Divorce: comment aboutir à un contrat équilibré ?
Un divorce n’est jamais une partie de plaisir. Pour autant, cette rupture ne doit pas nécessairement se terminer par une bataille de procédure pénible et – surtout – chère. En cas de divorce par consentement mutuel, les deux parties se concertent pour aboutir à un accord. Un contrat équilibré couvre de très nombreux aspects et requiert bien souvent l’intervention d’un spécialiste. Quels en sont les principaux points ?
Selon les chiffres du SPF Economie, le nombre de divorces dans notre pays a baissé d’environ 20 % ces 10 dernières années : de 30.840 en 2005 à 24.414 en 2015. En 2007, le législateur a profondément modifié la loi sur les divorces. Coïncidence ? Un an plus tard, le nombre de divorces culmine à 35.366. Mais il accuse depuis une baisse quasi ininterrompue. Selon la réforme de 2007, il n’existe plus désormais que deux manières de divorcer : le divorce par consentement mutuel (DCM) et le divorce pour désunion irrémédiable (DDI).
Ce dernier cas est, comme pour le consentement mutuel, traité par le tribunal de la famille, qui prononce un jugement sur les conventions concernant les enfants, les propriétés et les pensions alimentaires. On parle alors souvent d’un divorce ” difficile “.
Dans le cas d’un consentement mutuel, les deux parties tentent de se concerter pour aboutir à un accord. Elles peuvent, pour cela, faire appel aux services d’un notaire ou d’un médiateur agréé. La procédure est ensuite introduite au tribunal de la famille. Celui-ci s’assure que les conventions signées par les époux ne sont pas contraires à l’intérêt des enfants et, sans statuer sur le fond, prononce le divorce.
Dans la pratique, la procédure pour le consentement mutuel dure de deux mois et demi à quatre mois. ” Nous débutons toujours par un entretien exploratoire, de préférence en présence des deux parties, où sont abordés les divers aspects à prendre en compte, explique Eric De Corte, conseiller en divorce et médiateur agréé. Et on constate souvent à ce stade la persistance de certains mythes. Au cours des entretiens qui suivent, on développe le projet de convention. ” Une fois les conventions signées par les deux parties, la procédure est introduite auprès du tribunal. Depuis le 1er mai 2017, le droit de rôle s’élève à 140 euros.
Lorsque les époux sont séparés depuis moins de six mois, ils doivent comparaître devant le tribunal à une reprise. S’ils sont séparés depuis plus de six mois, ils ne doivent normalement pas comparaître. Le divorce est définitif au moment de la transcription du jugement dans le registre de la population de la commune où le mariage a été célébré.
Les deux parties peuvent déterminer librement ce qu’elles intègrent dans leur accord de divorce par consentement mutuel, la loi imposant néanmoins certaines exigences minimales. Ce type de divorce doit toujours comporter une convention parentale qui règle les modalités d’exercice de l’autorité parentale après le divorce. Il englobe généralement les six aspects suivants.
1. Une convention parentale
La convention parentale comprend trois clauses distinctes :
L’exercice conjoint de l’autorité sur la personne des enfants. Il s’agit ici des questions concernant le choix de l’établissement scolaire, des activités de loisirs, etc.
La convention d’hébergement. Il faut clairement spécifier les modalités d’hébergement des enfants, aussi bien en période scolaire que pendant les vacances. Il est aussi important de préciser l’alternance et le parent qui dépose/reprend les enfants à l’école, au sport, etc. ” Le juge exige une clarté absolue à ce sujet, mais nous conseillons toujours aux parties une certaine flexibilité dans la pratique. Il est d’ailleurs bon de prévoir une clause de révision car la situation peut évoluer à mesure que les enfants grandissent “, souligne Eric De Corte.
La répartition des frais. C’est au sujet des frais que perdurent les mythes les plus tenaces. Les gens ont entendu des amis ou connaissances évoquer certains montants qu’une partie doit payer à l’autre et s’en servent comme références, mais chaque situation est différente et demande une approche individualisée. Et il est au moins aussi important de déterminer avec précision les frais à prendre en compte. D’un côté, il y a les frais liés à l’hébergement comme la nourriture et les boissons, et de l’autre, les frais qui n’y sont pas liés comme les vêtements, le coiffeur ou les abonnements GSM. A ces dépenses ordinaires viennent s’ajouter des frais exceptionnels, comme l’inscription à l’université, des soins médicaux particuliers (appareil dentaire), un voyage scolaire à l’étranger ou un stage sportif. Il est recommandé de conclure des accords précis à ce sujet.
Pour le paiement des frais ordinaires, une pratique courante consiste à utiliser un compte enfant. Il s’agit d’un compte sur lequel les deux parties ont une procuration et une carte de banque. En général, les allocations familiales et d’études sont versées sur ce compte et les deux parties y contribuent en proportion de leurs revenus cumulés. ” Cette notion doit être interprétée de façon large car il s’agit non seulement du salaire net, mais aussi d’autres composants de la rémunération tels qu’un 13e mois, une voiture de fonction, des chèques repas ou des écochèques, note Eric De Corte. S’y ajoutent éventuellement d’autres sources de revenus comme la perception de loyers. Enfin, il y a aussi tout le volet fiscal. Le parent qui a les enfants à charge remarquera un impact certain sur ses impôts. Il existe, en cas d’hébergement égal, la possibilité d’une coparenté fiscale : les enfants sont à charge d’un parent, mais les avantages fiscaux sont répartis entre les deux parties. ”
Le choix du domicile légal chez l’un ou l’autre des parents n’est pas sans conséquences. Bien sûr, toute correspondance officielle sera envoyée à cette adresse, mais il y a plus : le parent qui occupe un logement en tant que propriétaire ou locataire et dont le ménage comprend au moins deux enfants (ses propres enfants) ou une personne handicapée a droit à une réduction du précompte immobilier pour cette habitation. Il peut aussi bénéficier d’une réduction sur la facture d’eau, étant donné que la société de distribution tient compte du nombre de personnes domiciliées. S’agissant du précompte immobilier comme de la facture d’eau, ces réductions peuvent faire économiser quelques centaines d’euros chaque année.
2. Les biens mobiliers
Cette partie concerne le partage des biens mobiliers et financiers. Il s’agit notamment des comptes à vue et d’épargne, des placements (actions, obligations, etc.), des meubles, des véhicules (y compris les cycles), etc. Le règlement des dettes fait naturellement partie de ce partage, mais il faut aussi traiter la question de la pension légale. ” Une femme qui s’est occupée de sa famille pendant 15 ans, par exemple, ne bénéficie pas de droits à la pension pour cette période. Et il n’est pas facile pour elle de réintégrer le marché du travail. On peut, sur ce point, prévoir une compensation “, précise Eric De Corte.
3. Les biens immobiliers
En cas de divorce, les deux époux doivent trouver une solution pour l’habitation conjugale qu’ils possèdent. Il y a plusieurs possibilités. Pour tout transfert de propriété d’un bien immeuble, l’acte notarié est obligatoire, vu qu’il doit être transcrit au bureau des hypothèques.
A. Vente de l’immeuble. Si la vente est faite à un tiers, les deux parties au divorce doivent rembourser la dette hypothécaire. Le solde est alors divisé selon une clef de répartition choisie en commun.
B. Transfert à l’une des parties. Un des époux rachète l’habitation. Il verse à l’autre une contrepartie et prend à sa charge le remboursement de l’emprunt hypothécaire. Mais tout n’est pas réglé pour autant, puisque l’administration va réclamer son dû en exigeant le paiement d’un droit de partage qui s’élève à 1 % de la valeur vénale (le prix de vente normal) de l’immeuble. Ce à quoi s’ajoutent les frais de notaire et d’acte. Autrement dit, pour un immeuble de 300.000 euros, on payera 3.000 euros de droit de partage plus 3.163 euros de frais de notaire et d’acte.
C. Rester en indivision. Garder l’immeuble en indivision est le plus souvent une solution temporaire, pour laquelle il convient néanmoins d’établir des accords détaillés. Qui y habite ? Qui rembourse l’emprunt hypothécaire ? Qui paie le précompte immobilier ? Qu’en est-il des frais en cas de travaux urgents ? Si le bien est situé en Flandre, il est important de bien définir la durée de l’indivision dans la convention de façon à limiter le droit de partage à 1 %, car si cela n’est pas fait correctement, ce dernier peut monter à 2,5 %.
D. Donation aux enfants. C’est une possibilité théorique qui ne se rencontre que rarement dans les faits. C’est une option coûteuse et qui soulève de multiples questions en rapport avec l’usufruit, le paiement des frais, etc.
4. Les droits de succession
Il faut généralement quelques mois pour qu’un divorce soit prononcé de manière définitive. Dans cette période intermédiaire, en cas de décès d’un des époux, l’autre ne devrait en principe pas conserver le droit à l’héritage. Il est recommandé d’inclure dans le divorce une clause pour ce cas spécifique.
5. Les sociétés
Lorsque l’un des époux a constitué une société en étant marié suivant le régime légal ou celui de la communauté des biens, cela doit être pris en compte dans le cadre d’un divorce. L’autre époux a en effet droit à la moitié de la valeur des parts détenues par le premier.
6. La pension alimentaire
Il existe un devoir d’assistance entre époux, qui ne disparaît pas après le divorce. Le législateur a prévu la possibilité qu’un des époux verse une contribution mensuelle à l’époux économiquement faible. Pour établir le montant de cette contribution, le juge apprécie l’état de nécessité de l’époux en situation difficile. Il n’existe pas de formule toute faite et chaque juge de la famille applique son propre système.
Dirk Van Thuyne
Les deux parties peuvent déterminer librement ce qu’elles intègrent dans leur accord de divorce par consentement mutuel, la loi imposant néanmoins certaines exigences minimales.
Si la vente de la maison est faite à un tiers, les deux parties au divorce doivent rembourser la dette hypothécaire.
Dès que le noeud est définitivement coupé, ne tardez pas à informer votre banquier de votre divorce. Cela peut vous éviter de très désa- gréables surprises côté finances.
Tant que les deux époux ont procuration sur le compte commun, ils peuvent chacun retirer de l’argent à leur guise. Il est donc extrêmement important de mettre fin le plus tôt possible à cette procuration mutuelle. Cela peut se faire unilatéralement. Dès lors, il faudra toujours la signature des deux époux pour effectuer une opération sur le compte commun. Cela implique que plus aucune opération ne sera possible en ligne ou via d’autres canaux numériques.
Les cartes de débit et de crédit
Demandez à la banque de révoquer toutes les cartes de débit et de crédit. Seules les dépenses préalablement autorisées seront alors réglées. Là encore, il importe d’annuler la procuration mutuelle car sinon, un des époux pourrait demander une nouvelle carte de débit ou de crédit sans avoir besoin de l’accord de l’autre titulaire.
Les comptes des enfants mineurs
Les deux parents doivent gérer les avoirs des enfants mineurs en “bon père de famille” et dans l’intérêt exclusif des enfants. Tant qu’elle n’est pas informée du divorce, la banque part du principe que l’intervention d’un des parents suppose l’accord du conjoint. Dès que le conflit entre les parents lui est notifié par écrit, elle exigera les deux signatures pour chaque transaction.
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