Le restaurant par abonnement, symptôme d’une économie qui se “servicise”

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Jennifer Mertens

Payer le restaurant comme on règle son abonnement Netflix. Un concept innovant et très récent qui a fait ses premiers pas en Belgique, chez un restaurateur, et qui s’inscrit dans une tendance de diversification des services chez les petits commerçants.

S’abonner à un restaurant. L’idée peut sembler incongrue, et pourtant, c’est le pari tenté par le chef Guillaume Gersdorff, à la tête du restaurant namurois Demain à main, en octobre dernier. Pour 29,99 € par mois (24,99 € pour les étudiants) – avec un engagement minimum de trois mois –, les clients peuvent bénéficier deux fois d’une formule comprenant un repas et une boisson. Un tarif particulièrement attractif : à prix plein, cette même formule coûte presque le double. Mais si l’abonné y gagne, le restaurateur aussi.

Une rentrée d’argent prévisible

Pour un établissement, proposer un abonnement garantit des revenus réguliers, à même de lisser les fluctuations de fréquentation. « Cela permet aussi de fidéliser la clientèle. Pour nous, on sait que tous les mois, on a un certain montant qui rentre dans les comptes », explique à la RTBF Beza Ducaté, cheffe de salle du restaurant. Le client, lui, reste libre de poursuivre ou de mettre fin à son abonnement à l’issue de la période minimale.

Le système par abonnement a été pensé pour être très simple d’utilisation, mais aussi fidéliser le client, avoue l’établissement. “Tout se gère en ligne, depuis l’inscription jusqu’à la résiliation.” Sur place,” l’abonné doit simplement s’identifier via son compte en ligne. La commande se fait ensuite directement par QR code et est liée à son profil numérique : pas de ticket, pas de carte à poinçonner, juste le plaisir de choisir son plat.”

À ce jour, Demain à main semble être le seul restaurant en Belgique à oser ce modèle. Une première dans le pays qui l’a d’ailleurs poussé à mettre une limite : “L’offre est limitée, dans un premier temps, aux 1000 premiers abonnements.” Histoire de voir comment les clients répondent à la proposition.

Chez nos voisins français, le concept a déjà été tenté en 2022 par la chaîne de restaurants Pizza Del Arte. Aux États-Unis, la formule de l’abonnement appliquée à la restauration est plus répandue encore. Mais selon Olivier Vandenabeele, expert commerce à l’UCM, le concept a toutes les chances de se développer chez nous. « Si la sandwicherie où je vais tous les midis propose un abonnement avec des réductions à la clé, je m’abonnerai directement », souligne-t-il.

L’avantage client est évident : payer moins pour consommer autant. Mais un autre bénéfice émerge : « Il y a un lien social qui se crée », insiste l’expert.

La « servicisation », un phénomène en plein essor

Cette stratégie s’inscrit dans une tendance plus large : la servicisation, assure Olivier Vandenabeele, soit la diversification des services au-delà du cœur de métier. Il ne s’agit plus seulement de vendre un produit, mais d’ajouter des services complémentaires – livraison, boîtes découvertes, ateliers… Une dynamique qui a largement pris dans l’alimentaire, inspirée des grands acteurs comme HelloFresh. « Cela peut représenter une petite perte à court terme, mais à long terme, les commerçants y gagnent, car cela fidélise le client et l’encourage à dépenser davantage en boutique », analyse Olivier Vandenabeele.

Le concept n’est pas totalement neuf : venu de France, il s’est diffusé en Belgique, avec d’abord les points poste installés chez les petits commerçants. Face aux géants du e-commerce, ces initiatives constituent un moyen de se différencier. « C’est une façon de valoriser leur accessibilité et d’ajouter de la plus-value à leurs services. Les commerçants montrent l’intérêt de se rendre en boutique : le conseil, le service après-vente, l’expertise », conclut l’expert de l’UCM.

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