Chaque année, des milliers de météorites tombent sur Terre. Objet de fascination, ces cailloux venus de l’espace sont au cœur d’un marché en pleine expansion avec des ventes qui peuvent atteindre plusieurs millions. Un trafic aussi lucratif qu’opaque.
Le 16 juillet dernier s’est déroulée une vente aux enchères un peu particulière à New York. Sotheby’s proposait un morceau de Mars. Littéralement. Le rocher baptisé “Northwest Africa 16788” (NWA 16788) aurait été projeté de la surface de Mars par l’impact d’un astéroïde géant avant de parcourir les quelque 225 millions de kilomètres qui le séparent de la Terre. Il affiche 24,7 kg sur la balance. Ce qui en fait le plus gros jamais trouvé sur Terre. De quoi aussi en faire l’objet d’une grande convoitise.
La météorite trouvée en novembre 2023 au Niger par un chasseur de météorites resté anonyme sera adjugée 4,3 millions de dollars (4,6 millions d’euros). Le vendeur comme l’acheteur ont préféré rester anonymes. Si les protagonistes restent discrets, de tels montants n’en ont pas moins attiré l’attention sur ce marché estimé à plusieurs dizaines de millions de dollars par an au niveau mondial et pourtant méconnu.
Une pièce d’exception
À la croisée de la science, de l’art et du luxe, les prix des météorites sont principalement déterminés par la rareté, l’esthétique et surtout l’origine cosmique des pierres. La météorite proposée par Sotheby’s a le bon goût de cumuler les trois. Sur les quelque 50 000 météorites découvertes à ce jour, moins de 400 sont confirmées comme venant de Mars. De quoi renforcer leur valeur aux yeux des collectionneurs. D’autant plus qu’à cela s’ajoute un éclat argenté et rouge du meilleur effet.
Les épineuses questions autour de la provenance.
Beaucoup s’étonnent de la manière dont la météorite s’était retrouvée sous le marteau du commissaire-priseur. Il paraît en effet difficilement imaginable qu’un tel objet sorte du pays sans que les autorités s’en rendent compte.

Selon un article de l’université de Florence , la météorite a été « vendue par la communauté locale à un marchand international », puis transférée dans une galerie privée de la ville italienne d’Arezzo. Le cas de la météorite de Sotheby’s sert aujourd’hui de catalyseur pour illustrer l’un des problèmes majeurs de ce commerce : le cadre légal entourant l’extraction et l’exportation de ces objets reste flou, voire inexistant dans certains pays, notamment en Afrique.
Un trafic alimenté par des zones grises législatives
Le commerce mondial de ces pierres est parfois comparé à celui de l’art, mais sans les mêmes protections ni conventions solides. Des accords internationaux comme ceux de l’UNESCO encadrent le trafic des biens culturels, mais leur application aux météorites demeure ambiguë. Résultat : des chasses aux météorites souvent non régulées, surtout dans les régions désertiques où ces pierres sont le plus visibles et accessibles, comme le Sahara.
Au Niger, pays où, rappelons-le, a été retrouvée cette impressionnante météorite, aucune loi spécifique ne régit actuellement l’exportation des météorites, bien que la nation ait adopté depuis 1997 une loi générale de protection du patrimoine naturel et culturel. Cette absence de réglementation claire facilite le passage en fraude ou sous des formes non contrôlées, au grand dam des autorités locales.
Des enjeux économiques et patrimoniaux importants
Pour les pays concernés, ces météorites ne sont pas que des curiosités. Elles représentent un patrimoine scientifique, culturel et économique potentiel. Le Niger, comme d’autres pays sahariens, pourrait tirer des bénéfices substantiels d’une gestion réglementée et valorisée de ses trésors spatiaux.
Les millions qu’a rapportés la vente vont provoquer un véritable tollé au Niger, selon le magazine économique panafricain Forbes Africa.
Vers une régulation renforcée ?
Au point de pousser le gouvernement nigérien à ouvrir, deux jours après la vente, une enquête sur les circonstances de la découverte de cette météorite et de sa vente, suspectant un “trafic international illicite”, selon le quotidien nigérien Aïr Info.
Sotheby’s conteste vivement cette affirmation, déclarant que les procédures appropriées ont été suivies. « Comme pour tous les objets que nous vendons, tous les documents nécessaires étaient en règle à chaque étape de son voyage, conformément aux meilleures pratiques et aux exigences des pays concernés. »
Depuis le 8 août, le gouvernement nigérien a renforcé la suspension de “l’exportation des pierres précieuses, pierres semi-précieuses et météorites sur l’ensemble du territoire national”.
Au vu des montants astronomiques de certaines ventes, cela devrait donner des idées aux autres pays. Certains pays, comme le Maroc, ont ainsi commencé à réglementer l’exploitation des météorites, bien que la contrebande et les ventes non déclarées persistent. Le pays s’était transformé au début des années 2000 en véritable eldorado des chasseurs de météorites. Plus d’un millier de météorites ont été trouvées sur son territoire au point d’en faire l’un des plus grands exportateurs mondiaux de roches spatiales, selon la BBC.
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