“Les distributeurs gagnent leur vie mais on oublie souvent les agroindustriels qui se pensent incontournables”

“Nous avons enregistré une croissance jusqu’en 2009, où on s’est ramassé une belle raclée”, se souvient Bernard Bartholomé, agriculteur et gestionnaire de la ferme du Tambourin à Rebecq. Agriculteur depuis les années 90, celui-ci a travaillé avec de nombreux distributeurs belges afin de vendre ses produits laitiers.

Trends Tendances : Quel est votre regard sur la crise agricole d’aujourd’hui ?

Bernard Bartholomé : Le monde agricole souffre déjà depuis très longtemps. Les agriculteurs sont des gens très résilients. Aujourd’hui, on ressent un certain désespoir et un désarroi et pas seulement au niveau agricole. Le combat n’est pas seulement belge, il est européen, voire peut être même mondial. Le problème c’est qu’on nous impose énormément de normes qualitatives, environnementales et autres. A juste titre, parce qu’on parle de sécurité alimentaire mais je pense qu’en Europe, on lave plus blanc que blanc. D’un côté on impose des normes aux producteurs et de l’autre on importe des produits qui ne répondent pas aux mêmes critères.

Trends Tendances : Les distributeurs sont accusés de mettre la pression sur les prix, vous avez également ce sentiment ?

Bernard Bartholomé : J’ai travaillé avec de nombreux distributeurs belges et même si toutes les collaborations ne se sont pas poursuivies, je n’ai aucun reproche à leurs faire. Lors de la crise de 2009, ce qui m’a particulièrement frappé, c’était de voir la différence de marges des acteurs de la chaine alimentaire. Certes, les distributeurs gagnent leur vie, mais on oublie souvent les industriels et surtout les gros industriels qui n’hésitent pas à prendre leur part parce qu’ils sont incontournables.

“Pour travailler avec un distributeur il faut un produit différenciant. Avec un produit standard vous êtes en concurrence avec des industriels.”

Trends Tendances : C’est pour cela que vous avez décidé de produire vous-même vos produits ?

Bernard Bartholomé : Pour moi chaque crise est l’occasion de se remettre en question. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place le projet de la Ferme du Tambourin et de transformer notre lait en produit fini. On évite alors un intermédiaire et on passe en direct vers le distributeur par les produits locaux.

Trends Tendances : Comment se déroulent les négociations de prix ?

Bernard Bartholomé : De manière assez classique, on discute du prix entre nous mais je n’ai pas de mal à démontrer que mes coûts ont augmentés et le distributeur le comprends. Avoir repris la partie commerciale en main facilite vraiment les choses.

Trends Tendances : Vous êtes également passés au bio grâce au soutien de Carrefour ?

Bernard Bartholomé : Oui et je suis d’ailleurs convaincu que c’est cette conversion qui va sauver le projet. Il y a énormément d’intrants comme les engrais dans les cultures conventionnelles et ce sont des industriels qui ont la main sur le marché, il y a donc très peu de négociation. Et quand ces derniers indexent leurs prix, peu leur importe de savoir si vous pouvez suivre. Être passer au bio me permet d’éviter ces coûts supplémentaires.

Trends Tendances : Quels conseils donneriez-vous à un producteur qui souhaite se lancer dans une collaboration commerciale ?

Bernard Bartholomé : Si vous souhaitez travailler avec un distributeur il faut un produit différenciant. Avec un produit standard vous êtes en concurrence avec des industriels qui ont des capacités de productions et des coûts différents des vôtres.

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