Bientôt tous des investisseurs ?

Muriel Lefevre

La Commission européenne a présenté sa stratégie de “littératie financière”, un vaste programme destiné à transformer les citoyens européens en épargnants et investisseurs plus avisés.

Bruxelles sait que les Européens épargnent beaucoup mais investissent trop peu. Et comme l’inflation grignote leur capital, la Commission européenne souhaite faire de chaque Européen un investisseur. Pour y parvenir, elle entend renforcer la culture financière des citoyens et rendre les comptes-titres plus attractifs.

Une stratégie en quatre piliers

La Commission européenne a élaboré une stratégie articulée autour de quatre axes complémentaires.

Le premier pilier mise sur la coordination et le partage de bonnes pratiques entre États membres, facilitant l’apprentissage mutuel des initiatives nationales et internationales qui ont fait leurs preuves en matière d’éducation financière.

Le deuxième volet prévoit le lancement d’une vaste campagne d’éducation financière dans toute l’Union européenne pour sensibiliser et former les citoyens aux enjeux financiers.

Le troisième pilier est consacré au suivi et à l’évaluation, avec des enquêtes régulières pour mesurer les progrès accomplis.

Enfin, le quatrième pilier concerne la mobilisation des ressources : la Commission encourage activement les États membres à utiliser les instruments de financement européens existants pour soutenir les initiatives d’éducation financière et la recherche dans ce domaine.

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Protéger et optimiser l’épargne

L’objectif est d’aider les citoyens à prendre des décisions financières judicieuses pour améliorer leur bien-être, leur sécurité financière et leur indépendance. Il s’agit de leur permettre d’éviter les escroqueries et fraudes, mais aussi d’économiser plus efficacement en obtenant de meilleurs rendements sur leur épargne. Maria Luís Albuquerque, commissaire aux services financiers, insiste : “Il faut que les citoyens aient des possibilités de mettre leurs économies au travail.”

Un enjeu de compétitivité européenne
Bruxelles ne vise pas seulement les intérêts des épargnants : l’objectif est aussi de renforcer la compétitivité de l’Union européenne en orientant davantage d’épargne dormante vers les entreprises. L’idée est de mobiliser le capital nécessaire à la croissance du continent face à la concurrence mondiale. D’autant que plus de capitaux investis profitent non seulement aux entreprises, mais aussi aux pouvoirs publics et aux épargnants. Cela stimule la prospérité et contribue à réduire les tensions sur le financement des retraites.

Des comptes d’investissement plus accessibles

Au cœur de la stratégie figure la création d’un plan européen pour rendre les comptes d’épargne et d’investissement plus accessibles. Les citoyens pourront recourir aux SIA (comptes fournis par des prestataires de services financiers agréés, y compris en ligne) pour investir dans des instruments des marchés des capitaux. Wopke Hoekstra, commissaire européen au climat et à la croissance propre, souligne que des incitatifs fiscaux peuvent encourager les citoyens à investir dans des produits à rendement plus élevé, renforçant ainsi la compétitivité et mobilisant du capital pour la croissance.

La Belgique face aux défis financiers

Cette initiative répond à un constat alarmant : moins d’un cinquième des citoyens de l’UE possèdent un niveau élevé de connaissances financières, selon l’Eurobaromètre 2023, avec de grandes disparités entre les États membres. Et dans ce domaine, la Belgique ne brille pas forcément.

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Si, selon Deloitte Belgique, l’épargne progresse et la gestion des factures s’améliore, les compétences financières demeurent limitées. Moins d’un Belge sur trois répond correctement aux trois questions de base sur la gestion de l’argent, seuls 23 % maîtrisant la planification et 32 % disposant de compétences suffisantes. Les jeunes de moins de 35 ans et les célibataires restent les plus exposés.

Des disparités régionales et sociales persistantes

Il existe aussi des différences régionales. En Wallonie, 27 % des ménages sont en mauvaise santé financière (contre 40 % en 2022) et 11 % en bonne santé (5 % auparavant). À Bruxelles, ces chiffres sont de 23 % et 18 %, tandis qu’en Flandre, 22 % sont en bonne santé et 21 % en mauvaise santé.

Et contrairement à ce que l’on pourrait croire la vulnérabilité ne touche pas uniquement les revenus modestes : la hausse des prix et l’inflation ont mis en évidence la fragilité d’une partie de la classe moyenne belge. L’inclusion financière reste également un enjeu, avec la diminution du nombre d’agences bancaires et la généralisation des services numériques, laissant de côté les publics moins familiers avec ces outils.

Des outils pour renforcer la littératie financière

On notera tout de même que la Belgique n’est pas complètement démunie puisque plusieurs initiatives existent pour améliorer les compétences financières, comme la plateforme WikiFin de la FSMA ou les programmes d’éducation budgétaire de certaines banques comme Argenta. Mais ces outils restent encore sous-utilisés par les publics les plus fragiles, souvent les moins informés.

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