IA, ovosexage et fin du cruel broyage des poussins mâles

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Dans le monde de l’œuf, hormis les quelques coqs gardés pour la reproduction, les mâles sont superflus. On s’en débarrasse donc. Et souvent de façon cruelle. Pourtant il existe une manière pour de découvrir le sexe dans l’oeuf.

Un flash de lumière sous la coquille d’œuf et la machine détermine le sexe de l’embryon. Dans les couvoirs français, les éclosions de poussins mâles, incapables de pondre comme leurs “soeurs”, se raréfient: ils étaient auparavant broyés, une pratique interdite par l’Allemagne en 2022 et par la France cette année.  Dans une salle aux murs blancs, des employés approchent les chariots remplis d’œufs d’une espèce de caisson en inox. Un robot décharge les œufs à l’entrée de la ligne automatisée.  Au 13e jour d’incubation (sur 21), les œufs sont brièvement éclairés par en-dessous et l’intelligence artificielle passe à l’action.  “Le spectre de l’image est analysée par ordinateur. La coquille reste intacte, il n’y a aucun risque de contamination bactérienne”, décrit Anke Förster, de l’entreprise allemande AAT (groupe EW), à des journalistes lors d’une visite organisée par l’interprofession de l’œuf (CNPO).

Des ventouses bleues saisissent les œufs et les séparent en fonction des ordres de l’algorithme. Les embryons femelles vont regagner l’incubateur pour éclore une semaine plus tard. Les œufs clairs (non fécondés) et ceux contenant des mâles, détruits, seront transformés en nourriture pour animaux. La machine développée par AAT, baptisée Cheggy, permet d’analyser 20.000 œufs par heure. Le couvoir Lohmann (également filiale du groupe EW), en Vendée (ouest), en compte deux et prévoit d’en installer une troisième pour “sexer” jusqu’à 60.000 œufs par heure.

Une question de plumes

Le couvoir est l’un des cinq établissements français spécialisés dans la fourniture de poussins femelles, les futures poules pondeuses. Dans le monde de l’œuf, hormis les quelques coqs gardés pour la reproduction, les mâles sont superflus, les poules produisant sans eux 1.500 milliards d’œufs non fécondés par an pour nourrir les humains. Leurs “frères” sont donc éliminés après éclosion, généralement par broyage, une pratique que l’Allemagne et la France ont interdite respectivement en 2022 et 2023.  Le problème ne se pose pas dans la production de viande de poulet: mâles et femmes sont élevés ensemble et abattus avant maturité sexuelle.

Que sur les poules rousses

Mais la technologie AAT ne fonctionne que sur les poules rousses, qui représentent 85% de la production française. Chez ces volailles, la sélection a abouti à des mâles blancs. La machine décèle cette différence sur les premières plumes de l’embryon en formation. Le couvoir montre une caisse de poussins à peine éclos: quelques oisillons au duvet blanc, des mâles, que la machine n’a pas repérés (elle est fiable à plus de 96%). Ils seront éliminés par gazage au CO2 et finiront dans les zoos pour alimenter rapaces et reptiles. C’est aussi le sort des mâles des poules blanches. Une dérogation permet de continuer à les éliminer après éclosion, la profession et le gouvernement français ayant considéré que la technologie n’était pas assez mature, et trop coûteuse, les concernant.

Un employé sélectionne les oeufs dans un élevage en Chine

IRM

Deux couvoirs français peuvent toutefois “sexer” les poules blanches.  Ils ont investi dans une technologie fonctionnant avec l’imagerie par résonance magnétique (IRM), proposée par la société allemande Orbem. Elle repère les ovaires et les testicules des futurs poussins, permettant de les trier quelle que soit la couleur des plumes. Mais la cadence est bien moindre: 3.000 œufs par heure par machine. Orbem suggère d’installer plusieurs IRM pour augmenter la capacité de sexage.  Bénédicte Lanckriet, cadre du couvoir Lanckriet, en Picardie (nord) qui en a deux, est heureuse de compter parmi les “précurseurs” de l’ovosexage: “Broyer des animaux, c’est une aberration. Désormais, on ne fait éclore que ce dont on a besoin.”

Elle préfère ne pas donner le montant de l’investissement: “On bouffe des sous avec ça, ce n’est pas rentable du tout, il faudrait que ce soit obligatoire dans toute l’Europe” pour que la demande de poules ovosexées augmente. Pour le consommateur, le surcoût n’est pourtant que de trois centimes pour six oeufs, selon la profession.

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