En Belgique, les transferts entre régions sont bien moins importants qu’en Allemagne, en France ou en Espagne
Les Flamands transfèrent 1.188 euros par habitant. Presque trois fois moins que les transferts consentis par les habitants de Hambourg ou de Madrid, et six fois moins que ceux de la région parisienne.
Eric Dor, le directeur des études de l’école de management de l’IESEG, basée à Lille et Paris, vient de mettre à jour les chiffres de transferts entre arrondissements en Belgique en se basant sur les données les plus récentes, qui datent de 2022.
« L’objectif, dit-il, est de mesurer comment la fiscalité progressive sur les revenus, ainsi que les cotisations et prestations de la sécurité sociale, avec quelques autres éléments marginaux, induisent une redistribution correspondant à des flux de solidarité interpersonnelle entre les populations des différentes zones géographiques de Belgique. »
Evidemment, ce que certains au Nord du pays retiendront, ce sont les chiffres de transfert Nord-Sud. Si l’on prend le prisme régional, la Flandre transfère 8 milliards : 0,7 milliard à Bruxelles, 7,3 milliards à la Wallonie.
Mais les transferts entre provinces s’élèvent à 11,2 milliards (voir graphique) et ceux entre arrondissements à 12,7 milliards. Plus on rapetisse le champ d’analyse, plus on observe de transferts. Ce qui est normal car dans une même région, il y a des provinces qui sont des contributrices nettes (en région wallonne, le Brabant wallon par exemple) et d’autres qui en bénéficient. Et, dans une même province, il y a des arrondissements qui bénéficient de transferts, et d’autres qui y contribuent.
Chaque Flamand ne paie pas 1.188 euros
« Chaque zone géographique de Belgique, comme un arrondissement, une province ou une région, comprend à la fois certains ménages contributeurs nets, et d’autres qui sont bénéficiaires nets », précise Éric Dor. « En moyenne, poursuit-il, les habitants de Flandre sont contributeurs nets, à raison de 1.188 euros par personne et par an, en faveur des autres régions du pays. Les régions bénéficiaires sont la Wallonie et Bruxelles, avec des gains de 1.999 et 539 euros par personne et par an, respectivement ».
Eric Dor poursuit : « Il serait bien sûr totalement erroné d’affirmer que chaque habitant de Flandre paie implicitement 1.188 euros aux résidents des autres régions de Belgique. C’est une moyenne. L’interprétation correcte est qu’en Flandre les contributions des contributeurs nets sont supérieures aux bénéfices des bénéficiaires nets, et qu’il en résulte une contribution moyenne nette de 1.188 euros par habitant. De la même manière il serait inexact de prétendre que chaque habitant de Wallonie reçoit implicitement 1.999 euros de la part de la population de la Flandre. L’interprétation correcte est qu’en Wallonie, les bénéfices des bénéficiaires nets sont supérieurs aux contributions des contributeurs nets, et qu’il en résulte un bénéfice moyen net de 1.999 euros par habitant. »
Ce que l’on remarque aussi c’est que la mécanique des transferts fonctionne assez bien dans le pays, au sens où ce sont effectivement « les populations des arrondissements avec de hauts revenus primaires nets qui sont très contributrices nettes à la solidarité interpersonnelle. A l’inverse, ce sont les populations des arrondissements avec des revenus primaires nets réduits qui sont très bénéficiaires de la solidarité interpersonnelle », souligne l’économiste.
Madrid, Paris, Hambourg
Un autre point à rappeler est que les transferts entre régions belges sont assez bas par rapport à ce que l’on observe ailleurs. « Les flux de solidarité interpersonnelle entre les régions de Belgique sont plutôt très inférieurs à ce qui est observé chez les pays voisins, affirme Éric Dor.
En Allemagne en 2019, la population de la région de Hambourg est contributrice nette pour 3.209 euros par habitant, celle de la Bavière pour 2.484 euros et celle du Bade Wurtenberg pour 1.900 euros. Soit des montants bien supérieurs à ceux de la Flandre (1.188 euros par habitant). Et de même, les bénéficiaires perçoivent bien davantage que les Wallons : la population de Sachsen-Anhalt est bénéficiaire nette pour 5.000 euros par habitant en 2019, celle de la région de Mecklenburg-Vorpommern pour 4.481 euros, celle de Sachsen pour 4.453 euros ….
En Espagne, le transfert des habitants de la Communauté de Madrid aux régions espagnoles les plus pauvres dépasse les 3.100 euros par habitant. En France, la différence est plus forte encore, avec des habitants de l’Ile de France redistribuant chacun en moyenne plus de 7.000 euros aux autres régions.
Ces transferts sont en réalité normaux, car ces régions sont également celles où les revenus sont les plus élevés. Si la région bruxelloise comprenait aussi son hinterland économique, à savoir les deux Brabants, elle serait très nettement contributrice, puisque les habitants du Brabant flamand transfèrent en moyenne 4.757 euros et ceux du Brabant wallon 3.979 euros.
A moins d’avoir un pays où tous les revenus soient identiques partout ou un pays où il n’y ait aucune solidarité entre habitants, il y aura donc toujours des transferts.
Cela ne doit pas dédouaner la Wallonie qui met bien trop longtemps à résoudre ses problèmes économiques. Mais cela permet de recadrer un certain discours politique trop prompt à s’enflammer sur des mécanismes qui, chez nos voisins, ne posent pas véritablement problème. Que l’on sache, ni Madrid, ni Paris, ni Hambourg ne désirent faire sécession.
Et puis, last but not least, ces calculs ne portent que sur les transferts via l’impôt et les cotisations sociales. Mais si l’on prend en compte également le paiement des pensions et des soins de santé, la « facture » de la Flandre est plus basse. Ainsi, la Banque nationale avait calculé, il y a trois ans, qu’en tenant compte de ces éléments, le transfert Flandre Wallonie passe de 7,1 à 6, 2 milliards d’euros. Car la Région de Bruxelles Capitale devient elle aussi contributrice et transfère 0,9 milliard à la Wallonie !
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