européennes, mais sur l’indice Solactive European Equity Index qui reprend une centaine de composantes avec un filtre de durabilité appliqué dans la sélection. L’application d’une pondération équilibrée sur ce segment du marché s’est avérée particulièrement bénéfique pour la performance de ce produit, qui est le seul à afficher une notation cinq étoiles.
Stratégie active
L’équipondération n’est pas le seul apanage de fonds ETF cherchant à proposer une alternative à la concentration des indices boursiers traditionnels. Depuis de nombreuses années, cette méthode d’allocation est utilisée par des gestionnaires actifs pour adopter un comportement “neutre” par rapport aux évolutions du marché, en ne donnant pas une place importante à une hiérarchie des meilleures convictions dans le portefeuille.
Des gestionnaires comme Dorval Asset Management ou l’Union Bancaire Privée ont ainsi des fonds actifs qui utilisent l’équipondération dans leur portefeuille, comme pour le fonds flexible Dorval Global Conservative ou encore le fonds global UBAM 30 World Leaders.
François-Xavier Chauchat, stratégiste de Dorval Asset Management, souligne que “la diversification reste la règle absolue dans le monde de l’épargne. Il peut sembler pertinent de prendre position sur des fonds répliquant les grands indices mondiaux (MSCI World). Mais ceux-ci s’appuient sur un petit nombre de sociétés issues de quelques pays et secteurs d’activité (la technologie américaine, le luxe français), ce qui représente un risque”. L’équipondération permet de contrecarrer ce problème, tout en améliorant la diversification géographique sur un poids plus comparable au poids économique des différentes régions (40% aux États-Unis, 29% en Europe, 23% en Asie).
Il faut toutefois aller souvent fouiller dans la stratégie d’investissement des différents produits pour trouver la manière dont le gestionnaire va allouer les encours. L’équipondération peut également être utilisée sur des stratégies de petites capitalisations où le risque sur chaque ligne est important, comme c’est notamment le cas sur le fonds Mandarine Europe Microcap. Ce produit est investi sur près de 200 petites capitalisations de manière équipondérée afin de limiter l’impact des éventuels accidents de parcours.