Après une flambée historique, la décrue des prix du cacao ranime les perspectives de croissance et de rentabilité pour le secteur chocolatier.
Transformant plus de 20% de la production mondiale de cacao, le géant suisse Barry Callebaut a longtemps été considéré comme un choix incontournable dans le secteur. Outre sa solide position de leader, il bénéficiait de contrats lui permettant de répercuter les fluctuations du prix des matières premières sur ses clients. Ces protections ont toutefois cédé les unes après les autres lors de l’envolée épique des cours de la fève de cacao, en 2023/2024. Le prix de la précieuse fève a soudainement bondi de 2 à 12 dollars le kilo sur les marchés, suite à de mauvaises récoltes en Côte d’Ivoire, premier pays producteur.
Une fois le choc initial passé, les industriels ont entrepris de réduire leurs besoins, que ce soit en diminuant la taille des portions, en modifiant les recettes – enrobage chocolat plus fin, ajout de noisettes, etc. – ou encore en remplaçant le beurre de cacao par de l’huile de palme dans leur chocolat. Le groupe allemand Doehler est même allé jusqu’à lancer une poudre de caroube comme un substitut partiel à la poudre de cacao… Les consommateurs, eux aussi, ont réagi à la flambée des prix, en se tournant vers d’autres friandises dépourvues de chocolat.

Chute de 70%
Ces changements d’habitudes et de processus se sont directement reflétés dans les volumes écoulés par Barry Callebaut, en baisse continue depuis deux ans, avec une chute estimée à près de 7% sur l’exercice 2024/2025. Dans le détail, le segment cacao (incluant le beurre de cacao) a vu ses volumes reculer deux fois plus fortement que le pôle chocolat.
Malgré un programme de réduction des coûts, la baisse des volumes a lourdement pesé sur les marges. Le groupe, dont l’activité repose sur une infrastructure industrielle et logistique coûteuse, n’a pas pu compenser la moindre sous-utilisation de ses capacités. Le recul des ventes s’est ainsi directement transmis aux bénéfices, amplifié par ce que les spécialistes appellent un levier opérationnel défavorable.
En Bourse, la sanction ne s’est pas fait attendre : l’action Barry Callebaut a perdu près de 70% de sa valeur depuis ses sommets de 2021.
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Redressement de l’offre
Ces derniers mois, le géant suisse du chocolat a amorcé un net rebond, son action flirtant désormais avec ses plus hauts niveaux depuis le début de l’année. Ce redressement s’explique avant tout par la correction spectaculaire du prix du cacao, tombé de plus de 12 dollars à moins de 6 dollars le kilo.
Cette accalmie sur les marchés traduit une amélioration des perspectives de récolte en Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire et le Ghana, qui assuraient 57% de la production mondiale en 2022/2023, avaient vu leurs récoltes chuter de 27% la saison suivante, selon les données de l’Organisation internationale du cacao (ICCO).
Aujourd’hui, une reprise est attendue, même si les prévisions restent bien en deçà des précédents records : les spécialistes tablent en moyenne sur 1,8 million de tonnes pour la saison en cours, contre 2,2 millions de tonnes en 2022/2023.
Excédent de production
Parallèlement, l’ICCO relève également un repli de la demande, particulièrement marqué au deuxième trimestre, y compris dans les zones traditionnellement dynamiques de consommation. “L’Asie a enregistré une chute spectaculaire de 16,3%, atteignant son plus bas niveau trimestriel en huit ans”, souligne ainsi l’organisation basée à Abidjan.
Combiné au redressement de la production, ce ralentissement de la demande devrait conduire à un excédent de 186.000 tonnes (soit environ 4% du marché) pour la saison 2025/2026, selon une enquête menée en septembre par Bloomberg, auprès d’analystes et de traders spécialisés. Cet excédent devrait contribuer à reconstituer des stocks entamés ces dernières années.

Les ambitions de l’Équateur
Les prix élevés du cacao ont également incité les producteurs à planter davantage et à investir dans leurs exploitations. Selon Vladimir Zientek, trader chez StoneX Group, intervenant lors du Forum européen du cacao en septembre, l’Amérique latine devrait ainsi produire 100.000 tonnes supplémentaires cette saison.
À lui seul, l’Équateur verrait sa production progresser de 5% pour atteindre environ 580.000 tonnes. Et Ivan Ontaneda, président de l’association des exportateurs de cacao équatoriens, a récemment déclaré à Reuters que le pays pourrait atteindre les 650.000 tonnes la saison suivante, et ainsi dépasser le Ghana, pour se hisser au rang de deuxième producteur mondial.
À moyen terme, le pays d’Amérique du sud vise les 800.000 tonnes, d’ici 2030. Pour y parvenir, il mise notamment sur la variété hybride CCN-51, plus productive et résistante que le cacaoyer historique Nacional. Ce dernier reste toutefois réputé pour ses arômes riches et prisé par les amateurs de chocolat plus qualitatif.
Reprise en Côte d’Ivoire ?
En Côte d’Ivoire et au Ghana, la flambée des cours mondiaux n’a encore que peu profité aux cultivateurs, qui perçoivent un prix fixe déterminé par les gouvernements. En Côte d’Ivoire, le tarif a certes été relevé de 80% la saison écoulée, mais restait très bas, à 1.800 francs CFA le kilo (soit 3,2 dollars).
Pour la récolte 2025/2026, le président Alassane Ouattara a toutefois annoncé une revalorisation plus conséquente à 2.800 francs CFA le kilo (environ 5 dollars), suivant ainsi la tendance des marchés internationaux. Cette décision devrait redonner un peu de marge de manœuvre aux producteurs.
S’ils ne peuvent agir sur les aléas climatiques, davantage d’investissements pourraient leur permettre de renouveler les plantations vieillissantes et de lutter contre la propagation de maladies, notamment le virus du swollen shoot. Incurable à ce jour, celui-ci peut toutefois être mieux contenu grâce à une détection précoce et à la plantation de variétés plus résistantes, améliorant ainsi la productivité des cacaoyères.
La voie d’un rééquilibrage
En résumé, le marché du cacao semble sur la voie d’un rééquilibrage, avec une normalisation progressive des prix. Ce qui constitue une bonne nouvelle pour l’ensemble du secteur du chocolat, à commencer par Barry Callebaut. D’autant plus que le développement des cacaoyères en Amérique latine ouvre aussi des perspectives de croissance en termes de volume.
Le marché du cacao semble sur la voie d’un rééquilibrage, avec une normalisation progressive des prix.
Reste à savoir si les marchés n’ont pas été trop prompts à anticiper le rebond – et si l’action Barry Callebaut conserve encore un réel potentiel. Sur la base des résultats attendus pour l’exercice 2024/2025 (clos, mais dont la publication est prévue début novembre), le titre se paie près de 31 fois les bénéfices, un niveau peu attrayant. En revanche, si l’on se fonde sur le bénéfice estimé à 71 francs suisses pour l’exercice 2025/2026, tout juste entamé, le multiple tombe à environ 16 fois les profits – un niveau nettement plus raisonnable, surtout pour un leader mondial disposant d’une position de marché solide et d’un bilan sain.
Le prix de la qualité
Ce n’est toutefois pas le seul groupe suisse du secteur qui devrait bénéficier de la détente du marché du cacao. Lindt & Sprüngli a, lui aussi, subi une rare correction lors de la flambée des prix. Certes, son positionnement haut de gamme lui a permis de répercuter plus aisément les hausses de coûts sur le consommateur, mais cela ne se fait pas non plus sans conséquences. Ses volumes ont ainsi reculé de 4,6% au premier semestre, un repli largement compensé par une hausse moyenne des prix de 15,8%. Si sa marge opérationnelle a légèrement diminué, c’est depuis un niveau très élevé atteint en 2024. Sur l’ensemble de l’année, le groupe table d’ailleurs sur une légère amélioration de sa rentabilité.

En Bourse, le titre reste onéreux, valorisé à près de 42 fois les bénéfices attendus cette année – une constante pour l’une des valeurs les plus qualitatives du marché européen. Lindt & Sprüngli anticipe par ailleurs une croissance organique soutenue, comprise entre 6 et 8% par an, ainsi qu’une progression continue de ses marges dans les prochaines années.
À noter enfin qu’en plus de son action nominale, qui s’échange à plus de 130.000 francs suisses l’unité, il est également possible d’acquérir, à la Bourse de Zurich, des certificats représentant chacun un dixième d’action, offrant un accès plus abordable à cette valeur d’exception.
Noir-jaune-rouge
Une troisième option pour profiter de l’accalmie du prix du cacao et de la reprise du marché du chocolat est la Compagnie du Bois Sauvage. Assez discret ces derniers temps, le holding dispose comme principal actif d’une division chocolat, regroupant Neuhaus et Jeff de Bruges (détenu à 66%), qui représentent 55% de sa valeur intrinsèque.
Une autre option pour profiter de l’accalmie du prix du cacao et de la reprise du marché du chocolat est la Compagnie du Bois Sauvage.
Jusqu’à présent, elle a réussi à compenser la hausse du prix du cacao par le développement de ses activités et une maîtrise rigoureuse des coûts, ce qui lui offre désormais un levier d’amélioration de ses marges.
À noter que le titre affiche une décote importante par rapport à sa valeur intrinsèque (500,9 euros par action fin juin). Toutefois, cette décote pourrait perdurer tant que la famille Paquot, actionnaire de contrôle, n’aura pas clarifié la stratégie à long terme du holding.
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