Pourquoi les kots sont-ils taxés comme des secondes résidences

À Liège, une taxe spécifique sur les kots n’est plus un tabou. © BELGAIMAGE

Taxer les étudiants koteurs dans le cadre d’un règlement-taxe sur les secondes résidences ? Peu connue, la pratique est pourtant appliquée par de nombreuses communes belges. Tour d’horizon des différentes pratiques, explications et exceptions en la matière.

Le mois dernier, la taxe sur les kots (que les communes refusent de nommer telle quelle) a réapparu à l’avant de la scène médiatico-politique. Un reportage de la RTBF portant sur l’étonnement du père d’une étudiante louant un kot à Namur a poussé la conseillère de l’opposition Éliane Tillieux (PS) à interpeller le collège communal namurois. Une taxe “disproportionnée” qui pèserait “lourdement” sur les finances des familles, a-t-elle déploré.

L’information est vite arrivée aux oreilles de Willy Demeyer (PS), bourgmestre de Liège. Mais le maïeur socialiste ne l’a pas entendue de la même manière. Il a confié vouloir s’en “inspirer” pour donner un peu d’air aux recettes de sa ville, qui doit prendre des mesures drastiques en échange du plan régional Oxygène.

Pourtant, Liège taxe déjà les étudiants koteurs qui n’y sont pas domiciliés, à travers le même règlement. Là où le taux “normal” est de 700 euros par seconde résidence et par an, les étudiants bénéficient d’un tarif réduit : 450 euros pour les logements d’une superficie comprise entre 70 et 100 m², 300 euros pour les plus petits. Pour les logements de superficie réduite (moins de 28 m²) ou meublés offerts en location, un autre règlement est en vigueur. “Indexé annuellement, il est fixé en 2025 à 260,90 euros, précise l’échevinat liégeois des Finances, piloté par Carine Clotuche (Engagés). Lorsque l’offre en location par un propriétaire ne vise qu’une ou deux chambres familiales dans l’immeuble dans lequel il est domicilié, la taxe relative à celle(s)-ci est réduite à 30 euros.”

À Namur, le règlement est un peu plus lisible : 542 euros par an par seconde résidence de plus de 100 m², 301 euros pour celles comprises entre 30 et 100 m²… et 0 pour les plus petites.

Ottignies-Louvain-la-Neuve impose une taxe de séjour de 200 euros à chacun des étudiants koteurs non domiciliés. Elle ne permet pas de subdiviser le montant entre colocataires. Exception notable : les étudiants qui louent des kots de l’UCLouvain ne sont pas soumis à cette taxe.

Enfin, Mons ne fait pas peser cette taxe sur les étudiants, mais sur les multipropriétaires. À partir de trois kots, ceux-ci doivent s’acquitter d’une taxe de 216 euros par logement.

Faire contribuer les non-domiciliés

La Fédération des étudiants francophones (FEF) s’oppose vivement à cette taxe. “Les communes font face à des coûts importants, qui vont augmenter dans les prochaines années notamment à cause des décisions prises par l’Arizona, reconnaît Adam Assaoui, son président. On peut comprendre qu’elles cherchent à faire rentrer de l’argent. Les taxes sur les secondes résidences sont probablement un bon levier. Tout le souci est de qualifier les kots comme tels et de faire reposer ce poids supplémentaire sur les étudiants qui, par définition, sont une population précaire puisqu’elle n’a pas de revenus.”

Les communes avancent une même explication : sans se domicilier, ces étudiants bénéficient de services financés par la Ville (voiries, espaces publics, propreté, sécurité, etc.) sans y contribuer fiscalement. Cette taxe permettrait de solutionner une partie du problème. “À Liège, nous avons beaucoup de débats autour des charges de centralité, explique l’échevinat des Finances. Comme de nombreux non-Liégeois se déplacent chaque jour dans notre commune, nous essayons de trouver des moyens pour que les Liégeois ne soient pas les seuls à contribuer aux recettes de la Ville, de la manière la plus juste et supportable pour tous.”

Sans se domicilier, les étudiants koteurs bénéficient de services financés par la Ville sans y contribuer fiscalement.

Discours similaire du côté d’Ottignies-Louvain-la-Neuve. “Nous ne comptons que 31.000 habitants domiciliés alors que nous sommes en réalité une ville de 50.000 habitants, si l’on tient compte des étudiants de l’université et des hautes écoles, souligne l’échevin des Finances Cédric du Monceau (Engagés). On peut comprendre que les étudiants jugent cette taxe ‘injuste’, mais il faut aussi se mettre à la place des habitants.”

À la FEF, on reçoit froidement ces justifications. “Cet argument ne tient pas, dans la mesure où les propriétaires des kots paient déjà une taxe foncière, et répercutent souvent les charges communales dans le loyer”, rétorque Adam Assaoui.

Les édiles liégeois assument ne pas avoir voulu actionner ce levier. “Notre objectif était de ne pas augmenter le précompte immobilier et de ne pas toucher à l’IPP”, signale le cabinet Clotuche.

À Ottignies-Louvain-la-Neuve, l’échevin des Finances estime que les rentrées foncières demeurent insuffisantes : “Les infrastructures des établissements de l’enseignement supérieur et du parc scientifique sont une ‘mainmorte’ car elles sont exemptées des taxes cadastrales”. En outre, Cédric du Monceau déplore des manquements relatifs aux financements régionaux. “Nous demandons au gouvernement de revoir la clé de répartition du fonds des communes, qui ne reflète plus la réalité actuelle dans la mesure où elle ne tient pas suffisamment compte des facteurs liés au développement urbain et immobilier”, plaide-t-il.

Du côté de Mons, on cible sciemment “les multipropriétaires qui génèrent un profit énorme à travers ces locations, sans contribuer comme les autres propriétaires”. “Il s’agit d’une forme de rééquilibrage, qui vise à faire participer équitablement tous les utilisateurs des services publics locaux”, fait valoir le cabinet de l’échevin Maxime Pourtois (PS).

Certaines grandes villes s’en privent

Si taxer les étudiants koteurs semble être une évidence pour les villes universitaires wallonnes, la situation est différente ailleurs. En Flandre, seule Louvain en fait de même : 1.637 euros par an par seconde résidence réduits, pour les étudiants occupant un kot de moins de 60 m², à 118 euros (52,5 euros pour les boursiers). Hasselt ne taxe tout simplement pas les secondes résidences, tandis que Gand et Anvers en exonèrent totalement les étudiants. Même constat en Région bruxelloise, où plusieurs communes (Ixelles, Etterbeek et Forest, entre autres) font une exception pour eux. Idem à Bruxelles-Ville, où les étudiants koteurs échappent aux 1.723 euros réclamés dans le cadre de la “taxe sur les résidences non principales”.

Si taxer les étudiants koteurs semble être une évidence pour les villes universitaires wallonnes, la situation est différente ailleurs.

“C’est le fruit d’une volonté politique, que nous portons depuis longtemps avec notre bourgmestre, commente Anas Ben Abdelmoumen (PS), échevin des Finances de la Ville de Bruxelles. En exonérant les étudiants, nous reconnaissons leur contribution au dynamisme de Bruxelles tout en évitant de les pénaliser financièrement dans un contexte de crise du logement.”

Si l’échevin bruxellois n’en dévoile pas le montant, il indique avoir déjà évalué le “manque à gagner” relatif à cette exonération. “Cela représente une perte de recettes, mais elle est compensée par le rôle des étudiants dans le tissu économique local. Ils constituent une réelle plus-value pour notre ville”, estime-t-il.

À l’heure actuelle, Anas Ben Abdelmoumen dit ne pas envisager de s’inspirer des villes universitaires wallonnes. “Nous préférons concentrer nos efforts fiscaux sur ceux qui spéculent sur le marché immobilier”, dit-il.

Un argument que retourne son homologue ottintois pour justifier cette absence d’exonération des étudiants. “On construit beaucoup à Ottignies-Louvain-la-Neuve, mais le nombre d’habitants domiciliés n’augmente pas. C’est probablement dû à la forte spéculation immobilière : beaucoup de personnes transforment leur habitation pour en faire des logements communautaires. Elles les louent bien sûr à des étudiants, mais pas seulement. Cette taxe peut stimuler certains propriétaires à faire domicilier leurs locataires dans notre commune.”

Si Cédric du Monceau ne se risque pas à dire qu’il aimerait que davantage d’étudiants koteurs se domicilient, c’est qu’il est sans doute conscient des inconvénients que cela peut engendrer. “La FEF conseille d’être extrêmement prudent. Il faut analyser les conséquences fiscales et sociales d’une domiciliation, notamment sur les aides que perçoivent leurs parents, mais aussi sur leur propre statut”, avertit Adam Assaoui.

À Ottignies-Louvain-la-Neuve, qui compte 31.000 personnes domiciliées sur 50.000 habitants, la taxe sur les kots rapporte un peu moins de 2 millions d’euros. © BELGAIMAGE

Combien ça rapporte ?

Cette taxe sur les secondes résidences ne concernant, par définition, pas uniquement les étudiants, aucune commune n’est en mesure de communiquer les recettes qu’elles tirent stricto sensu des kots. Elles peuvent toutefois indiquer le montant collecté globalement.
À Ottignies-Louvain-la-Neuve, le directeur financier Bernard Dewel indique qu’elle rapporte “un peu moins de 2 millions d’euros”. Le nombre de contribuables tourne autour de 9.000.

Namur joue dans une bien plus petite cour. En 2024, la taxe a concerné 241 locataires (ce chiffre a triplé en quatre ans) pour un montant global de 47.185 euros. “Pour rappel, aucune taxe n’est perçue pour un logement inférieur à 30 m². De nombreux étudiants se trouvent dans cette situation”, rappelle Anne Barzin (MR), échevine des Finances.

À Liège, où le règlement est plus complexe, le résultat est plus précis. “Nous recevons respectivement 30.150 euros et 86.100 euros pour les taxes de 300 et 450 euros, des taux réservés strictement aux étudiants. La taxe de 700 euros rapporte 217.000 euros. Au total, cette taxe sur les secondes résidences fait donc rentrer environ 330.000 euros dans les caisses de la commune”, détaille l’échevinat des Finances. S’y ajoute la taxe sur les logements de superficie réduite ou meublés offerts en location, qui rapporte gros : près de 2,3 millions d’euros par an.

Des modifications dès 2026 ?

À Mons, le règlement-taxe sur les secondes résidences a récemment été prolongé jusqu’en 2031, avec une indexation annuelle. Dans les trois autres villes universitaires wallonnes, le règlement-taxe sur les secondes résidences arrive à échéance cette année. Les textes seront bientôt représentés au Conseil communal. Et il pourrait y avoir du changement.

Du côté de Namur, Anne Barzin préfère ne pas se prononcer sur ce qu’il adviendra de cette taxe.

En revanche, ça pourrait bouger à Ottignies-Louvain-la-Neuve, où le MR a remplacé le PS et Ecolo dans la majorité aux côtés des Engagés. “Nous réfléchissons à comment diminuer la pression financière et la spéculation, mais nous ne supprimerons pas la taxe. La majorité sortante laisse un déficit structurel de 5,8 millions d’euros”, note Cédric du Monceau.

Liège pourrait aller plus loin. Tant dans le chef du bourgmestre Demeyer que dans celui de l’échevine Clotuche, une taxe spécifique sur les kots n’est plus un tabou. “On estime qu’il y a 18.000 koteurs non domiciliés à Liège. Pour l’instant, il n’existe pas à proprement parler de ‘Fiscalité Kot’. Toutefois, celle-ci est en gestation. Selon nos estimations, elle pourrait rapporter 2 millions d’euros par an dès 2026”, annonce le cabinet Clotuche. Une nouvelle taxe qui, a priori, ne devrait pas faire disparaître – du moins pas totalement – l’actuelle.

“Aucune décision formelle n’a encore été prise, mais créer un effet de vases communicants n’aurait pas d’intérêt”, glisse-t-on du côté de l’échevinat des Finances.

Olivier Daelen

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