Après la Silicon Valley, le Texas, nouvelle terre promise?
Connaissant une forte croissance démographique et économique, le Texas est “the place to be”, y compris pour Elon Musk. Le fondateur de Tesla a été à son tour séduit par Austin qui veut concurrencer la Silicon Valley.
Lorsque l’on évoque l’économie des Etats-Unis, les premières images qui viennent en tête sont le centre financier de New York, la Silicon Valley à San Francisco, voire les industries de la Rust Belt. Dans l’imaginaire, le Texas se résume souvent aux chevalets de pompage de pétrole perdus dans le désert. Pourtant, le Lone Star State, en référence à l’unique étoile présente sur le drapeau du Texas, vient de bousculer en quelques mois tout ce que les Etats-Unis comptent comme industries de référence. Coup sur coup, Hewlett Packard Enterprise, Oracle et Elon Musk (qui pourrait être suivi par Tesla) ont annoncé qu’ils allaient emménager dans l’Etat. Cette transhumance de la Silicon Valley vers le Texas en général, et Austin en particulier, interpelle.
Coup sur coup, Hewlett Packard Enterprise, Oracle et Elon Musk (qui pourrait être suivi par Tesla) ont annoncé qu’ils allaient déménager au Texas.
Moins de taxes
Greg Abbott, le gouverneur du Texas, ne fait pas de mystère sur les raisons qui poussent de grandes entreprises (technologiques) vers le Texas. “Alors que certains Etats chassent les entreprises avec des impôts élevés et des réglementations lourdes, dit-il, nous continuons de voir un raz-de-marée d’entreprises comme Oracle s’installer chez nous grâce à notre climat d’affaires favorable, à nos faibles impôts et à la meilleure main-d’oeuvre du pays.”
Le déménagement d’Elon Musk vers le Texas ne constitue d’ailleurs pas une surprise. Il s’était déjà emporté sur Twitter en mai dernier quand les responsables du comté d’Alameda contestaient la réouverture de sa principale usine de Fremont. “C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Tesla va déplacer son siège et ses futurs programmes au Texas/Nevada immédiatement. Le maintien de notre usine de Fremont dépendra de la façon dont Tesla sera traité à l’avenir. Tesla est le dernier constructeur automobile actif en Californie.”
Ecosystème technologique
De quoi faire d’Austin la nouvelle Silicon Valley? Evidemment, les deux environnements restent difficilement comparables. Cependant, Austin a des atouts à faire valoir, comme la qualité de vie, le climat, les prix abordables, le système scolaire et, évidemment, les taxes. WalletHub a même classé Austin comme la capitale américaine où la qualité de vie est la plus élevée. Elle se distingue tout particulièrement pour son taux de chômage, ses attractions et son pouvoir d’achat médian, ce qui tranche avec San Francisco où le développement de la Silicon Valley a fait flamber les prix. Selon les estimations, il faut gagner près de 200.000 dollars par an pour avoir les moyens de s’y offrir un logement.
Dans ces conditions, Austin parvient à mettre en place un véritable écosystème. Outre les déménagements de grands noms, de nombreux autres acteurs technologiques y sont de plus en plus présents. Rien qu’en 2019, Apple, Google, Facebook et Amazon – excusez du peu! – y ont développé leurs activités. Parmi les autres gros employeurs de la métropole, on retrouve Samsung, IBM, Intel, AMD, Dell et Whole Foods (chaîne de supermarchés bios rachetée par Amazon).
En 2018, Peter Thiel, un des premiers investisseurs de Facebook – notamment – et fondateur de Palantir, avait déjà rallié Austin. La présence d’entrepreneurs/investisseurs comme ce milliardaire germano-américain est cruciale pour soutenir et mettre en lumière les start-up locales.
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Croissance rapide
Illustration du développement rapide d’Austin: la capitale du Texas est la métropole américaine connaissant la plus forte croissance démographique. Entre 2010 et 2019, sa population a crû de 30% pour dépasser les 2,2 millions d’habitants. Parallèlement, le taux de chômage a baissé jusqu’à un plus bas de 2,5% avant la pandémie.
Derrière, c’est tout l’Etat qui connaît une croissance rapide. En 2019, WalletHub classait Austin (1er), Dallas (20e), San Antonio (24e) et Houston (39e) parmi les grandes villes américaines les plus dynamiques (économie, démographie, etc.). En 2020, le classement de l’ensemble des villes faisait la part belle aux plus petites villes texanes: Frisco, Round Rock, McKinney, Sugar Land, Midland et College Station étaient toutes dans le top 20 national. Sur la période analysée (2010-2019), Midland, ville moyenne des Grandes Plaines à mi-chemin entre Dallas et El Paso, affichait la plus forte croissance économique de tous les Etats-Unis avec une hausse du PIB réel (après inflation) par habitant de 10,28%.
En 2019, le Texas a connu une croissance globale de son PIB de 4,4%, la plus forte de tous les Etats américains.
Economiquement, le Texas a tourné la page du pétrole. En 2019, il a ainsi connu une croissance globale de son PIB de 4,4%, la plus forte de tous les Etats américains, après 4% en 2018. Avant que la pandémie n’éclate, le principal frein à la croissance texane semblait ainsi être une pénurie de main-d’oeuvre, ce qui a soutenu la hausse des salaires, en hausse de l’ordre de 4% par an ces dernières années.
Démographie dynamique
Evidemment, le Texas a souffert comme le reste du monde de la pandémie. Mais avec une population croissante et plus jeune (âge médian de 34,4 ans contre 37,8 ans pour les Etats-Unis et 41,5 ans pour la Belgique) ainsi qu’un véritable pôle technologique à Austin et des atouts économiques comme la formation ou les impôts réduits par rapport à d’autres Etats américains, le Lone Star State jouit de belles perspectives. Au point que certains prévisionnistes s’amusent à estimer quand il détrônera la Californie.
Avec un PIB de 1.900 milliards de dollars, le Texas est encore assez loin du Golden State (3.100 milliards) mais pourrait revendiquer la dixième place mondiale s’il était indépendant. Dans le cadre de sa stratégie Texas 2036, l’Etat veut continuer à croître plus rapidement que la moyenne (américaine) en continuant à attirer des entreprises d’autres states et des sociétés de venture capital à même de soutenir le développement des start-up locales grâce à un climat favorable aux affaires.
Comment investir?
Pour profiter de ces bonnes perspectives, vous pourriez miser sur les “nouveaux” texans comme Hewlett Packard Enterprise, Oracle ou probablement prochainement Tesla. Cependant, le gain à court terme sera plutôt limité. Pour les entreprises, les taxes locales sont bien moindres que l’impôt fédéral sur les bénéfices (21%) et sont le plus souvent calculées sur la base du chiffre d’affaires réalisé dans l’Etat. Un déplacement du siège n’aura donc pas de véritable influence comme l’a épinglé Hewlett Packard Enterprise lors de l’annonce de son déménagement.
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Fiscalement, ce sont toutefois surtout les salariés et propriétaires des entreprises qui peuvent y gagner le plus. Le Texas est un des sept Etats à ne pas avoir d’impôts sur les revenus en sus de l’imposition fédérale, soit un taux marginal effectif de maximum 39,02% contre 52,05% en Californie.
Pour les entreprises elles-mêmes, l’un des principaux arguments pour y déménager est surtout d’éviter les régulations qui pullulent dans de nombreux states américains, comme la surtaxe imposée à San Francisco aux entreprises dont l’écart de salaire entre le CEO et l’employé moyen est trop important.
Sociétés texanes
Mais pour réellement bénéficier des perspectives économiques favorables du Texas, mieux vaut miser sur des entreprises. L’ETF Texas ayant fait long feu (en raison de frais trop élevés notamment), vous n’aurez d’autre choix que de vous constituer votre propre portefeuille d’actions du Lone Star State. En voici une sélection hétéroclite, reflet de l’économie texane. Nous n’y avons pas repris le géant pétrolier Exxon Mobil, trop dépendant du prix du baril et pas assez de l’économie texane.
- Texas Instruments
On ne peut faire plus texan que le groupe fondé en 1930. Nous sommes nombreux à avoir utilisé ses calculatrices sur les bancs de l’école. Texas Instruments réalise toutefois la majeure partie de ses revenus dans les semi-conducteurs, et tout particulièrement les circuits intégrés analogiques. Avec une part de marché de 19%, Texas Instruments est leader mondial de ce segment qui profite notamment de l’utilisation accrue de semi-conducteurs dans l’industrie et l’automobile. A 30 fois les bénéfices, le titre n’est pas bon marché mais les analystes tablent sur une nouvelle vague de croissance à partir de cette année.
- Southwest Airlines
Trouble-fête du secteur aérien américain depuis près d’un demi-siècle, Southwest Airlines est le Ryanair américain. Comme le reste du secteur, la compagnie basée à Dallas a subi des pertes en 2020, mais contrairement à bien d’autres, ce sera une première pour Southwest. A 11 fois le bénéfice par action de 2018 (4,24 dollars) et 2019 (4,27 dollars), 16 analystes sur 19 recommandent le titre à l’achat. Southwest jouit toujours de perspectives favorables et devrait continuer de grappiller des parts de marché et consolider sa place de première compagnie aux Etats-Unis.
- Chuy’s Holdings
Chuy’s est une chaîne de restaurants tex-mex fondée à Austin. Selon les estimations, elle restera bénéficiaire en 2020 malgré la pandémie. En Bourse, le titre a entièrement effacé ses pertes, ce qui incite les analystes à une plus grande prudence (avis moyen de conserver). Mais le potentiel de développement est important pour la chaîne qui mise sur les produits frais. Ayant commencé à se développer hors du Texas en 2009, Chuy’s compte désormais 100 restaurants dans 19 Etats et bénéficierait évidemment d’une plus grande aura du Texas et d’Austin. A 33 fois les bénéfices prévus en 2021, Chuy’s est clairement un investissement de long terme.
- LGI Homes
Constructeur de maisons établi au Texas, LGI Homes est en première position pour profiter du développement démographique et économique du Lone Star State. Le titre a largement digéré la crise du coronavirus, mais reste assez bon marché à 10 fois les bénéfices. Son focus régional sur le sud des Etats-Unis devrait continuer de soutenir ses activités.
- Texas Capital Bancshares
Même si elle n’est pas uniquement active au Texas, cette banque indépendante se fait fort d’accompagner les petites et moyennes entreprises texanes. Texas Capital n’évite évidemment pas l’impact de la crise et des taux bas, mais devrait rester bénéficiaire en 2020 et cote 15 fois les bénéfices prévus en 2021.
- Etc.
On pourrait ajouter de nombreux noms à cette liste comme le géant des télécoms AT&T, le raffineur Valero Energy, le leader américain des déchets Waste Management, le grossiste alimentaire Sysco, le spécialiste des produits d’hygiène Kimberly Clark, l’opérateur de parcs d’attractions Six Flags, la biotech Reata Pharmaceuticals, la société Internet Match Group (Tinder) ou le concepteur de puces électroniques Cirrus Logic.
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