Réduisez jusqu’à 50% la facture de votre construction grâce à l’autoconstruction

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les prix des nouvelles constructions explosent. Pour ceux qui rêvent de bâtir, mais qui n’en ont pas les moyens, il n’y a qu’une solution : l’huile de coude.

“Faire bâtir une maison par des professionnels coûte environ 1.500 euros par mètre carré. Cependant, en réalisant les travaux soi-même, il est possible de faire baisser la facture de moitié “, explique l’architecte Paul Van Welden, qui accompagne régulièrement des adeptes de l’autoconstruction. En revanche, pour ceux qui souhaitent confier entièrement la coordination des travaux et la communication avec les corps de métier à un architecte ou un entrepreneur, la facture augmentera sensiblement, à environ 2.000 euros par mètre carré. Pour une superficie habitable de 150 m2, si le propriétaire décide de construire lui-même intégralement son habitation, il économisera quelque 187.500 euros.

Selon Heleen Neels, coordinatrice au magazine Livios, spécialisé dans la construction, les frais se répartissent environ à 50/50 entre le gros oeuvre et les finitions. La dernière grande enquête sur le logement en Flandre ( Grote woononderzoek), qui portait sur plus de 1.000 ménages, indique que les trois quarts des sondés se sentent prêts à rafraîchir eux-mêmes leur habitation. Pour les grands travaux de construction ou de rénovation, selon la nature des travaux, 48 à 88% des personnes interrogées font appel à un entrepreneur. Les travaux que la plupart des propriétaires oseraient entreprendre eux-mêmes ? L’isolation du toit ou des murs (46%), la rénovation ou l’installation d’une salle de bain ou des toilettes (45%), le revêtement de sol (42%) et les fondations (41%).

Sur la période 2009-2013, seulement 2,8% des ménages ont construit leur habitation sans aucune aide d’un entrepreneur, contre un ménage sur 10 en 1980. Le pourcentage faisant appel à un architecte et à un entrepreneur propre (7,4%) a, lui aussi, chuté de 38% en 1980 à 7% pour la période 2009-2013.

L’enquête révèle également que le nombre de ménages à avoir fait construire par un promoteur immobilier (5,2%) ou à avoir acheté une nouvelle construction (9,3%) avait quelque peu reculé après la crise de 2008. Sur la période 2006-2008, ces pourcentages s’élevaient respectivement à 7 et 12%.

D’après Mike Sack, fondateur de Sack Zelfbouw, une entreprise qui accompagne les autoconstructeurs, on trouve d’une part les clients qui préfèrent tout déléguer à un promoteur, à un entrepreneur ou à un architecte, et d’autre part, ceux qui sont prêts à entreprendre une partie des travaux eux-mêmes car ils ne pourraient, sans cela, construire la maison qu’ils souhaitent. ” J’observe une véritable évolution. Si l’on ne voit plus grand monde se lancer totalement seul dans la construction d’une maison, l’autoconstruction partielle, elle, gagne du terrain. ”

1. Trouver un architecte

Le premier obstacle : trouver son architecte. Tous, en effet, ne sont pas disposés à accompagner un projet d’autoconstruction. ” L’architecte prend de grands risques à travailler avec des autoconstructeurs inexpérimentés, si bien que 90% de mes collègues s’y refusent, explique Paul Van Welden. L’architecte assume une responsabilité décennale en ce qui concerne la stabilité du bâtiment. Il doit contrôler l’exécution des travaux. Et les risques d’erreurs sont évidemment plus importants avec des constructeurs inexpérimentés. ”

Mike Sack voit cependant les mentalités évoluer. ” Il y a cinq ans, les architectes freinaient des quatre fers lorsque le client évoquait l’autoconstruction. Ils ne voulaient travailler qu’avec des professionnels. Aujourd’hui, on observe que des architectes nous envoient des clients qui ne disposent pas d’un budget suffisant pour tout faire faire. Avec des travaux partiellement réalisés par les clients, ceux-ci peuvent réaliser le projet de leurs rêves et l’architecte gagner sa vie. ”

Il est fort probable que l’architecte facturera davantage pour travailler avec des amateurs. Paul Van Welden lui-même augmente ses honoraires de 10 à 20% pour la construction totale d’une habitation. ” Tout dépend des travaux à réaliser. Si je compte en moyenne 2.000 euros pour la vérification du gros oeuvre, j’ajouterai 500 euros pour les autoconstructeurs, tout simplement parce que ces projets demandent des vérifications plus approfondies et nécessitent un accompagnement plus poussé. ”

L’architecte établit, notamment, une fiche reprenant l’ordre chronologique dans lequel les travaux devront être réalisés. ” Si on ne fait pas les choses dans l’ordre, cela peut entraver le placement d’autres postes. Je pense entre autres à l’entrecroisement des canalisations, qui peut forcer à revoir l’épaisseur du sol au point de devoir raboter les portes intérieures. ” Si Paul Van Welden a beaucoup d’admiration pour les autoconstructeurs, son rôle consiste aussi à fixer des limites pour garantir la sécurité. Les autoconstructeurs doivent être prêts à suivre scrupuleusement les conseils des professionnels et à approfondir leurs connaissances.

” L’architecte prend de grands risques à travailler avec des autoconstructeurs inexpérimentés, si bien que 90% d’entre eux s’y refusent. “© Gettyimages

2. Savoir bricoler

” Aux gens qui viennent me voir pour la première fois avec l’idée d’entreprendre eux-mêmes une partie de leurs travaux, je pose toujours une dizaine de questions techniques auxquelles tout homme de métier doit être en mesure de répondre facilement, prévient Paul Van Welden. S’ils ne sont pas capables de répondre à au moins neuf de ces 10 questions, je les renvoie faire leurs devoirs. Je les invite à m’accompagner sur plusieurs chantiers ou je leur conseille de suivre une formation. Ils doivent savoir ce qui les attend ! ”

Les bricoleurs en herbe pourront déjà se préparer dans leur divan en regardant Dobbit TV, par exemple. Une chaîne sur laquelle des professionnels montrent les rudiments et donnent leurs trucs pour toutes sortes de travaux : poser un carrelage, monter un mur en béton cellulaire, installer une porte, etc. Pour l’architecte, cette chaîne est ” une bénédiction pour ceux qui veulent se lancer dans l’autoconstruction “, affirmation qui nous a été confirmée par plusieurs personnes qui ont construit ou achevé leur habitation elles-mêmes. Paul Van Welden lui-même a collaboré à la chaîne, d’abord comme conseiller, puis comme co-auteur des scénarios. Son fils, Sam Van Welden, également architecte, a aujourd’hui repris le flambeau. Un magazine de bricolage qui porte le même nom est également vendu en kiosque.

Parmi les autres canaux à leur disposition, les bricoleurs peuvent aussi parfaire leurs connaissances sur YouTube où il existe un grand nombre de démos et sur Facebook, où les bricoleurs ont la possibilité d’échanger des conseils (le groupe ” Travaux, Bricolage, Rénover, Maison “, par exemple, réunit 29.000 membres). ” Attention, toutefois, tous les conseils ne sont pas bons à prendre sur les réseaux sociaux car personne ne se charge d’y faire le tri “, prévient Paul Van Welden.

3. Des kits de construction

” Il y a certains travaux que vous pourrez facilement réaliser vous-même, sans trop de connaissances ni d’expérience, poursuit l’architecte. Songez aux kits prêts-à-monter pour la ventilation, le chauffage, les sanitaires et l’électricité ( proposés par des sociétés comme Brainbox, Selfmatic ou Easykit, Ndlr). Les modes d’emploi sont clairs et disponibles en ligne. L’accompagnement est généralement très professionnel. En suivant bien les instructions, il est presque impossible de se planter. ”

En Wallonie et à Bruxelles, avec ses 40 années d’existence et 20.000 clients à son actif depuis sa création, Brainbox fait figure de pionnier dans le secteur des installations prêtes-à-monter. La société, installée à Ciney, conçoit des aménagements sur mesure à monter soi-même pour l’électricité, la domotique, la ventilation et le sanitaire. S’il s’agit d’un dispositif électrique ou de domotique, le client reçoit la pré-visite d’un organisme de contrôle en cours de chantier (avant la chape et le plafonnage). Une fois placées, les nouvelles installations sont contrôlées et validées, soit par un technicien Brainbox, soit par un organisme agréé, suivant le type d’aménagement.

En Flandre, Sack Zelfbouw jouit d’une excellente réputation en matière d’accompagnement. ” J’ai fondé Sack Zelfbouw seul mais la société compte à présent 50 employés sur trois sites répartis dans toute la Flandre, raconte Mike Sack. Nous livrons les matériaux et les outils nécessaires sur le chantier en plusieurs phases selon l’avancée des travaux. Ce ne sont pas des coursiers, mais des techniciens qui assurent ces livraisons. On leur laisse le temps d’expliquer ce que contient chaque paquet et de vérifier les travaux déjà réalisés. Tout le monde chez nous est conditionné pour aider au mieux les autoconstructeurs car ils ne sont pas tous des as du bricolage. Ils viennent de toutes les couches de la population. Tous les raccordements importants sont effectués par nos techniciens et nous fournissons les attestations requises. Les clients s’occupent des tâches faciles comme la découpe et le tirage des canalisations, ce qui permet d’économiser pas mal sur la main-d’oeuvre. Il arrive – très rarement – que malgré les vidéos et les modes d’emploi, des gens ne parviennent pas à terminer une installation. Ils peuvent alors faire appel à l’un de nos installateurs, mais c’est payant. ”

” Pour des postes comme le chauffage, la ventilation, les sanitaires et l’électricité, les paquets d’autoconstruction permettent de réduire la facture jusqu’à 50%. Pour toutes ces installations, l’économie atteint facilement 20.000 euros “, affirme Heleen Neels. Un montant confirmé par Sack Zelfbouw. ” En revanche, si vous faites appel à un installateur, il faudra compter un surcoût de plus de 40.000 euros, ajoute-t-il. Un prix qui a quasiment doublé ces dernières années parce que les gens sont presque obligés maintenant d’installer un chauffe-eau ou des panneaux solaires ainsi qu’une pompe à eau. C’est une bonne chose pour l’environnement et la consommation, mais ces nouvelles normes font grimper les prix. ”

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4. Assister un corps de métier

Pour ceux qui n’ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis mais dont les connaissances techniques laissent à désirer, il y a encore une autre solution. ” Vous pouvez assister les professionnels sur votre chantier, un maçon par exemple, indique Paul Van Welden. Beaucoup d’entrepreneurs sont ouverts à l’idée. Ils remboursent alors le client pour leur temps. Il va de soi que cette ‘rémunération’ sera plus faible que celle d’un professionnel, plus rapide et plus efficace. Selon mes estimations, un amateur épargne environ un tiers de ce que gagne un professionnel. Il s’agit essentiellement de travail physique. Il faut donc être en forme et assez costaud. ” Le montant qu’un maître d’ouvrage peut ainsi économiser est moindre et doit être négocié avec l’entrepreneur.

Le fait de poser soi-même le carrelage ou l’isolation du toit peut également se révéler très lucratif, à en croire l’architecte. ” Les bricoleurs ont beaucoup de moyens à leur disposition pour se faciliter la vie. Mais il faut maîtriser les fondamentaux. Par exemple, pour du carrelage grand format, vous devez savoir qu’il faut placer un tapis de découplage et comment le placer pour éviter les fissures ultérieures. Pour le carrelage d’une cabine de douche, c’est plutôt un tapis d’étanchéité. Quant à l’isolation thermique, vous devez placer un frein-vapeur seulement du côté chaud et non pas des deux côtés, comme le font souvent les amateurs. Si vous négligez ces aspects et qu’un professionnel doit ensuite venir démolir votre travail pour le refaire, vous payerez trois fois au lieu d’économiser de l’argent. ”

Selon Paul Van Welden, à condition d’être bien préparé physiquement et mentalement, il est possible de faire pratiquement tout soi-même. ” Bien sûr, il n’est pas encore possible de fabriquer les châssis soi-même, mais vous pouvez les placer. ” Sauf que le placement des châssis n’est pas le poste le plus coûteux. Il demande moins de main-d’oeuvre que la maçonnerie, par exemple. Reste donc à savoir si cela vaut vraiment la peine pour les autoconstructeurs d’y consacrer du temps. Plus un poste exige des heures de main-d’oeuvre, plus le constructeur peut économiser. Une rénovation permet ainsi de faire de plus grandes économies qu’une nouvelle construction puisqu’une habitation existante demande souvent de tâtonner et de rechercher la meilleure solution tandis qu’avec une nouvelle habitation, on part d’une feuille blanche.

” On peut rogner aussi sur le budget pendant la phase de conception, précise-t-il. Si vous avez une formation d’ingénieur ou de dessinateur technique, vous pouvez dessiner les plans vous-mêmes. Ceux-ci devront toutefois être conformes à l’imposant cahier des charges du guichet Environnement. Tous les architectes ont d’ailleurs dû suivre une formation en la matière. Dès lors, si vous tracez les plans vous-mêmes, qu’il s’agisse d’une nouvelle construction ou d’une rénovation, il faut en faire vérifier l’exactitude. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Vous devez aussi utiliser un logiciel de dessin professionnel tel que Vector Works ou Autocad, mais ces logiciels proposent toujours un mois d’essai gratuit. ”

Le principe appliqué sera le même que pour se faire assister par un corps de métier. ” L’architecte offrira un rabais considérable sur ses honoraires parce qu’il s’agit de l’une des tâches les plus chronophages, précise Paul Van Welden. Tenez aussi compte qu’il vous faudra établir plus de plans pour une rénovation que pour une nouvelle construction : état conformément à ce qui a été autorisé, état actuel et résultat final souhaité. Il peut arriver que pour une simple demande de construction ou l’introduction d’un dossier de notification au guichet Environnement, il faille jusqu’à 40 plans différents. ”

5. Les erreurs fréquentes à éviter

Paul Van Welden est souvent intervenu en qualité d’expert auprès du tribunal pour des litiges en matière de construction. ” Ce genre de procès montre bien où les choses peuvent déraper, souligne-t-il. Tout commence avec les fondations. Notre architecte dispose d’un équipement spécial indispensable pour mesurer la résistance du sol. Un terrain qui ne présente pas suffisamment de portance nuira à la stabilité de l’habitation. Les gens pensent qu’ils ne peuvent rien faire de travers en creusant les fondations. Or, vous pouvez vous tromper si vous ne possédez pas les connaissances ou les équipements de mesure nécessaires. Une autre erreur fréquente, lors de la construction d’une annexe, est qu’on oublie souvent de prévoir une semelle hors gel de 80 cm pour la dalle de béton. Sans cette semelle, si les eaux de surface gèlent, le sol risque de s’affaisser au moment du dégel. ”

Il est tout aussi dangereux de croire que rien ne peut se passer lors de la démolition. Il arrive parfois qu’un bout de mur, voire un mur entier, soit abattu sans que le plafond qui reposaient sur ce mur n’ait été suffisamment ou correctement étançonné. ” Pour mesurer la capacité portante de poutres de soutien métalliques, il convient aussi de faire appel à un architecte ou un ingénieur. Si les poutres de soutien ne sont pas suffisamment lourdes, elles peuvent céder. ”

Paul Van Welden a développé un module de calcul pour mesurer la capacité portante de poutres de soutien, disponible gratuitement sur son site web. Le client doit cependant être certain qu’il est capable de remplir les paramètres ” flexion “, ” points de soutien “, ” charge ” et ” longueur utile “. S’il a des difficultés à utiliser le module en ligne, il peut faire appel à l’architecte, contre rémunération bien sûr.

Celui-ci a encore relevé d’autres pièges dans lesquels tombent les autoconstructeurs : mauvaise composition du béton, mauvaise armature dans les sols avec comme conséquence une fatigue du ferraillage, solidité insuffisante des coffrages des poutres en béton, etc. ” D’aucuns pensent qu’ajouter un peu de sable, de gravier, d’eau et de ciment dans leur bétonneuse fera l’affaire. Néanmoins, il est indispensable de doser correctement les ingrédients et de prendre suffisamment de temps pour les mélanger. ”

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