Fonds: “Le crédit reste la classe obligataire à privilégier”

Le consensus sur la dette d’entreprise est unanime auprès de tous les spécialistes du marché obligataire, plus particulièrement sur les émetteurs européens.

“Plus que l’année de l’obligataire, je pense que 2024 va surtout être l’année du crédit”, estimait Marion Le Mordehec, global head of fixed income chez Axa Investment Managers, à l’occasion de son récent passage à Bruxelles. Les taux des emprunts d’Etat sont repartis à la hausse depuis le début de l’année, en raison d’une offre très abondante qui nécessite de proposer des rendements plus attractifs pour être placée chez les investisseurs. “Il y a actuellement beaucoup d’offre sur le marché, avec des déficits publics qui restent très élevés dans un certain nombre de pays.”

Pas de récession

Dans ce contexte, le marché du crédit aux entreprises a nettement surperformé la dette souveraine depuis le début 2024, mais Bernard Lalière, head of credit chez DPAM, estime que cette classe d’actifs continue d’être intéressante pour les investisseurs. “Les rendements sont attractifs avec une meilleure visibilité au niveau de l’évolution à venir des taux directeurs des banques centrales, en particulier au niveau européen.”


“La dette subordonnée bancaire constitue également un segment que nous apprécions en raison de son exposition sur la hausse des marges d’intérêts.” – Bernard Lalière (DPAM)

Par rapport à la situation qui prévalait encore au début d’année, les spécialistes indi­quent qu’il n’y a plus trop d’incertitude quant à un atterrissage en douceur des économies développées, même si la dynamique entre l’Europe et les Etats-Unis semble être de plus en plus divergente sur l’inflation, sur les chiffres de l’emploi ou sur la confiance des acteurs économiques. Pour Bernard Lalière (DPAM), “l’environnement idéal pour le crédit est un environnement qui évite une croissance trop forte (hausse des taux directeurs) ou trop faible (hausse des taux de défaut)”.

“Si le resserrement monétaire a été plus pénible pour l’économie européenne, la détente des taux qui s’annonce devrait s’avérer plus bénéfique, estime pour sa part Vincent Juvyns, stratégiste chez JPMorgan Asset Management. Christine Lagarde a clairement pointé vers une baisse du taux directeur de la BCE dès le mois de juin, ce qui devrait permettre de rétablir la position concurrentielle des exportateurs européens.”

Facteurs techniques

Si le marché des dettes souveraines souffre actuellement d’un excès d’offre, c’est loin d’être le cas sur la dette d’entreprise. Pour Marion Le Mordehec, “les facteurs techniques sont beaucoup plus favorables sur le crédit, avec des groupes qui se sont bien désendettés durant la pandémie et des échéances de refinancement qui restent relativement bien éloignées dans le temps. Le marché primaire, c’est 170 milliards d’euros depuis le début de l’année, soit moins d’émissions qu’en 2023 à la même époque, avec une qualité de crédit qui reste solide au niveau des entreprises européennes”.

Investir sur la dette d’entreprise nécessite de faire un choix entre la dette de meilleure qualité de typeinvestment grade (notation BBB- et supérieure) dont la performance est davantage liée à celle de la dette souveraine, ou de la dette de moins bonne qualité haut rendement (notation BB+ et inférieure) dont les perspectives sont davantage liées à l’évolution de l’économie et des marchés boursiers. A l’heure actuelle, les arguments sont convaincants pour les deux segments du marché.

Haut rendement

Le crédit à haut rendement (notations BB+ et inférieures) a affiché la meilleure performance depuis le début de l’année parmi l’ensemble des classes obligataires. Pour Vincent Juvyns, “au vu de la baisse attendue du taux directeur de la BCE durant les prochains mois et au vu d’une économie qui ne devrait pas entrer en récession, le seg­ment du high yield nous semble aujourd’hui être une évidence pour les investisseurs européens avec un rendement brut supérieur à 6% pour des matu­rités supérieures à quatre ans. Une chose est aujourd’hui certaine pour les investisseurs européens : détenir des liquidités ne va plus être aussi intéressant qu’au début 2023″.


“A l’heure actuelle, c’est la partie ‘investment grade’ qui semble présenter le meilleur couple risque/rendement.” – Marion Le Mordehec (Axa Investment Manager)

De son côté, Marion Le Mordehec (Axa IM) souligne que le high yield constitue également un segment attractif, notamment sur la partie courte qui est moins exposée au risque crédit et qui bénéficie de taux très élevés. “En outre, les taux de défaut vont être en hausse, mais la dégradation devrait rester largement sous contrôle et en ligne avec les moyennes historiques.”

Pour Bernard Lalière (DPAM), l’exposition sur le haut rendement se justifie également à condition de rester à l’écart des zones les plus risquées du marché, notamment tout ce qui tourne autour du secteur de la distribution où la situation financière de plusieurs acteurs ne s’est plus vraiment améliorée depuis la fin de l’épidémie. Dans le haut rendement, il apprécie plus particulièrement les émissions provenant de groupes industriels européens de bonne qualité comme Nexans (exposition sur la transition électrique), Paprec (recyclage), Verisure (système d’alarme) ou Faurecia (équipementier auto­mobile). “Plusieurs entreprises qui appartenaient au secteur du haut rendement ont récemment vu leur note de crédit augmenter, et ont rejoint l’univers du crédit investment grade. Cela signifie que la qualité sous-jacente du haut rendement a plutôt eu tendance à se détériorer durant les derniers mois.”

Comme souvent au niveau obligataire, une exposition par le biais d’un fonds de placement diversifié sur plusieurs dizaines d’émetteurs reste une stratégie à privilégier pour les investisseurs.

“Investment grade”

Marion Le Mordehec souli­gne que le crédit est une classe d’actifs sur laquelle de nombreux investisseurs sont aujourd’hui en train de se positionner, que ce soit sur des produits à maturité fixe pour les particuliers ou directement sur des émissions primaires pour les institutionnels. “A l’heure actuelle, c’est la partie investment grade qui semble présenter le meilleur couple risque/rendement.” Elle privilégie des secteurs comme la dette subordonnée financière, voire les obligations émises par des sociétés immobilières.


“Si le resserrement monétaire a été plus pénible pour l’économie européenne, la détente des taux qui s’annonce devrait s’avérer plus bénéfique.” – Vincent Juvyns (JP Morgan Asset Management)

Ce segment est également mis en avant par Bernard Lalière, notamment l’immobilier de logistique. “Les directions ont fait beaucoup d’efforts, en réduisant le dividende, en vendant des actifs dans le portefeuille pour réduire l’endettement ou en levant de nouveaux capitaux.” Il apprécie également les émetteurs provenant du secteur des télécommunications, qui affichent également des perspectives favora­bles, un secteur très défensif où la majeure partie des programmes d’investissements ont déjà été réalisés. “Enfin, la dette subordonnée bancaire constitue également un segment que nous apprécions en raison de son exposition sur la hausse des marges d’intérêts. Nous n’avons pas non plus vu de hausse significative des prêts non performants ces derniers mois, ce qui reste un bon signe pour les octrois de prêts et la croissance européenne pour les prochains trimestres.”

Pour sa part, Vincent Juvyns se montre un peu moins enthousiaste sur le segment du crédit investment grade à court terme dont le comportement est souvent davantage lié aux taux des banques centrales. “Dans le courant du deuxième trimestre, si les baisses des taux des ban­ques centrales venaient à se préciser, il pourrait devenir plus opportun de revenir sur cette classe obligataire.”

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