Face à la montée de l’e-commerce, les magasins physiques sont loin d’avoir dit leur dernier mot. En pleine mutation, ils misent sur l’innovation, l’émotion et l’engagement pour retrouver leur place dans le parcours d’achat.
La mort des magasins physiques est annoncée depuis des années. De fait, leur fréquentation décline face à une offre en ligne toujours plus vaste et accessible : Zalando et Shein dominent le marché de l’habillement, tandis qu’Amazon s’impose dans presque tous les autres secteurs. En parallèle, le modèle même des centres commerciaux paraît s’essouffler. La récente annonce de la disparition des supermarchés Cora d’ici 2026 en est un symbole fort.
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Plusieurs facteurs sont à l’œuvre : l’essor fulgurant de l’e-commerce, amplifié par la pandémie de Covid-19, la hausse des coûts liés à l’exploitation des points de vente physiques, mais surtout l’évolution des comportements des consommateurs. Ces derniers privilégient de plus en plus les achats en ligne, par praticité, gain de temps, ou dans une logique de consommation plus réfléchie.
Pourtant, malgré ces nombreux défis, les magasins physiques résistent – et mieux encore, ils se réinventent. L’expérience en boutique est entièrement repensée pour offrir une nouvelle manière de consommer, plus immersive, plus personnalisée. L’objectif : séduire à nouveau les jeunes générations, tout en conservant la fidélité des clientèles plus âgées.
Un magasin repensé pour une génération exigeante
Et cela commence par la nécessité pour les commerçants de s’adapter aux nouveaux usages digitaux. “La digitalisation n’est plus un luxe”, souligne Arnaud Gallet, directeur du salon NRF Retail’s Big Show Europe, “Elle leur permet de rester compétitifs face aux géants comme Amazon et Shein.”
Pour répondre aux nouvelles attentes, les enseignes hybrident leurs points de vente en combinant technologie, interactions sociales et engagement. L’expérience en magasin se modernise via la digitalisation (écrans interactifs, QR codes), des systèmes de paiement simplifiés (caisses en libre-service, paiement sans contact ou via smartphone) et des services connectés (applications de fidélité, offres personnalisées, notifications push). Ces outils permettent de fluidifier les achats, tout en créant une relation continue avec le client.
L’émotionnel devient un levier central
Mais c’est loin d’être suffisant. Les enseignes doivent repenser l’expérience proposée aux jeunes générations. Ces nouveaux consommateurs en attendent davantage qu’un simple acte d’achat. Ainsi émergent des propositions inédites : expériences immersives, scénographies évolutives, événements exclusifs ou collaboratifs. Le but est de donner envie de revenir en boutique, de s’y attarder, d’y vivre une expérience.
L’émotionnel devient un levier central. Certains commerçants s’associent à des influenceurs, organisent des rencontres ou proposent des produits en édition limitée. D’autres misent sur des concepts stores où les clients peuvent personnaliser leurs articles, voter pour les prochains modèles, voire co-créer les produits.
Le rapprochement entre Adidas et l’influenceuse mode Léna (Mahfouf) Situations en est le parfait exemple. La marque organise régulièrement des évènements avec la youtubeuse pour permettre à ses fans de la rencontrer, mais aussi de personnaliser leurs produits achetés en boutique ou encore repartir avec des goodies.
Par ailleurs, les marques peuvent se reposer sur les données collectées via les applications de fidélité pour proposer des expériences sur-mesure, renforçant ainsi l’attachement émotionnel et la fidélité.
Enfin, d’autres enseignes misent sur leur engagement écologique pour montrer qu’elles sont en phase avec les préoccupations des jeunes générations. Elles peuvent mettre en avant leurs efforts pour réduire leur impact sur l’environnement ou proposer des ateliers de réparation, des articles de seconde main comme Decathlon ou Zalando, des ventes en vrac comme chez Carrefour ou Delhaize. Des engagements écoresponsables qui participent à redonner du sens à l’achat aux yeux des consommateurs.
Phygital, social commerce et multicanal : vers un commerce intégré
Mais ce renouveau suffira-t-il à contrer la progression d’Internet ? “Il faut arrêter d’opposer les deux“, tranche Arnaud Gallet. “Aujourd’hui, on doit penser les magasins physiques et Internet de manière complètement intégrée. Il ne s’agit plus d’opposer e-commerce et retail physique, mais de construire des passerelles entre les deux. Le magasin ne disparaît pas, il s’enrichit.”
Selon lui, le bon modèle repose sur une stratégie omnicanale, capable de capitaliser sur le meilleur des deux mondes. D’autant que la véritable concurrence ne vient pas uniquement de l’e-commerce traditionnel, mais aussi des nouvelles formes de “social commerce”, intégrées directement aux parcours des réseaux sociaux.
Des plateformes comme TikTok Shop ou Instagram Shopping modifient les usages en intégrant l’acte d’achat au sein même de l’influence. Certaines enseignes, comme IKEA, expérimentent déjà ce potentiel via des collaborations avec des créateurs de contenu ou des événements immersifs en magasin.
Face à la montée des pure players, la meilleure réponse reste la réinvention. En apportant un supplément d’âme, en créant des expériences uniques et en misant sur un engagement client sincère, les enseignes peuvent répondre aux attentes d’une nouvelle génération en quête de sens, d’interactions et de personnalisation.