Les Européens et leur argent: seuls 11 % connaissent précisément leurs revenus

Les Européens épargnent trop, investissent trop peu et doivent d’urgence améliorer et renforcer leurs connaissances financières. C’est ce qui ressort d’une récente étude paneuropéenne sur la santé financière des citoyens du vieux continent. « La plupart des Européens investissent dans de mauvais produits offrant des rendements insuffisants. »

Le rapport entre les Européens et leurs finances personnelles laisse à désirer. C’est la conclusion d’une enquête menée par l’association européenne des épargnants et investisseurs « Better Finance » et l’ « European Financial Planning Association » (EFPA), l’association européenne des planificateurs financiers indépendants.

Cette étude coïncide également avec la présentation, par la Commission européenne, de sa stratégie pour renforcer les connaissances financières des Européens et d’un projet de modèle commun pour un compte européen d’épargne et d’investissement.

Une enquête dans neuf pays européens

L’étude de Better Finance et de l’EFPA a sondé 14 000 Européens sur leur santé financière, leur niveau de littératie, leur sentiment de sécurité et leur bien-être. Les participants provenaient de France, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Italie, Slovaquie, Espagne, Suède et Royaume-Uni.

Les résultats sont aussi diversifiés que les populations interrogées, avec de fortes disparités selon les pays, les tranches d’âge et les genres.

Mais certaines conclusions se dégagent clairement : 86 % des répondants estiment que la santé financière est importante, et pour un quart d’entre eux, c’est même la chose la plus importante dans leur vie.

En revanche, seuls 15 % se disent suffisamment libres financièrement pour profiter pleinement de la vie, et un sur cinq affirme pouvoir réaliser ses rêves personnels. Plus de quatre sur cinq (83 %) reconnaissent ne pouvoir répondre qu’à la moitié de leurs besoins financiers.

Revenus et dépenses : un manque de visibilité

L’un des constats les plus frappants concerne la méconnaissance des revenus et dépenses mensuels.

Seuls 11 % des Européens savent, avec une marge d’erreur de 100 euros, combien ils gagnent chaque mois. Un quart d’entre eux n’en a qu’une estimation très approximative, avec une marge d’erreur moyenne de 760 euros.

Même constat du côté des dépenses : pour le quart le plus précis, la marge d’erreur atteint 600 euros. Moins de la moitié (44 %) déclarent avoir une vision claire de leurs dépenses mensuelles.

Cette faible visibilité se traduit par un manque de contrôle financier : seuls 28 % affirment ne jamais se retrouver à court d’argent en fin de mois, tandis que 10 % se retrouvent régulièrement à découvert.

Des lacunes persistantes dans les connaissances financières

La confiance financière varie fortement selon les domaines. Environ 40 à 55 % des répondants se disent à l’aise avec l’épargne, la budgétisation et la consommation. Mais lorsqu’il s’agit d’investissement, de planification de la retraite ou de fiscalité, cette confiance chute brutalement.

Les hommes évaluent leurs connaissances et compétences financières plus haut que les femmes.

Deux tiers des Européens se sont fixé des objectifs financiers à long terme, mais seuls 15 % s’y tiennent de manière structurée et régulière.

Le rapport conclut que le niveau général de littératie financière est trop faible pour permettre de développer des habitudes saines. Le secteur financier, lui aussi, doit proposer davantage de produits et services favorisant la compréhension et la discipline financières. « Le secteur de l’assurance répète sans cesse que le rendement n’est pas le plus important pour ses clients. C’est ainsi qu’il justifie les faibles rendements de ses produits. Pour moi, c’est au contraire le signe d’une profonde faiblesse des connaissances financières », déclare Aleksandra Maczyńska, directrice générale de Better Finance. « Mais l’éducation financière seule ne suffira pas », ajoute-t-elle.

Elle plaide pour plus de transparence et d’automatisation, notamment via des outils de comparaison en ligne pour les produits d’épargne et d’investissement, ou encore via des plans de pension complémentaires à adhésion automatique pour les salariés.

Un compte européen d’épargne et d’investissement

Le compte européen d’épargne et d’investissement (Savings and Investment Account, SIA) pourrait devenir un instrument clé pour encourager de meilleures habitudes financières. La Commission européenne en a publié la feuille de route la semaine dernière et recommande aux États membres de l’adopter afin d’inciter davantage d’Européens à investir. En effet, ce compte devrait être simple, accessible à tous et idéalement bénéficier d’avantages fiscaux.

Comme la Commission n’a pas compétence directe en la matière, elle ne peut qu’émettre des recommandations. « Espérons que les États membres auront le courage de s’en inspirer et d’apprendre les uns des autres », commente Aleksandra Maczyńska.
Le modèle de référence est le compte ISK suédois, à la fois très simple et assorti d’avantages fiscaux.

Endettement et épargne : un équilibre fragile

L’endettement ne semble pas étouffer la majorité des Européens : un sur trois a des dettes, mais pour les deux tiers d’entre eux, les remboursements ne dépassent pas 30 % du revenu.

L’épargne, en revanche, présente un tableau plus contrasté. Quatre Européens sur cinq épargnent de manière sporadique, et seulement 36 % le font régulièrement. Chez 62 %, le matelas d’épargne est suffisant pour faire face à trois mois de dépenses imprévues.

Mais 15 % ne parviennent pas à épargner du tout, et 7 % disposent d’une réserve inférieure à un mois.

Les motifs d’épargne varient fortement : vacances (44 %), urgences (41 %) et retraite (35 %) arrivent en tête.

Les hommes épargnent davantage en vue d’objectifs financiers futurs ou de l’achat d’une voiture, tandis que les femmes privilégient les vacances et l’acquisition d’un logement.

Pensions et investissements : une bombe à retardement

« L’Europe entière est confrontée à une bombe à retardement démographique en matière de pensions », avertit Aleksandra Maczyńska. « Une solution possible consiste à instaurer des plans de pension complémentaires et des produits d’épargne-retraite à adhésion automatique, ce qu’on appelle l’auto-enrolment. »

La visibilité sur les pensions reste très limitée : moins de la moitié (44 %) des répondants savent combien ils ont déjà accumulé. En matière d’épargne et d’investissement pour la retraite, les livrets d’épargne restent les plus populaires (51 %), suivis par les fonds, actions et ETF (22 %), les cryptomonnaies (10 %) et l’immobilier (6 %).

Le rapport souligne l’urgence de rediriger une partie de l’épargne dormante vers des produits générateurs de rendement. Cette faible appétence pour l’investissement s’explique en partie par une surestimation du capital nécessaire pour commencer à investir et par un manque d’offres de qualité.

« La plupart des Européens investissent dans de mauvais produits offrant des rendements insuffisants », conclut Aleksandra Maczyńska.

Et la Belgique?

La Belgique ne faisait pas partie de cette étude, et il est donc difficile de trouver des chiffres rigoureusement similaires…
Néanmoins, une récente étude de Deloitte, en collaboration avec Argenta, concernant la santé financière, fournit un aperçu de la résilience financière des ménages belges.

• Santé financière moyenne : 46 % des ménages sont désormais financièrement équilibré ou en bonne santé (contre 36 % en 2022). Le score moyen national de santé financière est passé de 54 à 59.
• Épargne et dépenses : 26 % des ménages épargnent désormais au moins 500 euros par mois (contre 19 % en 2022).
La proportion de personnes n’ayant aucune difficulté à payer leurs factures est passée de 37 % à 45 %.
Les personnes non touchées par les hausses de prix des produits de première nécessité sont passées de 11 % à 19 %.
• Education financière : Seulement 23 % obtiennent de bons résultats en planification et 32 % démontrent des compétences financières suffisantes. Moins d’un sur trois a répondu correctement à toutes les questions de compétence, ce qui marque une légère diminution par rapport à nos résultats de 2022.

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• Écart entre les sexes : La résilience financière des femmes est passée de 33 % à 44 %. La proportion de femmes en mauvaise santé financière est passée de 32 % à 22 %.
Pour les hommes, ce chiffre s’élève à 18 %, ce qui représente un écart entre les sexes de seulement 4 points de pourcentage.
• Belgique vs Pays-Bas : 52 % des ménages néerlandais sont financièrement équilibré ou en bonne santé (contre 46 % en Belgique), mais leur écart entre les sexes est plus important : 6 points de pourcentage, contre 4 points en Belgique.

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