“Renforcer l’attractivité économique de Liège est essentiel”

Marie Braun (Noshaq Immo) et Gilles Foret (échevin liégeois). © Hatim Kaghat

Le réveil immobilier de la Cité ardente est lancé. Reste que pour ramener davantage d’habitants en centre-ville et accentuer la dynamique territoriale, l’offre de bureaux doit clairement être augmentée à Liège. Une vision partagée tant par Noshaq que par le nouvel échevin local de l’Urbanisme.

Douze mois pour l’une, deux mois pour l’autre. L’expérience en matière d’immobilier de Marie Braun, à la tête du bras immobilier de l’invest local Noshaq, et de Gilles Foret, échevin MR de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire de la Ville de Liège, est encore bien fraîche. Les défis s’annoncent pourtant nombreux pour le duo, chacun dans son domaine, devant contribuer à revitaliser, rénover et transformer le bâti de la région liégeoise.

TRENDS-TENDANCES. 15.000 habitants supplémentaires étaient espérés à Liège d’ici 2035 dans le cadre du “Projet de territoire” lancé lors de la précédente législature. Où en sommes-nous aujourd’hui ?

GILLES FORET. Il est difficile d’avancer des chiffres précis. Cette ambition reste présente. Il faudra toutefois affiner ce nombre en fonction de l’évolution démographique. Je souhaite en tout cas garder une cadence élevée en matière de délivrance de permis. L’an dernier, nous avons octroyé des permis pour construire plus de 350 logements neufs et effectuer 210 rénovations (un chiffre qui doit toutefois grimper à 750 unités neuves pour atteindre les objectifs, ndlr). L’idée est clairement d’augmenter le nombre de logements octroyés. Et il ne faut pas non plus négliger la rénovation du bâti existant, où les défis sont colossaux.

Les conditions sont-elles enfin réunies pour que les promoteurs puissent rencontrer la hausse démographique attendue ? `

G.F. Oui, je le pense bien. Ils sont en tout cas nombreux à frapper à notre porte. Nous souhaitons faire revenir des familles dans le centre-ville et ne plus subir l’étalement urbain qui est un frein au développement de Liège. Notre mission est donc d’accompagner au mieux les projets privés ou publics pour atteindre nos objectifs. Je souhaite que les investisseurs aient des réponses rapidement après leur demande de permis. Ils doivent avoir une prévisibilité dans leur demande de manière à ne pas immobiliser leur investissement trop longtemps. La simplification administrative doit également être améliorée. Pour le reste, le contexte économique reste compliqué pour les promoteurs, mais nous ne voulons pas être un frein quand ils reviendront.

Comment Noshaq Immo s’inscrit-il dans cette stratégie ?

MARIE BRAUN. La Ville a multiplié les initiatives pour clarifier la situation en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Des documents urbanistiques permettant d’avoir une vision claire ont émergé. Cela nous permet de mieux comprendre la stratégie globale. L’idéal serait d’avoir des documents urbanistiques pour chaque quartier de manière à permettre aux promoteurs de s’inscrire au mieux dans la vision souhaitée. Mais ce qui est sur la table est déjà intéressant.

Et sur le terrain, qu’est-ce que cela donne ?

M.B. On contribue déjà à cette stratégie en rénovant et revitalisant des quartiers du centre-ville. Nous sommes en train de finaliser le redéploiement urbain du quartier Grand Léopold. Une véritable communauté d’entreprises a été créée, qui s’étend de la rue Léopold à la rue de la Régence et de la place Cockerill à la place Saint-Étienne. Il s’est également traduit par la rénovation de bâtiments tels que La Grand Poste, le Fiacre, l’Îlot Madeleine, le Relais Grand Poste (en cours de construction), ainsi que l’ensemble formé par les bâtiments Lombard 1, Chapelle-des-Clercs et l’hôtel de Copis. Des projets mixtes où l’on retrouve essentiellement des bureaux, des commerces et des logements.

Mais votre finalité reste surtout de développer des projets à vocation économique…

M.B. Le volet résidentiel est présent quand il s’inscrit dans une mixité des fonctions. C’est notamment le cas dans des projets de reconversion en centre urbain. Noshaq Immo a plutôt vocation à développer des projets qui ont une finalité économique, que ce soit du bureau, de l’industriel, du semi-industriel voire du commerce. Nos derniers investissements se sont concentrés essentiellement dans le centre-ville de Liège. Notre stratégie actuelle est différente. Nous entendons réitérer cette approche dans d’autres communes de la province, comme Verviers. Nous venons par exemple d’acquérir l’ancien bâtiment de l’Inno, situé entre la place Verte et la place du Martyr, que nous souhaitons rénover et transformer pour accueillir du commerce, des bureaux et une trentaine de logements.

L’investissement de ce projet qui se veut exemplaire s’élèvera à 15 millions d’euros. Toujours à Verviers, Noshaq finalise la réhabilitation des anciens établissements Martin Frères, destinés à accueillir environ 3.600 m² de bureaux, qui seront occupés par le Forem et des entreprises du secteur privé.

Votre stratégie urbanistique et immobilière sera-t-elle dans la lignée de votre prédécesseur Christine Defraigne ou allez-vous développer une approche différente ?

G.F. La stratégie globale sera similaire, surtout sur le plan résidentiel. Pour le reste, ce qui a été réalisé par Noshaq dans le quartier Léopold est remarquable. Cela a contribué à ramener de l’activité économique en centre-ville. Car même si nous souhaitons ramener des habitants dans le centre, nous ne pourrons pas nous passer d’une dynamique économique forte pour relancer Liège. Ce sera le focus supplémentaire que je souhaite amener par rapport à ma prédécesseur. Il faut favoriser l’émergence de projets de bureaux. Liège en a eu peu par le passé, ils sont plus nombreux depuis quelques années, mais il faut aller encore bien plus loin. Avec les projets aux Guillemins, au Val Benoit, à Coronmeuse, ceux de Noshaq, on voit qu’il y a un intérêt nouveau pour le bureau. C’est un indicateur important de vitalité économique. L’installation d’Ethias et de NSI le démontre.

“Le nombre d’habitants à Liège est passé sous la barre des 200.000 unités. L’objectif est donc de créer une ville qui séduit les habitants.” – Gilles Foret

Avec des quartiers à redynamiser en priorité ?

G.F. Ceux situés le long du tracé du tram sont bien évidemment au centre des développements présents et futurs. Les projets immobiliers s’y multiplient. Le tram sera une solution de mobilité mais aussi un avantage pour reconfigurer 50 ha d’espaces publics et privés. Un nouveau quartier se dessine à Coronmeuse (Rives Ardentes, ndlr). Ethias s’y installera dans les prochaines semaines. À Droixhe, Liège Expo vient d’ouvrir, NSI va y déménager. Le pôle agroalimentaire autour de l’ancienne usine InBev est également à suivre. Le centre-ville, Féronstrée, les Guillemins et d’autres sont autant d’espaces pour du résidentiel et du bureau. La ville se redessine et devient de plus en plus attractive pour les fonctions économiques, il faut s’en réjouir.

M.B. De nombreux quartiers doivent connaître une revitalisation urbaine. Nous concentrons pour le moment notre action sur Droixhe, qui est un enjeu majeur. Et puis, comme déjà évoqué, nous avons la volonté de développer des projets en dehors du centre-ville.

G.F. Le nombre d’habitants à Liège est passé sous la barre des 200.000 unités. Je souhaite vraiment augmenter ce chiffre et dépasser cette barre. L’objectif est donc de créer une ville qui séduit les habitants et de permettre aux promoteurs de créer du logement.

M.B. Et l’arrivée effective du tram va clairement booster l’arrivée de nouveaux habitants.

“Nous avons la volonté de développer des projets en dehors du centre-ville.” – Marie Braun

Qu’en est-il justement de son impact sur votre action ?

M.B. Le tram a surtout guidé les promoteurs privés et cela se traduit par de multiples projets. C’est un facteur d’attractivité essentiel. Mais Noshaq doit plutôt jouer un rôle d’éclaireur que de suiveur.

Quel est votre regard sur le marché du bureau ?

M.B. Nous avons connu une explosion de la demande ces cinq dernières années. Mais nous assistons aujourd’hui à un net ralentissement du marché. Nous devons donc réfléchir aux vecteurs d’attractivité et les renforcer. Il faut en profiter pour repenser l’immobilier comme un service et le considérer comme une vraie proposition de valeur. Vu le contexte économique compliqué, beaucoup de promoteurs sont dans les starting-blocks et patientent avant de lancer leur projet.

G.F. Ce qui est intéressant, c’est surtout d’assister à la mutation du marché. Des immeubles de bureaux sont reconvertis en logements, d’autres sont rénovés. Des quartiers de bureaux se redessinent, proposent une mixité des fonctions et c’est très intéressant d’observer ce phénomène.

“Ce qui est intéressant, c’est surtout d’assister à la mutation du marché.” – Gilles Foret

Que penser du développement immobilier et urbanistique dans le centre de Liège ces dernières années ?

G.F. C’est surtout la diversité des acteurs qui est intéressante. Les sollicitations sont nombreuses. Il y a encore des projets d’importance, que ce soit au MontLégia (après l’hôpital et un centre d’activités économiques, place désormais au volet résidentiel avec la construction d’un hôtel et d’un immeuble à appartements de 50 unités par Pierre & Nature et Gehlen, ndlr), à l’ancien charbonnage d’Espérance et Bonne-Fortune avec un projet de 650 logements mené par Urba Liège, à Bavière qui se termine (149 appartements par BPI et T&P, ndlr) ou encore dans le quartier des Guillemins, où le groupe Moury et Belfius Immo vont construire deux immeubles à appartements sur l’ancien site Balteau.

La diversité dans les types de logements est par contre critiquée…

G.F. On doit l’accentuer. Un de mes objectifs est de ramener les familles dans le centre-ville et cela passera par le développement de logements spacieux et abordables de même que par une dynamique territoriale attractive. Sur les 110.000 ménages liégeois, on dénombre 56% d’isolés. Je souhaite renverser cette tendance.

Quel est aujourd’hui le principal enjeu urbanistique liégeois ?

M.B. La mobilité reste un enjeu principal. C’est un point de crispation actuellement. Le tram va la fluidifier, mais cela restera un point d’attention. Cela contribuera à ramener des familles en ville, tout en travaillant sur la sécurité, la propreté, les espaces publics et une dynamique territoriale positive.

Quel avenir voyez-vous pour toutes les grandes friches industrielles que comprend encore le territoire liégeois ?

G.F. Il faudra clairement cartographier et prioriser les friches à redévelopper. Car elles sont encore nombreuses même si des projets de reconversion existent. Pour les anciens sites d’ArcelorMittal, Wallonie Entreprendre les a repris en mai 2024, avec des partenaires privés. On parle quand même de 282 hectares. Pour la région liégeoise, plusieurs sites sont concernés. Chertal (186 hectares) a été acheté par Wallonie Entreprendre, les sites de la cokerie et du HFB s’inscrivent dans un partenariat public-privé, respectivement avec Ecoterres et le promoteur européen MG Real Estate. Reste le Haut Fourneau 6 où des discussions se sont déroulées avec le consortium REVEL.

“Les anciens sites sidérurgiques sont pour nous un enjeu majeur car ils sont très structurants pour le développement économique liégeois.” – Marie Braun

M.B. Les friches industrielles et plus spécifiquement les anciens sites sidérurgiques sont pour nous un enjeu majeur car ils sont très structurants pour le développement économique liégeois. Les friches sont d’ailleurs intégrées dans notre Plan stratégique 2021-2026. Depuis la décision de rachat prise par le gouvernement wallon en avril 2021, Noshaq s’est véritablement positionné au cœur de ces nouvelles opportunités. Noshaq peut jouer le rôle de facilitateur et d’accélérateur du développement de ces friches. Nous continuons donc de suivre le dossier avec le GRE. Nous examinerons toutes les opportunités dès qu’elles apparaîtront.

Profil – Gilles Foret

• 46 ans
• Licencié en droit à l’ULiège (2002)
• Échevin à la Ville de Liège depuis 2018 (en charge de l’Aménagement du territoire et de l’Urbanisme depuis décembre 2024)
• Député fédéral depuis 2019


Gilles Foret
Hatim Kaghat

Profil – Marie Braun

• 29 ans
• Master en strategic management à Solvay (2018)
• Master en immobilier à Solvay (2020)
• Entrée chez Noshaq en 2019
• Head of Real Estate chez Noshaq depuis 2024


Marie Braun
Hatim Kaghat

“Noshaq Immo doit vendre pour accélérer sa croissance”

La filiale immobilière du groupe Noshaq a pour objectif d’amplifier la dynamique immobilière du groupe via des transactions immobilières, des projets de développement immobilier et des investissements divers. Elle se positionne comme un des acteurs facilitant la reconversion des sites industriels désaffectés. Créée en 1986, Noshaq Immo représente plus de 400 millions d’investissements, à partir d’un capital de 65 millions.

TRENDS-TENDANCES. Quelle sera la stratégie de Noshaq Immo dans les prochaines années ?
MARIE BRAUN. Elle est directement liée au plan stratégique de Noshaq et à ses secteurs d’activités que sont l’agroalimentaire, l’industrie, l’industrie culturelle, numérique, l’énergie et la science du vivant. L’immobilier est transversal et vient en support de ses projets. Mais nos axes stratégiques restent la revitalisation urbaine, la réhabilitation de friches et les infrastructures industrielles. À l’avenir, nous entendons développer bien plus de projets en partenariat de même que des projets en dehors du centre-ville.

Vous avez mis en vente plusieurs de vos immeubles situés dans le quartier Léopold, dont la Grand Poste par exemple. Est-ce pour financer votre croissance ?
Tout à fait. Notre objectif global est de générer une rentabilité et de vivre sur nos fonds propres. Et donc, en tant que développeurs, il faut avant tout faire tourner nos actifs pour dégager des liquidités de manière à se lancer dans de nouveaux projets. Dans le cas du quartier Léopold, le travail de revitalisation est pratiquement terminé et l’objectif est dorénavant de trouver des investisseurs qui rachèteraient les murs et seraient intéressés par le rendement locatif actuel. Absolument rien ne changera pour les locataires. Nous serons attentifs à trouver des investisseurs qui s’engageront à faire perdurer les outils mis en place. Nous avons plusieurs contacts intéressants. C’est un dossier que nous suivons de près et qui est tout à fait classique dans le monde immobilier. Notre politique en matière d’exit est juste plus affirmée que par le passé.

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