Quels logements pour les plus de 65 ans?

Nombre de seniors déménagent dans des immeubles à appartements équipés d’ascenseurs. © Getty Images

Le “home de papy” serait-il devenu comme “la Belgique de papa” : un modèle qui a vécu ? Le scandale Orpea a écorné l’image des maisons de repos grand format. Dans le secteur, on mise désormais sur la diversification de l’offre : aménagements des biens des seniors en bonne santé, villages résidences-services et multiplication des maisons médicalisées.

Une seule grande cantine, au rez-de-chaussée de l’immeuble, avec pour animation, une télé montée sur un chariot à roulette. Une, pour tous les résidents du bâtiment de six étages. Ce mode d’organisation des maisons de repos devient tout doucement un cliché, un peu repoussoir pour les familles. Il pourrait passer au rang de vestige dans les années qui viennent.

“On préfère miser sur l’infrastructure de bonne qualité, selon Amand-Benoît D’Hondt, chief alternative investments chez AG Real Estate, société active dans les logements pour seniors. Ça ne veut pas dire qu’on tombe dans le luxe, il faut juste que ce soit bien pensé, agréable, chaleureux.” De structures qui comportent actuellement jusqu’à 150 lits, on bascule doucement vers des modèles limités à 80 lits environ.

Mais pourquoi l’immobilier des aînés aurait-il vraiment besoin de changer, dans un marché aux marges certes étriquées mais avec des acteurs bien installés ? Un scandale médiatisé et plusieurs défis démographiques expliquent en partie ces nécessaires mutations.

Défis

Un Belge sur cinq a plus de 65 ans, aujourd’hui. Dans les 25 ans qui viennent, selon les projections du Bureau du Plan, les personnes âgées vont représenter plus du quart de la population de notre pays. Le nombre de personnes de plus de 80 ans va doubler, dans le même laps de temps (entre 2022 et 2050, d’après le service d’études de la Mutualité Chrétienne).

Voilà la réalité concrète, liée à l’évolution de l’espérance de vie et du vieillissement de la population. À l’équation, il faut ajouter : des dépenses des pouvoirs publics qui risquent d’augmenter – puisque les places en maisons spécialisées sont subventionnées. Mais aussi l’évolution des maladies dites neurodégénératives (Alzheimer, Parkinson, etc.) directement liée à la hausse de la part des plus de 80 ans. Une évolution qui pousse à développer la présence de maisons de soins, très médicalisées.

À ces défis démographiques, il faut ajouter des évolutions dans les envies des seniors. “On a assisté à une forte concentration des structures de maisons de repos, ces dernières années”, relève Philippe Andrianne, administrateur du Fonds du Logement de Wallonie, et ancien secrétaire politique du Mouvement social des aînés Eneo. “Avec ces concentrations, son lot de dérives, des grands groupes qui veulent une rentabilité forte. Et puis il y a eu le scandale Orpea.”

Orpea, c’était le fleuron français de l’établissement d’accueil pour personnes âgées. Il y a trois ans, des enquêtes journalistiques ont révélé de graves manquements dans l’encadrement des personnes hébergées, de nombreux cas de maltraitance, conséquences d’une course démesurée au profit. Le scandale a traumatisé une partie de la population âgée et les familles, au point de rejeter ce modèle des grandes structures d’hébergement.

Quelles alternatives au bon vieux home ?

Si le modèle des très grandes maisons de repos n’a plus bonne presse, quelles sont les alternatives qui se mettent en place pour les prochaines années ?

1. Habiter le plus longtemps possible dans sa maison

C’est une volonté de plus en plus forte, au sein de la population grisonnante, volonté appuyée par les pouvoirs publics. Dans son accord de gouvernement, la coalition MR-Engagés s’appuie sur les conclusions du rapport “Bien Vieillir”, issu du travail parlementaire bouclé en 2022. Pour le ministre wallon de la Santé et des Solidarités, Yves Coppieters (Les Engagés), ce maintien à domicile passe par un renforcement du système des soins ambulatoires et des centres de coordination des soins à domicile. Afin d’y arriver, le ministre nous confie : “je réfléchis à une réaffectation d’une partie des moyens alloués aux maisons de repos vers ces services à domicile, une aide pour trouver du personnel, et une simplification de la paperasse administrative”.

Pour aider les aînés à financer les différentes aides à domicile, le principe de l’assurance autonomie est toujours dans les cartons de nos dirigeants politiques, mais elle ne sera pas appliquée sous cette législature, faute d’accord entre les deux partis de la majorité. Cette assurance est une contribution de solidarité, financée par l’ensemble de la population, et qui bénéficie aux seniors pour maintenir leur indépendance à domicile.

2. Rénover voire partager sa maison, quand c’est nécessaire

À côté de la question centrale de l’autonomie et des soins reçus à domicile, il y a deux autres épines dans le bras des seniors qui souhaitent continuer à habiter leur maison. D’une part, la charge que représentent les dépenses d’énergie dans leur budget. “Cette part va continuer à grandir, et l’annonce du gouvernement wallon qui rabote le système de primes à la rénovation risque de toucher la population âgée de plein fouet, dans les prochaines années, soutient Philippe Andrianne, du Fonds wallon du Logement. La plupart du temps, les biens achetés sont anciens, construits il y a 40 ans, à une époque où les normes énergétiques étaient moins contraignantes (voire inexistantes, ndlr). Les factures de chauffage grèvent les budgets des aînés.”

L’autre épine, c’est d’arriver à adapter son logement en anticipant de futurs problèmes de mobilité. La plupart du temps : aménager une chambre au rez-de-chaussée plutôt qu’à l’étage, pour éviter d’avoir à grimper des escaliers. Tous les aînés ne peuvent sortir de leur poche l’argent nécessaire pour les travaux.

Prêts intergénérationnels

Ici, des solutions existent, et avec un succès grandissant à prévoir dans les prochaines années : les prêts intergénérationnels. Leur philosophie : “Un toit, deux âges”. Ils consistent à financer des aménagements pour installer des jeunes dans la maison d’une personne plus âgée, en échange du paiement d’un loyer modéré. Ou une famille qui transforme une partie de sa maison pour accueillir un père, une mère de plus de 60 ans. En Wallonie, on accorde en moyenne 25 prêts hypothécaires de ce type par an. Cette voie pourrait encore se développer dans les prochaines années. Le ministre wallon de la Santé avance en effet la possibilité de déduire fiscalement les travaux d’adaptation des logements. “Je plaide pour cette solution, même si elle n’a pas été écrite noir sur blanc dans la déclaration de politique régionale, affirme Yves Coppieters. Cela fera l’objet d’un débat dans ma note d’orientation qui sera présentée au gouvernement cet été.”

En Wallonie, on accorde en moyenne 25 prêts hypothécaires de type intergénérationnel par an.

3. Le déménagement vers un logement plus adapté à son âge

Quand les travaux ne peuvent être financés ou ne sont tout simplement pas réalisables, les seniors optent pour le déménagement vers du plein pied ou des appartements dans des immeubles équipés d’ascenseurs.

Les promoteurs l’ont bien compris. “Dans des villes comme Nivelles, Gembloux, ou Lasne, ces bâtiments poussent comme des champignons, se vendent très bien, et souvent très cher”, nous confie un membre de l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI). Dans les prochaines années, cette tendance pourrait encore prendre de l’ampleur. À condition, par exemple, d’imaginer une forme de portabilité des droits d’enregistrement. “Les plus de 65 ans ont souvent placé beaucoup d’argent dans les frais d’achat de leur habitation. Leur demander de débourser à nouveau des droits d’enregistrement, même réduits à 3%, n’est pas logique”, plaide Philippe Andrianne.

4. La résidence-service dans un “village de soins”

Toutes les solutions envisagées jusqu’ici ont un inconvénient : elles ne permettent pas d’anticiper une perte d’autonomie des personnes âgées. L’état de santé se dégrade avec le temps, parfois beaucoup plus vite qu’il n’y paraît. Face à ce problème, le marché des seniors se dirige tout doucement vers un renforcement de véritables “villages de seniors”.

Les logements privés adaptés aux seniors ne se construisent plus indépendamment les uns des autres.

Les maisons de repos ou de soins, les logements privés adaptés aux seniors ne se construisent plus indépendamment les uns des autres. Ils coexistent, dans les mêmes implantations géographiques. Les personnes âgées autonomes habitent de petites maisons construites à côté d’une maison de repos et de maisons médicalisées, ce qui permet de bénéficier des services d’aide à domicile et de soins médicaux comme si elles habitaient la maison de repos, mais en gardant leur indépendance.

Aquamarijn, à Kasterlee. En plus d’une maison de repos et de résidences-services, le site dispose également d’un établissement médicalisé. © PG

De tels ensembles sont proposés en Flandre, citons notamment les structures Aquamarijn à Kasterlee, Duneroze à Wenduine ou De Toekomst à Alost (toutes trois dépendantes d’Anima passé dans le giron d’AG Real Estate). “On retrouve parfois dans ces villages un supermarché, un bar, une salle des fêtes qui permet aux seniors d’accueillir le reste de la famille à l’occasion d’un anniversaire”, explique Amand-Benoît D’Hondt, de chez AG Real Estate. Si l’aîné perd en autonomie, il peut facilement déménager dans l’établissement d’hébergement plus adapté, la maison de repos ou la maison de soins, où il retrouvera le même personnel qui s’occupe de lui depuis plusieurs années, une forme de transition douce, en quelque sorte.

Villages “multi-offres” et encadrements intermédiaires

Ces villages “multi-offres” permettent aussi de développer des encadrements intermédiaires, quand la santé physique ou mentale l’exige. “Quand on se fait opérer, les séjours en hôpital sont de plus en plus courts, poursuit Amand-Benoît D’Hondt. Dans ce type de village, on bascule dans l’établissement de soins le temps de passer sur le billard, par exemple, avant de suivre sa revalidation tranquillement dans son logement privé juste à côté et de bénéficier des soins à domicile.”

Pour ce qui est de la santé mentale, ce modèle permet à des personnes âgées de rejoindre la maison de repos en journée, comme un centre de jour : “On vient discuter avec d’autres personnes, profiter des animations organisées la journée, et le soir, on peut rentrer dans sa maison privative”.

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