Le Cervin comme muse: Alpina n’oublie pas ses racines, même après 140 ans

The Matterhorn is a mountain in the Alps located between Valais, Switzerland and the Aosta Valley, Italy. It has a pyramid peak and is one of the highest summits in the Alps and Europe.

The great mountain is a world renowned landmark, a popular tourist destination and famous for mountaineering.
© Getty Images/iStockphoto

La marque de montres Alpina a célébré son 140e anniversaire dans son élément : les Alpes.

TEXTE / Ben Herremans

Le téléphérique se balance, tressaute et tremble et interrompt sa course de temps en temps. Il ballotte alors dans les airs, entre deux pylônes. À bord de la télécabine, on retient son souffle. Au fond de la vallée, on perçoit à peine, comme dans un vertige, la tache à laquelle s’est réduite Zermatt, village pittoresque et station de ski mondaine de Suisse, à la frontière de l’Italie et au pied du Cervin. Là, il se dresse, majestueux, comme une pyramide au milieu des montagnes. Le Cervin. Son sommet dissimulé dans les nuages. Mais ses flancs, alternance de glace et de roche, se dévoilent volontiers. En effleurant presque le Cervin, le téléphérique remonte
le Trockener Steg, que l’on appelle parfois
le Mini-Cervin. À 2 929 mètres d’altitude, la ­cabine termine sa course au terminus.

Autant que l’air raréfié, la vue sur le Cervin coupe le souffle. Avec ses 4 478 mètres, ce n’est pas le plus haut sommet des Alpes (le Mont-Blanc, par exemple, culmine à 4 809 mètres), mais c’est de loin le plus beau, avec son profil mythique. Une montagne trompeuse. Son aspect uni donne l’impression que son ascension est relativement facile, mais plus de cinq cents personnes y ont déjà perdu la vie. La plupart sont enterrés au cimetière de Zermatt. Au sommet du Trockener Steg se trouve le Centre de test du Cervin. C’est sur ce site que la marque de montres Alpina a réuni la presse ­internationale en juin pour célébrer son 140e anniversaire.

RELIÉE À LA MONTAGNE

Son nom l’indique. Alpina entretient un lien particulier avec les Alpes. En 1883, avec quelques-uns de ses amis alpinistes, Gottlieb Hauser fonde la Schweizerische Uhrmacher Corporation, qui deviendra un peu plus tard l’Union Horlogère S.A. L’ambition : concevoir et produire la montre idéale pour les alpinistes. Une démarche inhabituelle aux balbutiements de la fabrication de montres, alors que les marques misaient surtout sur la vitesse (vélos, voitures, motos, avions) et les complications. Gottlieb Hauser a renversé ce raisonnement.
Il considérait qu’une montre devait avant
tout bien fonctionner, en particulier dans les conditions difficiles, avant d’envisager les ­aspects secondaires compliqués.

La méthodologie de Gottlieb Hauser et de
ses comparses était tout aussi inhabituelle.
La coopérative ne jurait que par l’assemblage. Dans la région de la ville bilingue suisse de Biel/Bienne, ils avaient tissé un réseau de ­spécialistes qui leur fournissait les pièces détachées, notamment J. Staub & Co pour les calibres. Ces pièces détachées étaient assemblées dans l’atelier de l’Union Horlogère pour aboutir à la montre ultime. Ils comparaient volontiers leur méthode à l’alpinisme : les alpinistes sont reliés par une corde, ils opèrent en équipe.

Alpina s’identifie toujours aux Alpes en ­général et aux montagnes en particulier.
Ce n’est pas par hasard que la marque s’engage dans des partenariats avec des organisations
de sports d’hiver et qu’elle déniche ses ambassadeurs dans ce vivier. À Zermatt, Trends Style a eu la chance de dialoguer avec Max Palm, freerider suédois de grand talent. Le freeride donne aux participants le choix des lignes.
Il ne faut donc pas avoir froid aux yeux.
« Le ski alpin me semble terriblement ­ennuyeux », souffle Max Palm avec malice. Mais le danger ? Il rit en se dédouanant :
« C’est vrai qu’il y a parfois des morts. »

UNE ARMÉE DE CLIENTS

En 1890, l’Union Horlogère présente ses ­premiers modèles au public ; en 1900, elle ­dévoile ses calibres maison à l’Exposition ­universelle de Paris. Un an plus tard, la marque est enregistrée sous le nom d’Alpina. C’est à cette époque que le logo apparaît : un triangle rouge autour d’un cercle. Le triangle est une ­représentation stylisée du Cervin.

«Alpina a-t-elle inventé la montre de sport ? Non, mais elle a été la pionnière du storytelling»

La réputation de robustesse fiable de la marque Alpina a suscité l’intérêt d’une clientèle spécifique : l’armée. En 1913, la marine allemande achète des chronomètres Alpina et est imitée par plusieurs forces aériennes dès 1921. Car la marque ne se contente pas de développer des montres pour la montagne (les Alpiners), elle en conçoit aussi pour d’autres terrains : l’eau (les collections Seastrong) et l’air (la ligne ­Startimer).

À la fin de la Première Guerre mondiale, Alpina compte près de deux mille revendeurs dans toute l’Europe, mais aussi dans des coins plus reculés, comme Santiago du Chili. C’est cette expansion internationale qui a permis à Alpina d’être l’une des premières marques horlogères à offrir une garantie internationale en 1926.

L’INVENTION DE LA MONTRE DE SPORT

Mais après vingt ans d’activité essentiellement dédiée au monde militaire, Alpina souhaite ­toucher un public plus large. En 1938, Gottlieb Hauser lance une montre résistante aux chocs et à l’eau, inoxydable et amagnétique. Ce sont
là les quatre caractéristiques d’une montre qui deviendra légendaire sous le nom d’Alpina 4. Avec cette montre, la marque lance les bases
du concept de la montre de sport.

Alpina était-elle la seule marque à proposer
des montres de sport ? Non, mais elle a été la pionnière du storytelling et du marketing et a rendu la montre de sport attrayante pour le grand public. Dans les années quarante, elle a organisé un congrès annuel auquel elle a invité des revendeurs, des collectionneurs et des ­journalistes. Deux mille invités ont participé à l’événement pour le soixantième anniversaire d’Alpina en 1943 (en pleine guerre).

La marque s’est toutefois peu à peu éloignée des avancées horlogères. Elle a mal digéré l’avènement des montres à quartz. Entre 1970 et 2000, Alpina est restée fidèle à ses choix ­traditionnels, a essuyé des pertes et traîné une réputation de belle au bois dormant. Pendant vingt ans, l’entreprise était comme paralysée. Alpina devait être réinventée, et c’est ce qui s’est produit en 2002 quand elle a été acquise par Aletta et Peter Stas, déjà propriétaires
de Frederique Constant. Un an plus tard, le ­renouveau est officiellement acté par la participation de la marque au salon de l’horlogerie Baselworld. Deux ans plus tard, elle sort ­l’Alpiner Extreme, une montre dont la réédition deviendra l’atout cœur d’Alpina en 2022.

CALIBRE HISTORIQUE

Pour son 140e anniversaire, Alpina a dévoilé,
à Zermatt, une montre issue de son prestigieux héritage. Il ne s’agit pas d’une édition modernisée, mais de l’original : le calibre 490 de 1938. Oliver van Lanschot Hubrecht, le CEO, ­raconte. « Il y a trois ans environ, quelqu’un m’a contacté. Il avait trouvé des calibres 490 originaux chez un revendeur qui mettait la
clé sous la porte. Il m’a demandé si j’étais ­intéressé. Bien sûr que j’étais intéressé. Je lui ai répondu de m’en envoyer un pour l’examiner. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Ce que j’ai reçu était un somptueux calibre, dans son ­emballage d’origine. Je l’ai fait examiner par l’un de nos horlogers, qui m’a annoncé qu’il était comme neuf, qu’il n’avait jamais été utilisé. Naturellement, j’ai acheté l’entièreté du lot, avec l’idée d’en faire quelque chose plus tard.
Il n’y avait pas de meilleure occasion que ce 140e anniversaire. La façon idéale de célébrer cet anniversaire n’est-elle pas de sortir un ­nouveau modèle qui contient littéralement
un bout d’histoire ? »

Les authentiques calibres 490 apparaîtront dans deux séries extrêmement limitées de ­quatorze montres avec boîtier en argent. Un hommage à l’une des montres-bracelets les plus emblématiques de l’histoire d’Alpina.


www.alpinawatches.com

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