Résidences secondaires : l’Ardenne victime de son succès ?

Les Ardennes, vallée de la Semois © Getty
Muriel Lefevre

Les Ardennes connaissent un regain d’intérêt pour l’immobilier, porté par la recherche de nature et de tranquillité, loin des étés caniculaires du sud de l’Europe.

Après trois années de repli, le marché immobilier ardennais retrouve des couleurs. Le premier semestre 2025 marque un net tournant : +15,4 % de ventes par rapport à la même période en 2024. Dans la foulée, les prix ont bondi de 13,7 %, avec un prix médian désormais établi à 216 000 euros, selon le dernier Baromètre ardennais de la Fédération du notariat (Fednot).

Cette reprise contraste avec les années 2022 à 2024, marquées par des baisses successives (-11,4 %, -12,8 % et -10,1 %). Elle rappelle l’explosion de la demande en 2021, à la sortie des confinements, quand les campagnes et les communes touristiques ardennaises avaient connu un véritable boom.

Des contrastes locaux très marqués

Toutes les communes n’ont pas profité de la même dynamique. Certaines enregistrent des bonds spectaculaires : +97,1 % à Nassogne, +72,2 % à Rendeux. D’autres subissent au contraire un net recul, comme Vresse-sur-Semois (-28,6 %), la plus durement touchée. Sur les 25 communes étudiées, seules six ont vu leurs ventes diminuer.

Et comme le marché ardennais est petit, avec une offre limitée, toute hausse de la demande se traduit rapidement par une augmentation des prix.

Les prix suivent donc la courbe ascendante : +22,1 % à Marche-en-Famenne (279 500 euros), +16,7 % à Ciney (280 000 euros, la commune la plus chère). À l’opposé, Beauraing recule de 7,4 % (187 500 euros), tout comme Manhay et Vielsalm. Hastière reste la plus abordable avec un prix médian de 94 000 euros.

Un marché toujours dominé par la clientèle locale, mais…

Si l’Ardenne attire, ce sont d’abord ses habitants eux-mêmes qui en profitent. Plus d’un acheteur sur deux réside déjà dans l’une des 25 communes concernées. Les Wallons représentent environ 80 % des acquisitions, contre 15 % pour les Flamands (en léger recul par rapport aux 17,8 % de 2024) et 5,2 % pour les Bruxellois.

Certaines communes restent cependant très prisées par les acheteurs du nord du pays : à Vresse-sur-Semois, près de quatre ventes sur dix concernent des Flamands. La Roche-en-Ardenne, Erezée, Durbuy et Rendeux affichent également une forte présence flamande (20 à 23 %).

Des villages comptant plus de résidences secondaires que d’habitants permanents

Cette effervescence n’est pas sans conséquence sur le territoire. Dans certaines communes, le nombre de résidences secondaires dépasse désormais celui des habitants permanents, engendrant un déséquilibre manifeste.

À Dinant, et en particulier à Furfooz ou Foy-Notre-Dame, plus de 10 % des habitations sont destinées aux touristes. Le maire de Dinant, Richard Fournaux, déplore que « les habitants locaux ne puissent plus trouver de logements abordables » et note que « la ville compte plus de visiteurs que de résidents ».

Face à ce phénomène, plusieurs communes ardennaises ont mis en place des mesures restrictives. Dinant limite désormais le nombre de nouveaux gîtes dans les zones déjà saturées. Si plus de 10 % des bâtiments sont des hébergements pour visiteurs, toute nouvelle demande de permis de construire y sera refusée.

Certaines communes ont pris les devants

Limiter les hébergements touristiques est une tendance qui gagne du terrain en Wallonie, particulièrement dans l’arrondissement de Dinant où Gedinne, Houyet, et plus récemment Hastière, comptent déjà plusieurs centaines de gîtes sur leurs territoires. Un moratoire, effectif depuis le 11 août, y interdit désormais la création de nouveaux gîtes en zone d’habitat. Un règlement devrait suivre, au plus tôt début 2026. L’idée n’est pas de tuer le tourisme, mais de limiter son impact aux zones dites « de loisirs ». Hastière, avec son château de Freÿr et son Abbatiale, enregistre déjà 220 000 nuitées par an, sans compter les nombreux gîtes illégaux.

D’autres communes ont elles aussi pris les devants. Rendeux refuse depuis plusieurs années toute nouvelle construction de maison de vacances. La Roche-en-Ardenne a instauré un moratoire sur les nouvelles locations pouvant accueillir plus de six personnes, en exigeant que les exploitants soient domiciliés dans la commune. Onhaye, de son côté, a doublé la taxe locale sur les résidences secondaires.
Ces règles visent à rétablir l’équilibre entre tourisme et qualité de vie, et à limiter les nuisances liées aux fêtes bruyantes et à la surfréquentation.

Une attractivité renforcée par la fiscalité

Le marché immobilier reflète également les choix fiscaux de la Région wallonne. Depuis janvier 2025, les droits d’enregistrement pour l’achat d’une résidence principale sont passés de 12,5 % à 3 %, tandis que le taux pour les résidences secondaires reste inchangé. Résultat : l’achat d’une maison principale devient plus accessible, tandis que la spéculation sur les gîtes se modère, et l’on observe une légère baisse de la part des acheteurs flamands.

Le haut de gamme séduit de plus en plus

Selon Statbel, en 2024, sur les quelque 5,75 millions de voyages touristiques effectués en Belgique par des Belges, 29 % avaient pour destination la grande Ardenne (Ardenne, Condroz, Pays de Herve, Gaume et Pays d’Arlon). La même année, 1,23 million de séjours (soit 12,3 millions de nuitées) ont été enregistrés sur le territoire belge via Airbnb, Booking.com et Expedia Group, dont 33 % en Wallonie.

La plateforme Ardennes-Étape observe pour sa part que les Ardennes ont surtout attiré les familles avec les chiens, les groupes plus larges (10-15 personnes) ou encore ceux qui préfèrent le haut de gamme. Ce serait surtout les logements 4 à 5 étoiles qui séduisent de plus en plus les voyageurs. Elle anticipe également une année 2026 dynamique, avec un rythme de réservation déjà en hausse de 10 % par rapport à l’an dernier, et un délai moyen d’anticipation de 129 jours.

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