Shein, Temu: la nouvelle taxe européenne sur les petits colis va-t-elle tourner au fiasco ?

Shein Temu
Pour beaucoup d’experts, cette taxe ne permettra pas de renforcer le système douanier. © Belga
Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

L’exonération de taxe sur les petits colis, c’est fini! À partir du 1er trimestre 2026, les droits de douane seront appliqués “dès le premier euro”. L’objectif de l’UE? Mettre fin à la concurrence déloyale chinoise et lutter contre la fraude. Une mesure qui risque pourtant d’être inefficace, injuste, voire difficile à appliquer…

Jusqu’à présent, l’UE appliquait une exemption de droits de douane sur les colis importés d’une valeur inférieure à 150 euros. Mais face à l’explosion du commerce en ligne et l’afflux massif de produits à bas prix chinois, cette règle est devenue obsolète. Selon la Commission européenne, 91% des petits colis qui pénètrent sur le territoire proviennent de plateformes comme Shein ou Temu. Afin de répondre à la saturation du marché et à la concurrence déloyale, l’Union européenne a donc approuvé la suppression de cette exonération. Une mesure aujourd’hui vivement critiquée…

Taxe sur les petits colis: qu’est-ce qui va changer ?

En plus de rétablir les droits de douane, l’UE prévoit d’instaurer des frais de traitement sur chaque petit colis importé, destinés à compenser la charge administrative générée par ces millions de paquets.

Concrètement, la Commission européenne a proposé un prélèvement de 2 euros sur les envois directs, et 0,50 euro pour les envois passant par un entrepôt de l’UE. Ces frais devraient être appliqués à partir de la fin 2026.

La mesure, réclamée notamment par la France et la Belgique, a plusieurs objectifs:

  • Lutte contre la fraude et la non-conformité: la mesure cible les produits commandés sur des plateformes asiatiques, comme Temu ou Shein, dont une grande partie ne respecterait pas totalement les normes et règles de sécurité européennes. Certains sont parfois même dangereux ou illégaux.
  • Lutte contre la concurrence déloyale: créer des conditions équitables pour les entreprises européennes et limiter l’afflux de produits à bas prix (4,2 milliards de colis de moins de 150 euros importés l’an dernier).
  • Renforcement douanier: les recettes escomptées seront destinées à renforcer les services douaniers chargés de contrôler les marchandises entrant dans l’UE.

Pourquoi certains estiment que c’est une mauvaise solution?

Certains experts rejettent pourtant la mesure telle qu’annoncée et s’interrogent sur son efficacité.

Premièrement, ces frais supplémentaires seront inévitablement reportés sur les consommateurs. De quoi alourdir leur budget, en particulier celui des ménages plus modestes, qui dépendent souvent de produits à bas coût. À savoir que de nombreux produits vendus sur ces plateformes coûtent moins de 3€. Ajouter 2€ de frais représente donc une hausse du prix de plus de 50%.

Ensuite, les recettes attendues ne suffiront pas à combler le déficit administratif. Selon les données de DHL et PostNL analysées par L’Echo, chaque petit colis à traiter coûte entre 1,80 euro et 2,50 euros. De son côté, la Cour des comptes européenne estime que les frais administratifs supplémentaires s’élèveront au total à 1,2 milliard d’euros par an, alors que les recettes nettes n’atteindront, elles, que 300 à 500 millions d’euros.

Pour beaucoup d’experts, cette taxe ne permettra donc pas de renforcer le système douanier. Au contraire: elle pourrait alourdir un système déjà engorgé, sans répondre au problème de sous-effectif. Plusieurs spécialistes considèrent que l’UE aurait plutôt intérêt à moderniser ses systèmes douaniers obsolètes et à investir dans l’IA pour cibler efficacement la fraude.

Enfin, cette mesure pourrait accentuer la concurrence déloyale, ce qui fragiliserait l’image de l’UE sur la scène internationale. L’écart de taxation entre les envois directs (2 euros) et ceux transitant par un entrepôt dans l’UE (0,50 euro) avantagerait certains grands acteurs comme Amazon, qui disposent de moyens pour installer des infrastructures locales. Un déséquilibre qui se ferait donc au détriment de nombreuses PME. Par ailleurs, l’Europe est accusée de généraliser cette taxe à tous les colis importés – y compris ceux provenant du Royaume-Uni ou de la Suisse – afin d’éviter de cibler directement le géant chinois.

Reste une question essentielle: cette taxe suffira-t-elle vraiment à freiner l’achat de produits à bas prix en provenance de Chine?

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