Assurances: pourquoi le vélo et la trottinette électrique sont dans le brouillard

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Une assurance contre le vol, une assistance en cas de panne… Tout ça, c’est bien beau, mais quid en cas de collision entre un vélo ou une trottinette électriques et un piéton ou une voiture ? “Eh bien, c’est là que ça se corse”, nous résume un avocat.

En 2018, les ventes de vélos électriques, ou e-bikes, ont dépassé le demi-million en Belgique. Ce moyen de transport n’a eu de cesse de gagner en popularité ces dernières années, surtout en Flandre. Et dans des villes comme Anvers et Bruxelles également, les trottinettes électriques fleurissent partout. Cependant, les utilisateurs de ces deux moyens de transport et des autres moyens alternatifs feraient bien de vérifier s’ils sont suffisamment assurés.

Risque d’accident grave

Comme il permet de rouler plus vite et de parcourir de plus longues distances, le vélo électrique présente un risque d’accident grave plus important que le vélo traditionnel. Aussi, sur les 7.420 accidents corporels impliquant au moins un vélo enregistrés par la police belge au cours des neuf premiers mois de 2018, 1.045 concernaient un vélo électrique, et 45 un speed pedelec (vélo électrique rapide capable d’atteindre 45 km/h). La majorité de ces accidents avec des vélos électriques (986) ont eu lieu en Flandre.

” Nous ne disposons d’aucune statistique concernant les accidents impliquant des engins tels que des trottinettes et monocycles électriques, hoverboards ou gyropodes “, indique Stef Willems, porte-parole de l’Institut Vias (qui s’appelait jusqu’il y a peu l’Institut belge pour la sécurité routière). Précisons qu’un monocycle est constitué d’une roue alimentée par un moteur, placée entre les jambes de l’utilisateur. Un hoverboard est une planche motorisée munie de deux roues que l’utilisateur dirige en inclinant son corps dans l’une ou l’autre direction. Quant au gyropode (dont le premier modèle fut baptisé Segway), il se présente lui aussi sous la forme d’une planche, sauf que celle-ci est dotée d’un manche de maintien.

Il y a un décalage entre les intentions des responsables politiques et la législation sous sa forme actuelle.” – Wauthier Robyns, porte-parole d’Assuralia

Stef Willems ajoute que les statistiques sous-estiment le nombre d’accidents avec des vélos, puisque la police n’est pas toujours appelée sur place. Selon les données fournies par les hôpitaux, le nombre de blessés graves serait en réalité cinq fois supérieur à ce qu’indiquent les statistiques d’accidents. Les premières statistiques relatives aux accidents impliquant des speed pedelecs ne datent que de la mi-2017. ” Il faut trois à quatre ans avant de pouvoir tirer des conclusions, souligne Stef Willems. Et en l’occurrence, il convient aussi de tenir compte de la période de régularisation, arrivée à terme le 10 décembre 2018, pour les speed pedelecs achetés avant 2014. Il se pourrait donc très bien que des accidents impliquant des speed pedelecs survenus l’année dernière n’aient pas été recensés dans la base de données. ” Précisons que Stef Willems estime à 10.000 le nombre de speed pedelecs en circulation dans notre pays.

Toujours selon Stef Willems, 85 à 90 % des accidents corporels de cyclistes n’impliquaient pas d’autre usager de la route. Dans un tel cas, le cycliste accidenté peut faire appel à sa mutuelle et éventuellement à une assurance hospitalisation. Et lorsque l’accident survient sur le trajet vers le lieu de travail, l’assurance accidents de travail peut elle aussi intervenir. Stef Willems insiste sur l’importance des formations qui apprennent aux utilisateurs à anticiper la distance de freinage, à virer correctement et à monter et descendre de vélo en toute sécurité, sans oublier la sensibilisation au port du casque pour prévenir les blessures à la tête.

Wauthier Robyns, porte-parole d'Assuralia
Wauthier Robyns, porte-parole d’Assuralia© PG

Formulaire rose

Depuis le 1er octobre 2016, le port du casque est obligatoire pour tous les utilisateurs de speed pedelecs. Ils doivent également disposer d’un permis de conduire et se procurer une plaque d’immatriculation auprès de la Direction pour l’immatriculation des véhicules (DIV). Par ailleurs, depuis la même date, l’âge minimal requis pour rouler avec un vélo électrique d’une puissance de 250 W ou plus est de 16 ans, que le vélo puisse ou non dépasser les 25 km/h.

Lors de la vente d’un speed pedelec, le vendeur doit aujourd’hui remettre à l’acheteur le formulaire rose de demande d’immatriculation ou une déclaration indiquant qu’il n’a pas encore enregistré le véhicule à la DIV. L’utilisateur doit ensuite remettre ce formulaire à son assureur ou son courtier. Le site du SPF Mobilité indique qu’une assurance en responsabilité civile (RC) n’est obligatoire que pour les deux-roues équipés d’un moteur capable de fonctionner de manière autonome sans devoir pédaler.

Filip Demyttenaere, porte-parole du courtier en assurances Callant, confirme qu’aucune vignette d’assurance ne doit être collée sur le formulaire rose d’un speed pedelec si celui-ci ne fonctionne qu’avec une assistance au pédalage. ” Le client peut remplir lui-même le formulaire de demande d’immatriculation et l’envoyer à la DIV. Aucune assurance RC supplémentaire n’est requise pour les vélos de ville ou les vélos électriques. ” Selon Filip Demyttenaere, les speed pedelecs sont ” généralement ” couverts par l’assurance familiale, même s’il est toujours préférable de le vérifier auprès de son assureur.

En effet, l’avocat Stéphane Vereecken, associé chez Charlier Advocaten, spécialisé dans le droit des responsabilités et des assurances, fait remarquer que tout le monde est loin de disposer d’une assurance familiale. ” L’assurance familiale n’est pas obligatoire, contrairement à l’assurance RC pour véhicules automoteurs “, explique-t-il. Quant à savoir quels sont les moyens de transport qui tombent sous la définition de véhicules automoteurs, voilà qui a été source de confusion ces derniers mois.

Assurances: pourquoi le vélo et la trottinette électrique sont dans le brouillard
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Responsabilité civile (RC)

Wauthier Robyns, porte- parole d’Assuralia, l’union professionnelle des entreprises d’assurances, met en garde : il existe un décalage entre ” les intentions des responsables politiques ” et ” la législation “. La semaine dernière, la députée européenne Anneleen Van Bossuyt (N-VA) publiait un communiqué de presse intitulé : ” Pas d’assurance européenne obligatoire pour les e-bikes “. Et en juin 2018, c’est un autre communiqué qui quittait le cabinet du ministre des Consommateurs Kris Peeters (CD&V) : ” Chaises roulantes électriques, monocycles électriques et speed pedelecs exonérés de l’assurance responsabilité civile obligatoire “.

Les responsables politiques veulent encourager l’utilisation des vélos et trottinettes électriques comme alternative à la voiture en balayant les éventuels écueils tels que l’assurance RC obligatoire pour les véhicules automoteurs. Toutefois, Wauthier Robyns fait abstraction des projets de loi et réformes des directives européennes et considère la loi concernant l’assurance RC obligatoire pour les véhicules automoteurs sous sa forme actuelle.

Dans cette loi, les véhicules automoteurs sont définis comme : ” les véhicules destinés à circuler sur le sol et qui peuvent être actionnés par une force mécanique “.

Pour Stéphane Vereecken et Wauthier Robyns, la loi est sans équivoque. Trottinette électrique, monocycle, gyropode, hoverboard, etc. : bref, tout engin qui implique d’appuyer sur un bouton ou d’enclencher un mécanisme et est capable de se mouvoir sans force musculaire constitue, aux yeux de la loi, un véhicule automoteur.

Protection renforcée

” Un vélo électrique doté d’un ’bouton piéton’ tombe lui aussi sous le coup de cette définition, souligne Stéphane Vereecken. Or ce n’est pas logique, estime-t-il, car il s’agit simplement d’une fonction permettant de rouler à 3 à 4 km/h afin de pouvoir grimper une côte en marchant à côté du vélo. ” Stéphane Vereecken comprend donc pourquoi Kris Peeters souhaite exonérer de la RC obligatoire les vélos électriques dotés d’un tel bouton, bien qu’il voie aussi émerger de nouveaux problèmes à cet égard. Mais soyons clairs : cette exonération n’existe pas encore dans les faits.

L’assurance RC véhicules automoteurs protège essentiellement les usagers faibles comme les piétons, les cyclistes et les passagers. ” Feu Jean-Luc Dehaene avait introduit le concept d’usager faible, précise Wauthier Robyns. En cas d’accident avec un véhicule automoteur, les dommages corporels de l’usager faible doivent toujours être indemnisés par l’assureur du conducteur dudit véhicule. Et ce, que le conducteur soit en tort ou pas. Jean-Luc Dehaene a fait d’une pierre deux coups : il a renforcé la protection des usagers faibles tout en allégeant la charge sur l’assurance maladie-invalidité, puisque ce qui est payé par les assureurs privés ne doit plus l’être par les mutuelles. ”

Les conducteurs de vélos électriques munis d’un bouton piéton ou d’un moteur autonome ne bénéficient pour l’heure pas de la même protection que les usagers faibles.

” Les dossiers en attente d’une solution s’empilent chez les avocats, précise Stéphane Vereecken. Il s’agit souvent d’accidents graves impliquant par exemple un speed pedelec et une voiture, pour lesquels l’assureur du conducteur de ce dernier refuse d’indemniser les dommages corporels prétextant que ce cycliste est un chauffeur d’un véhicule automoteur. Le problème, c’est que si on renforce la protection de cette catégorie d’usagers, on risque d’en délaisser une autre. C’est pourquoi je serais partisan d’un système en cascade, qui mettrait en place un genre de hiérarchie où le conducteur d’un speed pedelec serait considéré comme usager faible en cas d’accident avec une voiture, mais comme un usager fort s’il heurte un piéton. ”

Wauthier Robyns ajoute que prendre la route sans assurance RC n’est pas sans risque. ” Si le conducteur du vélo électrique est en tort, un piéton pourrait très bien exiger des dommages et intérêts devant le tribunal. ” La victime pourrait en effet exiger du tribunal qu’il condamne le cycliste à l’indemniser pour les dommages corporels subis. Et sans assurance RC ou assurance familiale assortie d’une couverture suffisante, le cycliste sera lui-même redevable du paiement des dommages et intérêts.

Stéphane Vereecken estime qu’il est grand temps de modifier plusieurs dispositions dans la législation relative à la RC obligatoire pour les véhicules automoteurs. Mais pour cela, il faudrait déjà un avant-projet de loi. ” J’ai cru comprendre que ce n’était pas la priorité du gouvernement en affaires courantes, ajoute-t-il. Je crains donc que ces modifications de la législation, attendues par tout le secteur de l’assurance, ne soient pas pour tout de suite. ”

Vol, dégâts matériels et assistance

Les assureurs classiques comme AG Insurance, KBC et Ethias proposent des assurances vélo. Il existe différentes formules. L’assurance Top Vélo d’AG Insurance couvre trois risques: assistance, vol et dégâts matériels. Chez Ethias, l’assuré choisit lui-même quelles garanties il souhaite souscrire (conducteurs et passagers, vol, dégâts matériels, assistance).

Touring propose une assurance assistance spéciale au prix de 45 euros par cycliste. L’assuré peut appeler 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour demander assistance en cas de problèmes mécaniques ou électriques, de crevaison, de vandalisme ou d’accident. L’assurance comprend trois interventions gratuites par an. Si le deux-roues ne peut être remis en état immédiatement, un patrouilleur spécialisé le transporte chez le réparateur et ramène le cycliste soit à son domicile, soit à sa destination prévue.

VAB offre l’option assistance vélo _ au prix de 31 euros _ uniquement à ses membres ayant souscrit une assurance vélo contre le vol et les dégâts matériels. La prime de l’assurance vélo dépend du prix d’achat et de l’âge du cycliste. Elle varie de 25 à 77 euros pour un nouveau vélo de ville d’une valeur de 2.000 euros à 384,99 euros pour un nouveau vélo électrique de 10.000 euros.

Mieux vaut lire attentivement les petits caractères à la signature du contrat. Certains assureurs vous obligent par exemple, en cas de déclaration de vol, à présenter la clé et la clé de réserve du cadenas. D’autres exigent une facture prouvant que le cadenas a coûté plus de 30 euros et/ou répond à certaines conditions. D’autres encore ne remboursent que si les deux-roues était attaché à un point fixe.

Certaines assurances d’assistance n’interviennent dans les frais médicaux supportés par le cycliste qu’à concurrence d’un certain montant, d’autres ne prévoient pas de plafond. La proportion des dégâts à charge de l’assuré et incombant à la compagnie d’assurance varie également d’une police à l’autre. La valeur reconnue du deux-roues volé peut également diverger. Et ainsi de suite. Autrement dit, comparez attentivement les différentes formules ou faites appel à un courtier.

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