“Jamais ChatGPT ne remplacera un banquier privé chez Belfius”
Comme l’expliquent deux responsables du “private banking” et de la gestion de patrimoine chez Belfius, le bancassureur a fait de la banque privée un axe de développement prioritaire, s’appuyant sur un tout nouveau réseau de proximité physique.
Vague ESG, déferlante de l’IA, essor des crypto-actifs… Isabelle Verhulst et Olivier Goerens, respectivement responsables de la planification patrimoniale et du marketing au sein du pôle private banking et wealth management chez Belfius, analysent les dernières tendances du marché de la banque privée et détaillent leurs ambitions sur le créneau.
TRENDS-TENDANCES. Cela fait plusieurs années que Belfius mise sur le créneau porteur de la banque privée. Quelle est actuellement votre position sur le marché?
ISABELLE VERHULST. Nous ciblons deux types de clientèles. D’une part, la clientèle que nous appelons private banking qui dispose d’avoirs supérieurs à 500.000 euros. D’autre part, une clientèle dite wealth management dont le patrimoine se monte à minimum deux millions et demi d’euros. Au total, nous comptons aujourd’hui pour ces deux cibles un peu plus de 160.000 clients.
OLIVIER GOERENS. En termes de fonds sous gestion, nous totalisons pour ces deux groupes cibles plus de 52 milliards d’euros d’actifs. Près de la moitié des clients sont des entrepreneurs, c’est-à-dire qu’à côté de leur patrimoine privé, ils disposent également d’une entreprise dont ils sont propriétaires.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres sur un marché déjà quadrillé par nombre d’acteurs?
O.G. Nous nous appuyons sur nos forces. D’abord, notre profil de bancassureur ancré en Belgique, proche des clients et de la réalité locale, qui nous permet d’offrir un service complet et global: crédit, assurance, transmission d’entreprise, etc. Sans oublier notre expertise en gestion d’actifs avec Belfius Investment Partners qui n’est pas limité à la Belgique puisque le client peut avoir accès à des gestionnaires tels que Candriam mais aussi BlackRock et JP Morgan.
“Nous essayons de proposer le meilleur des deux mondes en matière d’interaction avec le client.”
Notre autre grande force, c’est bien sûr le digital. Nos clients bénéficient d’une appli spécifique qui leur donne directement accès à notre vision des marchés et nos convictions en matière d’investissement. Chaque mois, nous leur expliquons comment les indices ont évolué, ce qui a influencé la performance de leur portefeuille, etc. Bref, jouer sur ces deux dimensions de bancassureur orienté vers le digital est crucial et apporte énormément de valeur aux clients.
I.V. Au-delà de cela, je dirais que ce qui nous distingue de la concurrence, c’est aussi notre “love” pour le client. L’écouter, le comprendre et sentir ses besoins: c’est notre obsession. C’est le client qui nous inspire et pas l’inverse. Il reprend sa place dans la relation avec son banquier privé.
Malgré l’essor du digital, le relationnel reste donc fortement important?
I.V. Absolument. Nous essayons de proposer le meilleur des deux mondes en matière d’interaction avec le client. Les évolutions technologiques sont là et on ne peut pas les ignorer. Mais en même temps, le contact humain avec le client reste extrêmement important. C’est la raison pour laquelle nous investissons dans l’ouverture de private houses sur tout le territoire: d’Arlon à Courtrai en passant par Knokke et Nivelles, etc.
Côté produits, les clients sont-ils demandeurs de cryptomonnaies?
O.G. On voit effectivement que les jeunes sont titillés par le marché des cryptomonnaies. Mais c’est un marché dont ils sont loin de maîtriser tous les risques. En ce sens, la nouvelle réglementation européenne MiCA (pour Markets in Crypto Assets) qui a pour objectif de protéger le consommateur est une bonne chose. Elle renforce aussi notre rôle en matière d’éducation financière.
“Trois grandes thématiques prennent de l’ampleur: le climat, l’économie circulaire et la mobilité propre.”
I.V. Les cryptomonnaies sont en effet des actifs qui ne font pas partie d’une gouvernance de patrimoine demandant une gestion des risques équilibrée et bien comprise.
O.G. L’ouverture de points de contact physiques est effectivement l’un de nos quatre axes de développement dans lequel nous continuons à fortement investir, à côté de notre offre de produits, nos équipes de banquiers privés et notre infrastructure digitale. Nous disposons actuellement de 23 private houses pour accueillir les clients. Notre ambition est d’atteindre le nombre de 60 d’ici 2025.
Quelles sont les dernières tendances en matière de produits d’investissement durables?
I.V. On voit que trois grandes thématiques d’investissement prennent de l’ampleur: le climat, l’économie circulaire et la mobilité propre. De plus en plus de clients souscrivent également à des green bonds comme ceux de Colruyt en février dernier. C’est une tendance qui prend de l’ampleur. Tout comme on voit progresser la demande pour les fonds pratiquant des exclusions vis-à-vis de certains types d’industrie, comme le secteur du pétrole par exemple. Par contre, tout ce qui touche au social impact reste encore relativement confidentiel.
O.G. Par ailleurs, nous sommes attentifs à leurs attentes dans la mesure où toutes les banques doivent désormais capter les préférences des clients en matière de durabilité pour établir leur profil MiFID. Des préférences dont nous devons donc tenir compte depuis août 2022 dans les services et conseils en investissement que nous leur fournissons. A cela s’ajoute la propre politique de Belfius en matière de transition qui exclut certaines classes d’actifs ou certains secteurs.
Utilisez-vous déjà l’intelligence artificielle dans vos processus internes?
O.G. Nous avons, par exemple, recours à un outil développé par la société Alphasense pour pré- sélectionner les titres et les fonds destinés à composer un portefeuille. Pas mal de projets sont par ailleurs en cours pour voir comment intégrer l’intelligence artificielle dans nos processus opérationnels afin de faciliter la vie des clients.
Les banquiers privés seront-ils un jour remplacés par des robots?
I.V. Non, jamais un robot ou ChatGPT ne pourra remplacer le côté émotionnel du métier.
O.G. Notre vision consiste à positionner l’IA à côté de l’humain. Donc effectivement, ChatGPT ne remplacera jamais un banquier privé chez Belfius. Par contre, l’IA permettra de fournir une assistance supplémentaire aux private bankers et aux asset managers dans le cadre de la relation avec le client.
Quid de la touche féminine dans tout cela?
I.V. Il est clair que c’est une tendance qui prend également de l’ampleur. Quand j’ai commencé chez Belfius en 2012, ce n’était pas le cas. Le métier était essentiellement masculin. Aujourd’hui, la profession s’est nettement féminisée. La moitié de nos équipes sont des femmes. Aussi parce que cela correspond à une évolution au sein de la société et de la clientèle. Il y a de plus en plus de femmes entrepreneures ou qui accèdent à de hautes fonctions en entreprise. Nous faisons très attention à respecter cette dynamique.
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