François Lecomte (Belfius Asset Management): “Une grosse partie de l’épargne des Européens va s’investir aux États-Unis”
CEO de Belfius Asset Management, François Lecomte se félicite de la forte croissance enregistrée par le pôle gestion d’actifs du bancassureur belge et nous livre sa vision de l’industrie à l’heure des normes ESG et de la réélection de Donald Trump.
Àla tête du pôle gestion d’actifs de Belfius, François Lecomte a toutes les raisons d’avoir le sourire. Depuis son arrivée comme patron de l’entité et une réorganisation entamée voici trois ans, le CEO de Belfius Asset Management a vu ses équipes tripler pour totaliser aujourd’hui 80 experts en investissement, dont une partie qui s’occupe des avoirs de plus de 400.000 clients particuliers de Belfius, soit environ 25 milliards d’euros. Quant aux actifs confiés par les clients fortunés du groupe Belfius, ils ont doublé pour dépasser désormais les 10 milliards d’euros et sont gérés par une trentaine de gestionnaires. “C’est une croissance très rapide, avec une culture entrepreneuriale et dynamique, ce qui attire beaucoup de talents. Grâce à ces chiffres, nous sommes un des trois plus gros asset managers avec une licence belge”, plante comme décor François Lecomte.
Si toutes les équipes sont basées à Bruxelles, et en prise directe avec les clients, Belfius Asset Management garde néanmoins une vision internationale, grâce notamment à ses partenariats avec plusieurs asset managers de renommée mondiale, en particulier Candriam, BlackRock et Kepler Chevreux. “Nos convictions d’investissement sur les marchés sont élaborées dans nos équipes à Bruxelles, mais nous les confrontons aux avis pointus des meilleurs experts mondiaux, dans chaque géographie et chaque classe d’actifs, explique François Lecomte. Il existe deux règles d’or en gestion d’actifs pour des performances régulières. D’abord, un processus de décision clair et utilisant l’intelligence collective. C’est sur ce principe que notre modèle est construit. Et ensuite beaucoup d’humilité, car l’excès de confiance est dangereux en matière d’investissement.”
Investir de manière ESG
Ces chiffres en forte croissance n’empêchent cependant pas François Lecomte de rester aux aguets. “La gestion d’actifs est un marché en grande évolution, souligne-t-il en ce sens. Notre conviction et priorité dans un portefeuille, c’est d’avoir les bons équilibres entre les régions et classes d’actifs. Par rapport à nos parents et grands-parents, nos portefeuilles sont en général plus diversifiés. Il y a 30 ans, on investissait parfois exclusivement dans les actions de ‘bon père de famille’ en Belgique. Cela permettait de financer l’économie belge avec l’épargne belge. Aujourd’hui, les portefeuilles sont mondiaux. C’est un progrès pour les investisseurs qui bénéficient de plus de diversification. Par contre, cela nuit aux investissements belges. Une grosse partie de l’épargne des Européens va servir à investir aux États-Unis, notamment à New York.”
Le CEO de Belfius Asset Management cite à ce propos l’exemple de l’indice MSCI World All Country (l’indice représentant les grandes sociétés mondiales) qui est composé à 65 % d’actions américaines et d’environ 15 % d’actions européennes. “Et donc de très peu d’actions cotées sur Euronext Bruxelles, dit-il. Cela veut dire que sur 100 euros investis dans cet indice, 65 partent immédiatement aux États-Unis. La Belgique a pourtant besoin d’investissements, il y a beaucoup de projets.”
Dans un autre registre, François Lecomte signale également les évolutions constantes en matière d’investissement durable. “D’après la littérature scientifique, investir de manière ESG (Environmental Social Governance, ndlr) n’implique pas nécessairement un coût financier supplémentaire, prolonge le CEO de Belfius Asset Management. Certes, investir de manière ESG mène à un biais d’investissement : pas de défense, moins de pétrole, plus d’industries en croissance telles les énergies éoliennes. Mais sur les 10 dernières années, investir ESG n’a pas généré de sous-performance, même si en 2022 et 2023, la guerre en Ukraine a temporairement favorisé les secteurs pétrolier et de la défense.”
On ne peut pas toujours compter sur les Américains. L’Europe doit être beaucoup plus innovante, entrepreneuriale et voir plus grand.
François Lecomte
CEO de Belfius Asset Management
François Lecomte note à ce propos que les positions des autorités et des banques européennes sont en train d’évoluer sur le secteur de la défense. à ses yeux, on passe d’une approche restrictive à une approche plus ouverte, dans laquelle on considère que l’armement peut aussi être positif dans la mesure où il protège les démocraties. “Plus généralement, les sujets ESG sont en constante évolution, en lien avec les enjeux de société, ajoute-t-il. Belfius fixe son cap, basé sur ses valeurs et son “compas moral”, en sachant que toutes les opinions existent. L’important c’est d’être transparent. Notre politique ESG est disponible publiquement sur notre site internet.”
En fait d’évolutions notables, François Lecomte souligne également l’essor de la finance comportementale. “On perçoit la finance comme une science exacte, avec des modèles complexes. Et ces modèles existent. Néanmoins, les décisions d’achat et de vente restent des décisions humaines. Ces décisions sont influencées par nos biais comportementaux et nos émotions du moment, conscientes ou inconscientes. C’est cela la finance comportementale, en plein développement et avec deux prix Nobel ces 20 dernières années. Ces biais et ces émotions peuvent coûter très cher à certains investisseurs, par exemple l’investisseur qui panique et qui liquide son portefeuille dès que les marchés sont volatils. Nous avons tous des biais, mais la première chose est d’être conscient des siens. Nous examinons actuellement, au sein de Belfius Asset Management, quels outils nous pourrions développer pour aider nos clients.”
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Le come-back de Trump
Bien évidemment, François Lecomte évoque aussi la réélection de Donald Trump comme game changer. Elle aura forcément des conséquences pour les investisseurs : “Globalement, l’élection de Trump est plutôt une mauvaise nouvelle pour le reste du monde, notamment à cause de la mise en place possible de barrières douanières. Les marchés européens ont d’ailleurs réagi négativement, contrairement aux marchés américains. Et en particulier les plus petites sociétés, car elles bénéficieront de l’économie américaine – le focus de Trump – et aussi de la baisse attendue des impôts des sociétés. Les petites et moyennes capitalisations américaines, c’est un secteur que nous apprécions particulièrement chez Belfius Asset Management.”
En parallèle, ajoute François Lecomte, c’est un wake-up call pour l’Europe : “On ne peut pas toujours compter sur les Américains. L’Europe doit être beaucoup plus innovante, entrepreneuriale et voir plus grand. Elle doit investir. Pour se défendre, mais aussi dans ses infrastructures et dans les industries futures. Une vraie opportunité, c’est de développer en Belgique des champions industriels dans le domaine de la transition énergétique. Cela va créer de l’emploi et de la prospérité. Ça va aussi nous aider à réduire nos émissions de CO2. Et si ces champions belges peuvent exporter, cela nous permettra d’avoir un impact international pour la planète. À l’inverse, si le sujet de la transition énergétique reste uniquement un sujet de coûts et de sacrifices, cela sera beaucoup plus difficile”, avertit François Lecomte.
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Belfius Asset Management
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Siège social:
Brussel
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Secteur:
Beursvennootschappen en beleggingsadvies